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par David Jaeger
En décembre 1971, une annonce inhabituelle apparaît dans les journaux de Toronto. Au début, il s’agissait d’un minuscule rectangle accompagné de quelques mots en majuscules (« BERIO S’EN VIENT »), d’un lieu, d’une date (6 janvier) et d’un numéro de téléphone. Chaque semaine, la taille de l’annonce augmentait. Puis, le 5 janvier 1972, l’on pouvait lire « BERIO EST ARRIVÉ ! »
Le célèbre compositeur et chef d’orchestre italien Luciano Berio était l’invité de l’événement inaugural des New Music Concerts. Le lendemain soir, il donnait une représentation à guichets fermés au Walter Hall de l’Université de Toronto. C’est ainsi qu’a pris naissance une série de concerts de musique contemporaine qui n’a cessé depuis d’offrir au public les plus récentes créations musicales de ce répertoire.
Cette année marque le 50e anniversaire des New Music Concerts (NMC) de Toronto, fondés par le virtuose de la flûte et compositeur Robert Aitken et la compositrice et commentatrice Norma Beecroft. L’idée de lancer la série avec Berio, figure clé de la musique italienne d’après-guerre, était brillante. Il venait de rentrer en Italie après plusieurs années d’intense activité en Amérique du Nord. Il s’était imposé sur la scène internationale comme compositeur de musique expérimentale et électronique. La première de Sinfonia à New York, en 1968, a littéralement propulsé Berio sur l’avant-scène, lui conférant une notoriété enviable. Lors du concert 
inaugural des NMC, Berio a dirigé un ensemble composé des meilleurs musiciens de chambre de Toronto. Le programme présentait cinq de ses œuvres, certaines datant de la fin des années 1950, d’autres récemment composées. Parmi ces dernières, il y avait Sequenza VII (1971) pour hautbois solo avec bourdon, puis Chemins II (1967) pour alto solo et ensemble de musique de chambre. Le programme inaugural peut être consulté en ligne sur www.newmusicconcerts.com/memory-box.
Ce premier concert était pour Aitken et Beecroft l’occasion d’établir un certain nombre de leurs principes directeurs des NMC. Selon le premier, et non le moindre, les compositeurs doivent assister à la préparation de leurs œuvres et, si possible, en diriger les représentations. Certes, les compositeurs ne sont pas tous chefs d’orchestre, mais leur présence aux représentations s’avère cruciale pour en préserver l’authenticité. Aitken et Beecroft partageaient la conviction fondamentale que la planification de répétitions intensives était essentielle pour garantir une prestation par les musiciens qui reflète pleinement la vision des compositeurs. Ces principes ont défini une norme d’excellence reconnue mondialement.
L’annonce de cette nouvelle série s’est répandue rapidement. Les compositeurs et les maisons d’édition ont aussitôt manifesté leur désir de participer aux concerts. Les décennies qui ont suivi ont vu l’afflux à Toronto de compositeurs parmi les plus influents du monde pour présenter leurs œuvres au public des NMC. La liste est longue. Voici quelques noms : John Adams, Pierre Boulez, Henry Brant, John Cage, Elliott Carter, George Crumb, Peter Maxwell Davies, Morton Feldman, Vinko Globokar, Helmut Lachenmann, Witold Lutoslawski, Krzysztof Penderecki, Karlheinz Stockhausen, Toru Takemitsu et Iannis Xenakis. La liste des compositrices et compositeurs canadiens qui ont pris part à ces concerts est tout aussi longue : John Beckwith, Walter Buczynski, Brian Cherney, Harry Freedman, Chris Paul Harman, Alexina Louie, Bruce Mather, Barbara Pentland, R. Murray Schafer, Harry Somers, Ann Southam, Gilles Tremblay, Claude Vivier, John Weinzweig, sans compter les fondateurs des NMC, Norma Beecroft et Robert Aitken.
J’ai joué dans cette histoire le rôle de producteur délégué de l’émission Two New Hours de CBC Radio. Notre équipe a enregistré la grande majorité des concerts des NMC entre 1978 et 2007 pour les diffuser sur le réseau national, permettant à un vaste auditoire de se familiariser avec la musique contemporaine interprétée par un talentueux ensemble. Nous avons également commandé des œuvres canadiennes pour les diffuser sur nos émissions dans le cadre des NMC. Je n’oublierai jamais la première mondiale en direct du Deuxième quatuor à cordes de Morton Feldman, le quatuor le plus long de l’histoire (quatre heures) interprété par le quatuor à cordes Kronos.
Les NMC se sont forgé une renommée internationale lors de la tournée de son ensemble en Europe et aux États-Unis. Le NMC Ensemble dirigé par Aitken a également enregistré 16 disques présentant la musique de Colin McPhee, Carter, Crumb, Lutoslawski, Schafer et Takemitsu, entre autres compositeurs.
Brian Current, le successeur d’Aitken à la direction artistique, s’est investi de la mission de « parcourir le monde à la recherche de la meilleure musique ». Le thème de la saison 2021-2022, Crossing Over (« La traversée »), rend hommage à l’immense héritage des prédécesseurs et annonce une vision nouvelle.
NMC dévoilera bientôt les détails de l’événement soulignant le 50e anniversaire intitulé Sequencing Berio. Des étoiles montantes recevront des commandes pour créer des œuvres qui s’harmonisent à la série distinctive des Sequenze de Berio. L’événement commémoratif viendra boucler la boucle depuis ce premier concert donné par les NMC en 1972, année qui marque un jalon dans cette remarquable histoire. Les présentations comprendront des prestations vidéo de Sequenza III pour voix solo avec la soprano Xin Wang, Sequenza X pour trompette solo joué par Guy Few et Sequenza XIV pour violoncelle solo interprété par Amahl Arulanandam
Traduction par Lina Scarpellini
Pour connaître les programmes virtuels des NMC filmés au Koerner Hall (principale salle du Conservatoire royal) pendant la pandémie de la COVID-19 et découvrir les concerts en direct prévus ce printemps, consultez le site Web :
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