Coup d’envoi du festival Montréal/Nouvelles Musiques

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Église St-Jean Baptiste de Montréal, jeudi 21 février 2019. L’Ensemble SMCQ présentait HoMa

Le Festival Montréal/Nouvelles Musiques (MNM), qui a lieu un peu partout jusqu’au 2 mars, lançait jeudi dernier sa soirée d’ouverture. Ou, devrais-je plutôt dire, il larguait les amarres et hissait ses voiles, prêt à affronter tous les vents et tempêtes en quatre actes. Ce fut une soirée où, effectivement, les vents et les percussions se liaient de tous leurs éclats.

Le compositeur Samy Moussa

Le compositeur Samy Moussa

Premier acte : Samy Moussa, nous a offert une œuvre toute récente (2018) de seize minutes, Stasis, une première nord américaine.

Il s’agit d’une commande du «Bayerische Staatsoper (Opéra d’État de Bavière) pour l’ensemble de Munich Opera Horns, leur section de cors. Elle a été créée dans le cadre du Festpiel-Gottesdienst (Office religieux du Festival d’opéra de Munich en juin 2018), puis lors d’un concert – au cours du même festival – avec l’Orchesterakademie et les Munich Opera Horns sous la direction de Samy Moussa. (trad. Eugénie Pascal)», nous instruit le programme. Fasciné par le manuscrit d’une partition de musique tibétaine découvert par hasard, en plein travail de composition de Stasis, et inspiré par le chofar, instrument utilisé dans la liturgie juive à l’occasion de certaines fêtes religieuses, Moussa explique : « Mon inspiration est rarement d’origine extramusicale, mais dans ce cas-ci, cette partition m’a stimulé d’une manière plus concrète, me touchant profondément par sa beauté. Sans savoir ce qu’il signifiait réellement, et sans avoir la moindre idée de son résultat sonore, ce manuscrit me disait quelque chose. »

En médecine, Stasis, c’est l’arrêt d’écoulement de fluide corporel. Plus couramment, il est question d’une forme d’inactivité. Stasis, une pièce méditative qui, selon moi, implique l’attente d’une ou d’actions à venir, comme un grand acte en préparation. Moussa se présente, accompagné de huit cors qui s’installent, lui en plein centre sur une tribune et eux tout autour de l’église. Chaque musicien rejoint une redoute, à laquelle sont suspendus des gongs de différentes sonorités, dans des endroits ou la résonance offre la meilleure projection sonore. La direction du chef-compositeur se présente sur 360 degrés et les sons tournent en quadraphonie. Le mixage des cors et des gongs appelle à la concentration et à la contemplation tout en laissant planer une certaine inquiétude devant l’inconnu.

Le compositeur Jean-François Laporte

Le compositeur Jean-François Laporte

Second acte : vient l’Incantation de Jean-François Laporte, une commande de Quasar réalisé avec l’appui financier du Conseil des arts du Canada, une œuvre pour quatre « trompes-sax ».

L’église est plongée dans le noir. Puis une douce lumière en crescendo nous révèle le quatuor sur la tribune en avant scène. Une trompe se fait entendre, lentement les autres s’y joignent. Les consciences ayant été quelque peut choquées, cors et gongs ayant précédé, l’appel, davantage objectif, se fait encore plus percutant. Soudain, les extrémités de métal des instruments sont utilisées pour donner des sons aigres-aigus. Comme des souris qui se lamentent. Entre elles et les éléphants, il y a comme une impression qui laisse supposer que se joue là toute l’existence de la création. Encore une fois, l’espace est utilisé de façon optimum dans un déambulatoire empreint d’une vitalité persévérante. L’« Incantation » ne s’improvise peut-être pas, elle s’impose en apportant la lumière totale sur la suite et le troisième acte et le grand orgue avec Étude no 1 (Harmonies) de György Ligeti. L’église s’illumine de toutes ses lampes.

Troisième acte : L’explication au programme nous prépare. « Ce qui provoque ces modifications et altérations n’est pas un changement de notes mais un changement de la pression de l’air. Cette étude est en effet jouée en « basse pression », c’est à dire que l’alimentation en air ne vient pas du moteur de l’orgue mais d’un ventilateur de moindre puissance, un ventilateur d’aspirateur par exemple. Chaque tuyau réagit différemment à cette basse pression de l’air. L’orgue s’essouffle. L’état asthmatique de l’instrument, si déplorable d’habitude, se transmue ici en une belle maladie. Elle crée des sons blafards presque surnaturels, des harmonies délavées, rangées de moisissures. »

Ce fut un moment de profonde méditation pour le public, yeux fermés et respirations profondes. Bien aérés, nous étions prêts pour le dernier acte.

Le compositeur Michel Gonneville

Le compositeur Michel Gonneville

Ce quatrième acte, utilisant davantage la spatialisation sonore, c’est HoMa. HoMa pour Hochelaga-Maisonneuve, du compositeur Michel Gonneville présent pour l’occasion. « Hochelaga : bourgade amérindienne (iroquoisienne?), que Cartier visita et qui disparut peu après. L’Autochtone. Le rapport de sa culture et de sa « religion » à la nature. (…) » – (Religion du latin « religare » signifiant « relier », ndlr.) –« Maisonneuve : la fondation de Ville-Marie est placée sous le signe du projet de conversion des « Sauvages », avec le commerce en contrepoint… l’orgue commence à déclamer ses sermons, successifs puis superposés, sur la spirale des gémissement des morts et des douleurs de l’enfer – logique imparable de l’Européen, rhétorique répétitive du prosélytisme – discours auxquels la « nation » des vents, d’abord attentive, finit par réagir» (…), peut-on lire au programme sous la plume de Gonneville.

HoMa, est une commande datée de 2007, faite par l’Ensemble de la Société de Musique Contemporaine du Québec : 24 instruments à vent, 5 percussionnistes et le grand orgue, tous sous la direction d’un Walter Boudreau mobile sur 4 pupitres-estrades différents.

En regardant vers l’autel, sur la gauche, les bois et une percussion. À droite, les cuivres et une percussion. Devant, sur le pas de l’autel, 2 percussionnistes, où tous s’y retrouveront à la fin du déambule. Derrière, sur le haut balcon, l’orgue et les cloches tubulaires. L’orgue de l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qui date de 1915, est le 615e Opus de l’entreprise Casavant & frères. En comparaison, celui de la Maison Symphonique est le 3900e.

Ce que vous avez manqué ? Tout. Vous avez tout manqué de cette soirée de déploiement des voiles aux grands vents. Quatre grands actes.

Vous n’avez rien manqué ? De la solidité et l’inconfort des bancs d’églises. Mais comme il m’arrive de me dire : « On apprend si peu du confort. Si c’était le cas, les apprentissages seraient meublés de fauteuils… ou encore, aurions-nous obtenu d’excellents résultats depuis le temps qu’on installe les enfants devant des écrans… » www.smcq.qc.ca

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A propos de l'auteur

Depuis 2017, Dino Spaziani occupe un poste dans la vente de publicité à La Scena Musicale. Dino est également réviseur pour les articles en français. Il lui arrive d'écrire des comptes rendus de concerts au gré de l’inspiration du moment. Dino est détenteur de deux certificats, l'un en administration et l'autre en gestion des technologies de l'information, de l'UQAM. Il a également passé du temps à se produire dans les rues et les métros de Montréal pour joindre les deux bouts et s'amuser. // Since 2017, Dino Spaziani has held a position in advertising sales at La Scena Musicale. Dino is also a reviewer for articles in French. He sometimes writes concert reports depending on the inspiration of the moment. Dino holds two certificates, one in administration and the other in IT management, from UQAM. He has spent some time performing in the streets and metro of Montreal to make ends meet and have fun.

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