Critique | Soirée Arsenale/Nouvel ensemble moderne à Montréal

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Le 14 avril, l’Arsenale et le Nouvel ensemble moderne (NEM) ont offert une rencontre de musique nouvelle Québec/Italie, à l’Espace Orange-Édifice Wilder à Montréal. L’événement était coproduit par Le Vivier et le NEM, en partenariat avec le Comité national italien de musique (CIDIM), l’Institut italien de culture de Montréal et La Scena Musicale.

Bâtir des ponts par la musique

L’événement lui-même faisait partie du festival international Résonance croisée, organisé par Le Vivier en partenariat avec le réseau des instituts culturels nationaux de l’Union européenne, une rencontre d’artistes de création Québec/Europe tenue du 11 au 16 avril ayant comme objectif de créer des ponts entre les artistes québécois et européens. Chose intéressante, en plus des multiples performances, la semaine a fourni l’occasion d’échanges avec le public.

C’est d’ailleurs ainsi qu’a débuté la soirée du 14 avril, par une rencontre préconcert en présence de Lorraine Vaillancourt, directrice musicale du NEM, Filippo Perocco, directeur artistique de l’Arsenale et Jeffrey Stonehouse, directeur artistique du groupe Le Vivier qui a agi comme initiateur de questions et d’échanges. On y a beaucoup appris sur ces formations, qui sont engagées dans la promotion et le développement de la musique contemporaine. Ils ont des préoccupations communes, mais aussi des différences marquées. L’Arsenale a été fondé en 2005 et est situé dans la petite ville italienne de Treviso, à 28 km au nord de Venise. Son effectif très particulier et très compact, alliant chef d’orchestre, soprano, saxophone, guitare électrique, accordéon et piano/synthétiseur, délimite les possibilités de collaboration avec les jeunes compositeurs. Le NEM est une formation symphonique chambriste, faite de quinze musiciens et musiciennes et qui possède les sections nécessaires pour interpréter une multitude d’œuvres du répertoire de la musique moderne, comme il l’a fait dans nombre d’événements internationaux.

Pendant l’échange, on a discuté entre autres des tournées, qui n’ont pas tout à fait les mêmes traits en ce qui concerne les deux ensembles. Le Québec et le Canada sont des territoires immenses, où les tournées sont très coûteuses et les événements plutôt peu nombreux. En Italie et en Europe, les distances sont rapprochées, les événements possibles sont plus nombreux, la dynamique est différente. On a discuté de la collaboration et de la relève : la collaboration avec des artistes pour qu’ils soumettent des œuvres aux formations, et la relève à la fois du public et des jeunes artistes. Tous ces aspects ont connu de grands défis dans les conditions de la pandémie, où l’expérience collective de la musique en présentiel a été remplacée par le virtuel, changeant le contact avec le public et entre les instrumentistes eux-mêmes. Les porte-paroles des formations ont répondu avec attention aux questions, expliquant davantage les conditions dans lesquelles elles œuvrent.

Après une brève pause, le concert a débuté par la première partie assurée par l’Arsenale. On a pu apprécier que l’art de l’Arsenale est celui de la courte pièce, de l’évocation brève fortement rythmique avec des pointes de lyrisme courtes elles aussi. L’Arsenale utilise les instruments de manière ludique et aussi atmosphérique, chaque instrumentiste faisant preuve d’une grande virtuosité, sous la direction précise et pleine de nuances de Filippo Perocco. L’aspect ludique réside dans le rôle inusité donné à l’instrument, le saxophone, la guitare et même l’accordéon devenant percussifs. Ailleurs, une autre atmosphère est créée alors que les instruments sont unis dans une évocation proche du silence, où les sons de chacun se fondent dans l’ensemble. La soprano a une voix magnifique, qui est utilisée le plus souvent de façon instrumentale et dans un rapport d’égalité avec les instruments. Il y a des éléments de texte, comme dans l’œuvre di questo de Sylvia Borzelli, qui comprend des fragments de poème. La performance de l’Arsenale comprenait une création, Trodden, du compositeur américain Jesse Diener-Bennett, présentement professeur de musique à l’Université McGill.

La seconde partie de la soirée a été assumée par le NEM. La première œuvre, exécutée en présence du compositeur italien Alessandro Solbiati, était Sinfonia da Camera. Il s’agit bien d’une symphonie, les quatre mouvements animés de tempos différents, où les sections de l’orchestre ont leur voix propre, parfois s’opposant, parfois aussi en symbiose. L’impression générale est celle d’une œuvre dramatique.

Bien différente est l’atmosphère de la deuxième œuvre, Arras, de la compositrice canadienne, aujourd’hui basée à Montréal, Keiko Devaux, elle aussi présente au concert. Ici, l’impression est celle d’un poème symphonique, essentiellement atmosphérique, avec des évocations de la musique ancienne japonaise et des touches impressionnistes, combinées aux sonorités contemporaines.

Dans les deux cas, l’orchestre et Lorraine Vaillancourt ont offert une prestation remarquable, très en place et poétique à la fois.

Les compositeurs sont venus saluer l’orchestre et l’auditoire après la présentation de leur œuvre, visiblement ravis d’être au programme et de la qualité de l’interprétation.

Ce fut une soirée bien remplie, avec de très utiles explications sur les conditions dans lesquelles s’exerce le travail des deux formations et de beaux exemples du travail de chacun.

L’auditoire était manifestement satisfait et n’a pas ménagé ses applaudissements. Des ponts ont effectivement été bâtis entre les artistes, et entre le public et les artistes.

https://lenem.ca/fr
https://levivier.ca/fr

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