C’est sous le signe de la jeunesse que le Trio Fibonacci nous a conviés à son lancement de saison à la Salle Bourgie ce dimanche. Vingt ans, c’est la fougue, la passion, l’insouciance… et pour fêter ses vingt ans, le trio a choisi des pièces de jeunesse de Beethoven, Debussy, Gilbert et Brahms. Retour sur ce lancement dominical.
Le Trio op 1 no 1 de Beethoven est la première œuvre publiée par le compositeur. En 1795, Beethoven poursuit des études auprès de Haydn, mais également Johann Schenk et Antonio Salieri. Au fil des quatre mouvements, les musiciens du trio Fibonacci nous donnent un bel aperçu de la fougue et du caractère du jeune Beethoven qui n’hésite pas à s’éloigner des carcans classiques pour affirmer un jeu pianistique virtuose. Quelque peu déséquilibrée dans l’écriture, accordant un rôle prépondérant au piano et une moindre place aux cordes, cette œuvre reste une preuve irréfutable que le jeune compositeur appartient à la génération du Sturm und Drang.
Le Trio en sol majeur de Debussy est une œuvre assez méconnue, retrouvée seulement en 1982. Du haut de ses 18 ans, le jeune Debussy compose sa première œuvre de chambre alors qu’il est au service de la mécène Nadejda von Meck à Florence. Si l’œuvre en quatre mouvements est résolument tournée vers le romantisme, on reconnaît néanmoins dans le jeu du piano ces touches aquatiques impressionnistes qui marqueront la future esthétique de Debussy. L’écriture est équilibrée, aérée et aérienne, exécutée avec une grande maîtrise et une synchronie quasi-parfaite par les trois musiciens, et s’achève dans un quatrième mouvement d’une rare beauté, lancé « appassionatissimo » par le trio qui révèle ainsi l’ardeur d’un thème à la fois impétueux, nostalgique, lumineux et délicat.
Plus près de nous, la pièce du compositeur Nicolas Gilbert, L’instant d’avant, est une réflexion sur le temps et sa perception par l’auditeur. Le compositeur en résidence à l’Orchestre symphonique de Laval et professeur au Conservatoire de musique de Montréal a souhaité nous faire rajeunir de quelques minutes dans cette pièce qui se voulait, selon lui, une expérience où la succession d’événements qui forme le temps ressenti se déroule à rebours. Composée en 2004 pour le trio Fibonacci, cette pièce est marquée par des contrastes d’énergie et de dynamique, entre notes répétées, accords ouverts et unissons scandés avec véhémence. Le trio renoue avec ses racines contemporaines en menant cette pièce avec éclat et précision.
Le concert s’est achevé sur le Trio op 8 en si majeur de Brahms, œuvre datant de 1854 du compositeur alors âgé de 21 ans. La pièce a été remaniée en 1890, à la fin de la vie de Brahms, ce qui lui confère un caractère singulier. Elle est singulière à plusieurs égards, puisqu’elle a marqué la première rencontre entre Julie-Anne Derome, Gabriel Prynn et le nouveau pianiste du trio, Steven Massicotte, qui entame sa deuxième saison au sein du trio. Tout au long de ce généreux concert, les musiciens ont fait preuve d’une grande écoute, d’une étonnante synchronie et d’une implication substantielle pour nous donner à entendre et à comprendre les gestes que ces quatre jeunes musiciens ont posé à l’aube de leur carrière.