Not Quite Midnight, Cendrillon 2.0

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À l’heure de l’après-Moi aussi, la chorégraphe bien connue Hélène Blackburn et sa compagnie de danse Cas Public revisitent l’enchantement de la Cendrillon des contes des frères Grimm et de Perrault, des opéras de Rossini et de Prokofiev pour offrir la toute nouvelle création Not quite midnight, destinée à tous les publics.

Profondément enracinée dans la culture classique et ethnologue de formation, Hélène Blackburn a fondé sa compagnie Cas Public (1989) comme un point d’ancrage pour des artistes d’horizons variés autour de la recherche chorégraphique. Puis elle a évolué vers l’aventure du spectacle pour tous, s’inspirant en alternance, pour ses créations, de musique classique et de contes populaires. Ainsi, après avoir honoré Beethoven dans 9, un spectacle qui a obtenu à la première édition de la catégorie diffusion internationale le Prix de la danse 2018 pour sa tournée de trente-quatre représentations dans dix-huit villes et trois pays, la chorégraphe retourne aux contes. Rejointe par téléphone à New York, au cours d’une nouvelle tournée, Hélène Blackburn commence : « Ce qui m’intéresse dans le conte de Cendrillon, c’est l’histoire de l’œuvre. Nous nous sommes donc plongé dans l’étude des contes de Perrault et de Prokofiev, mais aussi celle des centaines de versions moins connues portées par la tradition orale. »

Car Cendrillon parle d’exclusion et plus de cinq cents versions du conte existent dans les cultures du monde entier. Il est intéressant de savoir qu’un quart des personnages ostracisés sont d’ailleurs des hommes. « Pour Not quite midnight, j’ai voulu prendre pour point de départ ce personnage opprimé, reprend Hélène Blackburn. Nous avons désigné une interprète, mais son genre importe peu. Ce qui compte, c’est l’idée de la résilience – c’est ce qui m’a inspirée et m’a fait penser aux enfants des migrants pour qui il est capital de ne pas tomber dans un désir de vengeance. La bonté est souvent perçue comme de la mièvrerie; c’est une qualité comprise négativement, mais c’est parce que Cendrillon possède cette énergie positive que les choses changent pour elle – pas à cause de son manège avec le prince. » Et le mouvement Moi aussi, là-dedans ? « J’avais choisi le sujet avant l’émergence du mouvement, mais l’actualité nous a rattrapés comme elle le fait souvent », s’amuse la chorégraphe. Pour le spectacle 9, Hélène Blackburn raconte être partie d’une réflexion sur l’inclusion d’un danseur sourd qui s’est récemment joint à la compagnie Cas Public et dont l’intégration s’est bien passée. « Nous avons voulu réfléchir à l’impact de son handicap. La Neuvième de Ludwig van Beethoven s’est imposée pour des raisons évidentes, mais en plein Brexit, nous nous sommes souvenus que l’Ode à la joie est également l’hymne du Conseil de l’Europe et celui de l’Union européenne… Une œuvre n’est jamais à l’abri d’une relecture ! »

Hélène Blackburn a choisi de travailler en parallèle de la structure instaurée par la musique : « Les interprètes dansent de midi à minuit, avec le prologue et l’épilogue. » Elle aime avoir une approche formelle et qu’après un travail très structuré, la création prenne son envol. Ce n’est pas une recette, mais une méthode; les éléments imposent leur rythme. Au sujet de sa collaboration avec le musicien Martin Tétreault, Hélène Blackburn indique : « Nous collaborons ensemble depuis dix ans; nous sommes l’un et l’autre dans une logique de déconstruction des œuvres et nous nous alimentons l’un et l’autre jusqu’au résultat final. »

Photo : Claudia Chan Tak

Une vie de tournée 

Hélène Blackburn a toujours adoré les histoires, la mythologie. « Enfant, dans les cours de catéchèse que je suivais, j’imaginais Jésus comme un superhéros », pouffe la chorégraphe qui a étudié pendant cinq ans le latin. La chorégraphe a eu la chance d’avoir des parents qui l’ont encouragée – ils voulaient qu’elle soit bachelière et c’est pendant les cours d’ethnologie que la jeune femme a découvert le potentiel créatif du corps humain, la danse et ses possibilités. Des connaissances éclectiques qui se sont assemblées peu à peu : « Le savoir s’accumule; nous sommes la multiplication de nos apprentissages – nous intégrons en avançant, rien ne disparaît… nous sommes des bibliothèques vivantes. » Les tournées rythment maintenant la vie de la chorégraphe : « Cette année, j’ai fait sept ou huit fois des allers-retours en Europe. La vie de tournée est romantique pour les jeunes danseurs, mais c’est un rythme très exigeant que je continue surtout à soutenir pour les accompagner, assistée de l’équipe de techniciens et d’un assistant de répétition. » Il est important de savoir que ce sont les six mêmes danseurs qui interprètent toutes les productions de la compagnie. Les interprètes restent en moyenne cinq ans dans la compagnie : « Les danseurs gagnent bien leur vie; ils ont un condo, une voiture – bref, des vies normales. »

Pendant notre conversation, Hélène Blackburn accompagne les danseurs qui arrivent au Lincoln Center for the Performing Arts. Elle s’interrompt pour décrire l’enthousiasme des danseurs qui s’y produisent pour la première fois. « Ils sont excités comme des enfants et sautent partout. Les voir aussi heureux est réjouissant. » Cas Public a la chance d’aller dans les plus grands endroits, mais aussi dans les petites salles et d’y retourner régulièrement (le Royal Opera House de Londres, le Lincoln Center de New York, l’Opéra de Reims…). « J’ai ainsi pu développer de belles relations avec des jeunes du public qui me reconnaissent et viennent me demander comment devenir danseur, c’est une belle récompense. »

Not quite midnight sera présenté du 6 au 8 février 2019 à l’Agora de la danse de Montréal
www.caspublic.org

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