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Dimanche premier mai à la salle Pierre Mercure, la Société de musique contemporaine du Québec achèvera sa série de Portraits par Brasier, un concert consacré à la musique de Linda Bouchard. Un spectacle unique permettant aux spectateurs, à travers les cinq pièces au programme, de découvrir l’univers musical puissant et coloré de cette compositrice québécoise au parcours atypique, à mi-chemin entre Montréal, San Francisco et New-York.
L’univers musical de Linda Bouchard est profondément empreint de ses nombreux voyages. Après un court séjour à Paris, elle choisit, en 1979, de s’installer à New-York pendant plus d’une dizaine d’années. Elle y découvre une vie culturelle en ébullition qui lui permet de mesurer les spécificités de la musique nord-américaine, et particulièrement le rapport au rythme et à la pulsation, très différent de l’héritage européen : « Le choix de rester en Amérique a eu un impact très grand dans ma musique. En Amérique du Nord il y a une grande importance dans le rythme : le jazz, la musique pop, la musique minimaliste… Bien que je ne sois pas influencée directement par le jazz, c’est un genre musical qui m’a nourri : l’énergie, la densité, la fluidité dans le phrasé sont des éléments que je cherche à transmettre dans ma musique ». Malgré cet ancrage aux États-Unis (ponctué par un retour à Montréal dans les années 1990, puis par un départ à San Francisco en 1997), Linda Bouchard reste pleinement attachée à ses racines : « Je suis québécoise et je m’identifie comme telle. J’ai passé la majeure partie de ma vie aux États-Unis, mais les américains me connaissent comme une compositrice canadienne. »
La musique de Linda Bouchard se caractérise par sa densité, par la richesse de ses textures et par son énergie rythmique. Son écriture en strates et en blocs sonores, influencée notamment par Edgar Varèse, s’affranchit des introductions et des développements afin de privilégier la discontinuité formelle et l’immédiateté de l’expression musicale. « J’écris une œuvre pour que l’auditeur se créé une image sonore d’un voyage, mais je n’essaie pas de raconter une histoire. L’expérience de la vie n’est pas linéaire, elle se construit par un amalgame de plusieurs ressentis. En ce sens, mon écriture musicale n’est pas continue : on pourrait dire qu’elle se rapproche plus de la poésie que du roman ».
Les cinq pièces au programme de Brasier, écrites entre 1996 et aujourd’hui, permettent d’apercevoir une évolution esthétique d’une grande cohérence, animée par la même quête : la recherche constante d’énergie, de mouvement et de vitalité. « J’ai toujours cherché la même chose dans ma musique, depuis ma toute première œuvre, même si cette recherche s’est articulée de différentes façons et a pris toutes sortes de formes. »
Son univers musical est parcouru par un élan, un flux perpétuel, qui semble refléter le mouvement des éléments naturels : ainsi, Liquid States (2004, pour orchestre de chambre) est « inspirée par ma fascination pour l’eau sous toutes ses formes, ses forces et ses textures ». Réfraction (2015, pour orchestre à cordes) « explore l’idée de l’eau et de la lumière. Cette œuvre essaie de capturer ce moment où une onde est réfractée, où sa forme se modifie » à travers une pièce « très différente des autres, marquée par son intériorité et par l’importance du silence ». Brasier (2001, pour orchestre de chambre) est conçue à partir de l’observation, à différentes échelles, du feu. Elle propose ainsi « trois expériences du feu : la flamme observée de l’extérieur (représentée par le bruit blanc); l’intérieur du feu (la rougeur du brasier), puis le souvenir. »
Cette interaction entre, d’une part, les forces de la nature et, d’autre part, la réflexion sur la mémoire et le souvenir est également au cœur de Fracture, sa nouvelle œuvre qui sera créée par l’ensemble de la SMCQ lors de ce concert. Cette pièce, qui reprend presque à l’identique l’instrumentation de la Musique pour cordes, percussions et célesta de Béla Bartók, a été composée pendant les précédents confinements : « C’est une œuvre qui a été inspirée par le choc de la pandémie de Covid 19. Nous nous sommes rendus compte de notre inter-connectivité comme jamais auparavant : d’un seul coup, tout s’est arrêté, et j’ai ressenti une cassure, une dissolution presque physique dans les mouvements humains. » Le projet esthétique de Fracture associe le choc planétaire associé à la pandémie à la représentation de la faille sismique : « J’ai exploré l’idée de la faille sismique et de la faille planétaire que nous vivions pendant la pandémie. J’ai recherché, dans Fracture, à retranscrire le moment où quelque chose se brise : un énorme bruit, une cassure, et un éparpillement qui nous donne le vertige. » Cette pièce, décrite par Linda Bouchard comme « ma pièce la plus osée et risquée » se clôt malgré tout par « un souvenir, un bruit qui porte en lui toutes les couleurs et qui nous ramène à la vie, au souffle, à l’espoir ».
Sa découverte des outils numériques, au début des années 2000, a permis à la compositrice de renouveler sa démarche créatrice, en lui offrant « une nouvelle conception du geste, ainsi qu’un nouveau rapport à l’intégration du bruit et des textures sonores. Les nouvelles technologies nous permettent d’être moins enfermé dans l’histoire de la mélodie et de l’harmonie, et nous offrent un nouveau rapport au son. » Cependant, malgré l’exploration de nouvelles facettes de la composition musicale (création d’œuvres multimédias, création de logiciel de notation graphique en temps réel et nombreuses collaborations artistiques) Linda Bouchard reste très attachée à l’écriture instrumentale et à la musique de concert. Ce dernier Portrait de la SMCQ nous offre ainsi l’opportunité d’explorer pleinement la musique pour ensemble, riche et audacieuse, de cette compositrice éclectique.
Brasier — Portrait de Linda BouchardSalle Pierre-Mercure – Centre Pierre-Péladeau
Dimanche 1er mai 2022 15h00
http://smcq.qc.ca/smcq/fr/evenement/43756/brasier-portrait-de-linda-bouchard
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