La Balade pour la paix, un Musée à ciel ouvert au Musée des beaux-arts

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Le musée sans murs

« Je crois que chacun y découvrira, qu’il le veuille ou non, son propre Trésor. »

— Malraux

S’il est encore aujourd’hui courant ­d’entendre les critiques répétées – probablement à tort – de l’hermétisme de l’institution muséale, force est d’admettre que le projet proposé par le Musée des beaux-arts de Montréal en collaboration avec le Musée McCord à l’occasion des festivités du 375e ­anniversaire de Montréal semble être une ­véritable tentative d’éclatement des frontières traditionnelles. L’exposition Balade pour la paix, un Musée à ciel ouvert vise à célébrer les idéaux d’ouverture sur le monde et d’humanisme qui ont façonné l’histoire de la Ville de Montréal et du Canada, mais également à éveiller aux différents enjeux importants de notre époque. Ce projet se déroulera également dans la foulée de l’inauguration du Pavillon pour la paix du MBAM, legs pour un « Montréal de demain » rattaché à des idéaux d’ouverture sur le monde.

À compter du 29 mai, la population montréalaise sera appelée à suivre un parcours extérieur minutieusement préparé rue Sherbrooke entre le MBAM et le Musée McCord. Durant plus de cinq mois, dans cette exposition à ciel ouvert ­s’étendant sur plus d’un kilomètre, seront ­présentés une quarantaine de photographies grand format, près d’une trentaine de sculptures d’artistes canadiens et étrangers ainsi qu’un pavoisement longeant tout le ­parcours, spécialement conçu par nul autre que le réputé designer Claude Cormier. Ce dernier élément se veut en quelque sorte un clin d’œil à la Place des nations telle qu’elle se présentait à l’Exposition universelle de 1967, garnissant les rues de tous les ­drapeaux reconnus par l’ONU, et qui a été l’un des symboles importants des idéaux de paix et ­d’humanité. En soulignant l’Expo 67, les organisateurs désirent mettre de l’avant un moment charnière de l’histoire de la société québécoise, celui où elle s’est ouverte sur le monde, désirant fonder ce dernier sur des idéaux de tolérance et d’ouverture. Loin d’être laissés à eux-mêmes, les participants auront accès à des cartels enrichis tout au long du parcours. Ceux-ci seront également disponibles via une application mobile interactive.

Questionnée sur le sujet, les intentions de Madame Sylvie Lacerte, conseillère à l’art public et commissaire adjointe de l’événement, sont claires : orienté autour des thèmes d’humanisme et de solidarité humaine, le parcours ­préparé est ancré dans l’ici et maintenant, à la mémoire des événements passés et pour susciter une réflexion sur le vivre ensemble à l’aune de défis d’aujourd’hui. Arrimé à ses travaux sur l’institution muséale à l’ère postindustrielle, l’événement prolonge un objectif de démocratisation toujours plus important de l’art à ­l’ensemble de la société. Reprenant l’idée d’André Malraux énoncée il y a plus d’un demi-siècle d’un « musée sans murs », cette exposition se veut porteuse d’une humanité à travers un projet partagé des idéaux d’espoir et d’entraide, étant à même de provoquer un regard introspectif sur le monde. Il s’agit de rendre à l’art sa vocation rassembleuse et inclusive, de faire de celui-ci un canal privilégié de transmission d’un message universel que chacun pourra se ­réapproprier et garder en soi afin de constituer son propre « musée imaginaire », transcendant les époques et les styles.

L’ambassadrice de l’événement n’est nulle autre que Mme Louise Arbour. Se démarquant par un impressionnant parcours, celle-ci a notamment été juge à la Cour suprême du Canada et nouvellement nommée représentante spéciale du Secrétaire des Nations unies pour la migration internationale. Tout au long de sa vie, Mme Arbour s’est consacrée à la reconnaissance des droits humains à travers le monde. « J’ai accepté sans hésitation l’invitation […] Cette exposition exprime des valeurs fondamentales d’humanisme et de paix qui me sont très chères. » Les œuvres ont été soigneusement choisies par Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du MBAM, et Diane Charbonneau, conservatrice de la photographie pour une expérience unique sur les thèmes de la solidarité et d’entraide. Les questions des immigrants du Moyen-Orient et de l’environnement seront notamment abordées dans la trame narrative préparée. Il s’agira également d’une expérience esthétique particulière, où les observateurs auront l’occasion de découvrir la Ville de Montréal dans ses plus beaux atours. Les œuvres, certaines d’exception, ont été généreusement prêtées par des institutions publiques et des collections privées. Soigneusement choisies, plusieurs évoquent la solidarité humaine, notamment en s’ancrant dans des légendes autochtones et en relayant les tristes moments de la colonisation de ces nations. D’autres, telles que des sculptures de l’artiste polonaise Magdalena Abakanowicz, s’ancreront dans les douleurs d’une enfance déchirée entre ­l’expérience nazie puis sociétique. L’oeuvre questionne l’épisode de famine de la Pologne communiste d’après-guerre à travers l’affirmation d’une humanité.

L’art devient alors le plus fidèle canal de ­communication de notre histoire et d’appréhension de notre futur. À l’heure où les ­tensions politiques et les intolérances ­semblent se cristalliser à travers le monde, cet ­événement artistique revêt un sens tout particulier : il est un appel à transcender les murs et les frontières et à ­repenser le monde à travers des idéaux ­d’entraide et d’ouverture. Ceux-ci ayant été au cœur de l’esprit des festivités de l’Exposition ­universelle de 1967, l’événement est l’occasion de redécouvrir et de se réconcilier avec ce patrimoine effrité d’ouverture qui avait été construit à même le rêve d’une société meilleure ou, il comme il avait été formulé en 1967, de cette « Terre des Hommes ».


La balade pour la paix : un musée à ciel ouvert. Du 5 juin au 29 octobre 2017, rue Sherbrooke Ouest. www.mbam.qc.ca

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