Richard Desjardins présentait vendredi dernier la première de son plus récent documentaire, en compagnie de Charles-Richard Hamelin, pianiste interprète du film.
On connait le Desjardins auteur-interprète engagé pour la protection du territoire, des ressources et des communautés du nord. On connait moins l’influence du classique sur son parcours artistique. Réalisé sans son collaborateur habituel, Robert Monderie, ce film plus personnel nous présente Chopin comme une figure marquante de sa vie.
Les commentaires socio-historiques tapissent le film dès l’ouverture. Des millionnaires new-yorkais des années 1920 ont recours à des travailleurs slaves, faute de volontaires locaux pour faire rouler leur nouvelle fonderie de cuivre en Abitibi. Les voisins de son enfance jouant entre eux dans la rue de son Vieux-Noranda natal proviennent d’autant de nations que celles qui, à la même époque, s’entredéchirent en Europe. Sur ce ton grave, Desjardins introduit le contexte l’unissant au compositeur polonais. C’est par cette migration culturelle que Chopin lui est parvenu.
Desjardins fut en effet happé dès l’enfance par le compositeur franco-polonais, que sa mère jouait régulièrement. Des travailleurs rentrant chez eux s’arrêtaient souvent devant la porte ouverte pour écouter un peu de piano. Étaient-ce des Polonais ? Connaissaient-ils Chopin ? « Je poursuis mon enquête », dit-il.
Chopin, le Mozart de Pologne
« J’essaie de comprendre comment Chopin a fait pour m’émouvoir autant tout le long de ma vie ».
Premier arrêt sur les traces de Chopin à Żelazowa Wola (comté de Varsovie), où il est né et où son cœur est conservé dans un flacon de cristal baignant dans le cognac. Le reste du corps repose à Paris, où l’idole mourut de tuberculose à l’âge de 39 ans. « J’essaie de comprendre comment Chopin a fait pour m’émouvoir autant tout le long de ma vie », résume le narrateur à propos de son entreprise documentaire.
Né en 1810 d’un père français et d’une mère polonaise dans le milieu de l’aristocratie et initié au piano par sa mère et sa sœur aînée, Chopin devînt très tôt une attraction dans les salons de la haute société grâce à son talent exceptionnel et précoce. Dans les fêtes paysannes auxquelles il assistait avec sa famille, le jeune pianiste se laissa inspirer par des sonorités nouvelles qui seront à l’origine de ses Mazurkas.
Très tôt, ses enseignants de classique et ses amis lui conseillèrent de partir vers d’autres contrées d’Europe plus propices à son avancement. Incertain à l’idée de devoir s’éloigner de sa flamme inavouée, la belle Konstance, il y fut néanmoins contraint par l’invasion russe.
Il se réfugia à Paris, où il rencontra la célèbre auteure George Sand, qui partagera sa vie pendant dix ans et qu’il chérira jusqu’à son dernier souffle. Elle l’appelait affectueusement « Chip Chip ».
La Sonate à Chopinsky
Desjardins, qui a abandonné sa formation classique à 17 ans après s’être confronté sans succès à Chopin, rencontre dans ce film des pianistes chevronnés ayant différents angles d’approche du virtuose. À travers ces échanges ponctués de prestations se révèle l’influence de Chopin sur le jazz.
Charles-Richard Hamelin exécute un Nocturne où l’arrêt sur un accord rappelle Herbie Hancock. « Chopin est allé trouver des sons verticaux visionnaires… ». La main gauche régulière et la main droite qui improvise était sa marque.
Marianne Trudel renchérit : « Chopin est le summum de la palette d’expressivité que le piano peut procurer… » Elle entame un Prélude de Chopin pour montrer le parallèle. On y reconnait le côté romantique de Desjardins. « J’aurais été influencé », remarque-t-il… Qu’il ait été influencé ne fait aucun doute à la lumière de ces analyses, mais aussi vu la prémisse même du film.
Il se met au piano pour la première fois interprétant sa Sonate à Chopinsky. « Pas une once de Chopin là-dedans… un 40 onces plutôt ! », conclut Trudel.
Chip Chip – Chopin par Desjardins, documentaire de Richard Desjardins produit par Sylvie Van Brabant et Amélie Lambert Bouchard, des Productions du Rapide-Blanc. Maintenant disponible sur ICI Télé | Radio-Canada