Classique Hybride : Un Survol Historique

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Le terme classique hybride (crossover) est utilisé dans le monde de la musique depuis les années 1980 pour décrire les musiciens classiques (compositeurs et artistes) qui investissent le monde de la musique pop. Leur objectif : élargir le cercle des amateurs d’un genre en le mélangeant à un autre. Cependant, les genres mélangés ne sont pas nécessairement classiques.

Attirer les auditeurs vers la musique classique en adoptant une stratégie hybride se révèle efficace pour des artistes de renom comme Angèle Dubeau, Yo-Yo Ma, Yuja Wang, Itzhak Perlman et d’autres qui n’ont pas bâti leur carrière sur un seul genre. Chacun crée une identité stylistique personnelle qui inclut à la fois la musique classique (sérieuse et légère) et d’autres genres dans ses programmes, comme l’ont fait Leonard Bernstein, Arthur Fiedler, Yehudi Menuhin et d’autres grands chefs d’orchestre qui ont élargi leur public grâce à des programmes associant la musique classique à des œuvres plus légères et à des morceaux pop.

AMALGAMES

Bien que l’appellation classique hybride soit relativement nouvelle lorsqu’elle est appliquée au domaine de la musique classique, l’approche consistant à combiner et à mélanger les styles traditionnels et populaires de composition et d’interprétation existe depuis des siècles. L’apport du folk et de la pop ­combiné à la musique classique donne une communication de cœur à cœur bien connue. Les compositeurs n’écrivent pas en vase clos. Ils sont influencés par leur entourage, que ce soit de manière consciente ou inconsciente, fortuite ou délibérée.

À titre d’exemple, dès le XVIIIe siècle, Mozart écrit une œuvre pour piano – Douze variations en do majeur pour piano sur « Ah ! vous dirai-je, maman » – qui reproduisait consciemment ou inconsciemment une comptine datant de la même époque. L’œuvre créée par Mozart est restée populaire pendant des siècles, à la fois en tant qu’œuvre classique et en tant que mélodie grand public référencée sous de nombreux titres. S’agissait-il d’un mélange délibéré de classique et de contemporain à son époque ? Connu sous le nom de Twinkle Twinkle Little Star, ABC (la chanson de l’alphabet) ou Baa Baa Black Sheep, au XXe siècle, Shinichi Suzuki a délibérément retravaillé l’air familier sous le nom de Twinkle. Il est devenu le fondement de son « approche de la langue maternelle » pour l’enseignement de la musique classique (violon, violoncelle, piano). Que l’on puisse le rattacher à une comptine enfantine, à un éducateur japonais du XXe siècle ou à un compositeur du XVIIIe siècle, Twinkle/Mozart a suscité la fascination des musiciens du monde entier et aucun retour en arrière n’est possible.

COMMERCIALITÉ ET RENTABILITÉ

Pour les producteurs de musique, combiner le classique et la musique pop est un choix judicieux. Le défi consiste à trouver les artistes qui peuvent s’engager à exceller dans les deux genres. Heureusement, le nombre de ces artistes est en augmentation.

Le violoncelliste Yo-Yo Ma joue du violoncelle classique et contemporain depuis plus de 60 ans. Il choisit des titres comme Crossing Borders (traverser les frontières) pour ses disques et est considéré comme un artiste classique hybride. Il explique ses perspectives sur la création de liens par la musique dans la série Masterclass, où il discute de la nécessité d’apprécier tous les genres musicaux – ­classiques et contemporains. Ses multiples enregistrements et interprétations en direct des suites pour violoncelle solo de Bach, par exemple, sont tout aussi populaires que ses interprétations d’Astor Piazzolla et de Cole Porter.

Le violoniste de renommée mondiale Itzhak Perlman est également un ambassadeur éloquent de la musique classique hybride. Dès 1997, Sony Classical a fait paraître Cinema Serenade, expressément catégorisé comme classique hybride. Le disque met en vedette Itzhak Perlman ­(violon), John Williams et l’orchestre ­symphonique de Pittsburgh. Perlman a ­toujours été aussi à l’aise avec la musique classique qu’avec d’autres genres, ce qui explique qu’il soit admiré même en dehors du monde classique. Enfant, il écoutait de la musique classique autant que populaire. C’est un fait biographique dont il fait part dans la série Masterclass. L’une de ses principales leçons invite les auditeurs à partager et à ressentir son enthousiasme pour la musique et à reconnaître que les musiciens ont beaucoup de chance – car quoi de mieux que de pouvoir gagner sa vie en jouant de la grande musique ?

VIDÉO: John Williams : Le thème de la Liste de Schindler dirigé par Perlman

En tant que compositeur, Andrew Lloyd Webber, avec ses Variations, pour violoncelle et groupe rock, se situe encore plus loin dans le méli-mélo de la pop classique. Si le choix de la mélodie et de l’harmonie sont des facteurs primordiaux pour délimiter le classique du contemporain, le timbre et l’instrumentation jouent également un rôle important. Dans l’œuvre de Lloyd Weber, le violoncelle offre une touche classique à une ambiance générale de pop. De formation classique, il s’est associé au fil du temps à d’autres artistes hybrides bien connus, comme Sarah Brightman et Andrea Bocelli, dans des œuvres telles que Time To Say Goodbye. La chanson porte un titre ironique, étant donné sa popularité qui résiste à l’épreuve du temps, sans faiblir. Bocelli, vedette de l’opéra classique, mélange librement et avec talent des arias avec de la musique populaire.

Les Piano Guys (le pianiste Jon Schmidt et le violoncelliste Steven Sharp Nelson) prennent des œuvres classiques et des tubes pop contemporains, puis les retravaillent, les reproduisent, les interprètent et créent des assemblages. Cette approche est devenue leur style unique. Leur objectif de rendre le monde meilleur grâce à des vidéos musicales qui reprennent des œuvres allant des suites pour violoncelle de Bach à Over the Rainbow semble avoir fait mouche, comme le confirme le calendrier de leur tournée 2022.

UNE TENDANCE EN HAUSSE

Le compositeur baroque Georg Philipp Telemann, multi-instrumentiste autodidacte, l’a prédit il y a des siècles. Aujourd’hui, la ­violoniste québécoise virtuose Angèle Dubeau et son ensemble classique contemporain ­entièrement féminin, La Pietà, ont fait de cette idée leur devise. La musique appartient à tout le monde, sans barrières. Mais elle ne peut être librement retravaillée sans l’autorisation du ou des titulaires de droits d’auteur. On ne peut pas non plus supposer que tous les titulaires de droits sont heureux de voir leurs créations ou leurs interprétations modifiées. La réutilisation de Bach ou de Paganini ne suscitera aucune plainte de leur part, pour des raisons évidentes. Mais la réutilisation d’œuvres de compositeurs ou d’artistes vivants, dans un format modifié, peut susciter une attention involontaire et des coûts imprévus. Il s’agit donc d’une situation où l’acheteur doit prendre garde en termes de litiges dans l’industrie. Heureusement, l’utilisation efficace et légale d’œuvre est en augmentation. Le remaniement, la reproduction, l’exécution et la mise à disposition de l’œuvre ajoutent aux revenus générés pour le compositeur initial et par ceux qui ­participent à la démarche de reprise.

Il faut de l’éducation, du marketing et de la créativité pour faire comprendre que la musique classique, en tant que genre, est ­universellement accessible. Peut-être plus que pour d’autres genres, qu’il s’agisse de musique alternative, de blues, de country, de danse, d’électronique, de folk, de rock, de rap ou de pop. Certains genres s’en sortent mieux que d’autres, si l’on en croit les rapports sur les redevances générées par les artistes qui connaissent un succès commercial. Les ­musiciens classiques de talent ne doivent pas être laissés pour compte.

Les compositeurs et les artistes, en particulier, font face à des défis de plus en plus importants en matière de parts de marché, car ils se disputent les revenus à l’ère de la diffusion de musique en continu. Quel que soit le support utilisé pour rendre la musique disponible, les compositeurs, les interprètes, les chefs ­d’orchestre, les fabricants et les vendeurs ­d’instruments de musique entrent dans une ­nouvelle ère post-pandémique difficile. Les musiciens hybrides relèvent ces défis pressants en éliminant les barrières qui ont inutilement divisé la musique classique et les autres genres. Les résultats sont gratifiants pour tous.

TRADUCTION PAR MELISSA BRIEN

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A propos de l'auteur

Andrea Rush B.Mus, L.Mus. LLM. , R.M,T. , Dipl. D’etudes theoriques graduated from the Conservatoire de Que., ( premiere medaille) and McGill University, after studying ( on full scholarship ) with pianists Dorothy Morton, Irving Heller, Fleurette Beauchamp-Huppe Herman David and conductor Alexander Brott. She has guest lectured on music, computer technology and related legal issues at York University, OCAD, McGill and Stanford University. Andrea is a member of the American Musicological Society and the Music Critics Association of North America. She continues as a member of the string section of various community orchestras in Toronto.

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