La Maison symphonique accueillait vendredi dernier la violoniste Anne-Sophie Mutter et le pianiste Lambert Orkis pour un récital de sonates de Mozart, Debussy, Ravel et Poulenc. L’OSM et Pro Musica ont visé juste en invitant deux grands interprètes de notre temps, qui ont livré un concert vibrant d’émotion et d’intensité.
Les deux musiciens collaborent depuis trente ans et ont su forger leur esthétique propre, mais aussi un son aisément reconnaissable, véritable velours où les pianissimos sont autant de caresses duveteuses pour les oreilles. Le jeu de Lambert Orkis peut rappeler Nelson Freire, alliance de la vivacité et d’une infinie délicatesse, particulièrement appréciable dans le répertoire de Mozart, où les deux musiciens se permettent de nombreuses libertés pour rendre le texte de manière très aérée.
Le répertoire français est assez évocateur des années de guerre. Les sonates de Debussy (1917) et Poulenc (1942-43) sont écrites en pleine guerre et celle de Ravel (1923-27) s’inspire du blues et des musiques afro-américaines alors très en vogue en France. Si les deux musiciens jouent beaucoup avec les contrastes chez Debussy, ils s’ouvrent aux couleurs et aux résonances chez Ravel, dont le deuxième mouvement peut paraître anecdotique aux oreilles d’aujourd’hui. Poulenc est pris à un train d’enfer, avec un élan de virtuosité contagieuse, faisant ressortir les influences du tango. L’écriture de Poulenc est magistrale, avec un très bel équilibre entre les instruments et des dialogues incessants (comme chez Mozart d’ailleurs), à la fois chatoyante et pleine de raffinement. Les deux musiciens en dessinent des contours vertigineux pour clore ce programme, ponctué de deux rappels dont une pièce-hommage à André Prévin, grand chef d’orchestre décédé le mois dernier et ex-mari de la violoniste. Le public a assisté à une performance à couper le souffle et a fait preuve d’une écoute intense. La Maison symphonique n’est pas prête d’oublier les délicieux pianissimos d’Anne-Sophie Mutter et de Lambert Orkis.