Le Futur : Messe pour une arme

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Oubliez la science-fiction. Le Futur, une pièce sur la violence et la justice, construite selon le requiem de Mozart, renvoie à la pensée du futurisme italien qui glorifiait la modernité, la vitesse, les machines et le recours à la violence. Cent ans plus tard, une étudiante, personnage principal de la pièce, achève une thèse de doctorat sur ce mouvement et, face aux impasses économiques, sociales et climatiques actuelles, elle constate combien il a influencé nos sociétés.

« La doctorante sombre dans un état de désespoir, car elle entend la résonance du futurisme dans la brutalité de tous les systèmes économiques actuels », dit Geneviève L. Blais, invitée comme metteuse en scène par l’auteur et coproducteur Martin Bellemare. Le personnage se dit que sa thèse n’a plus aucun sens, elle ne sait plus comment continuer, se faire entendre. Ce constat l’amène à vouloir commettre un geste désespéré.

L’étudiante croit qu’elle doit répondre à la violence omniprésente par un acte symbolique gratuit. Elle tuera la personne la plus riche du monde. « Cette pièce me bouleverse et me confronte par la colère du personnage principal et par l’acte qu’elle envisage », reprend Geneviève L. Blais. Certains signes ne trompent pas celle qui aime explorer les zones troubles de notre humanité : « Si je suis dans un endroit d’inconfort, qui me confronte – c’est un espace de création. »

Le texte est au cœur de sa rencontre avec Martin Bellemare (finaliste au prix Siminovitch 2020, gagnant du prix littéraire du Gouverneur général 2020 pour Cœur minéral). Après le succès international des consultations poétiques RX contes-gouttes (Usine C 2020), une forme immersive pour un spectateur, leur première collaboration, les deux créateurs ont poursuivi le dialogue.

« L’écriture de Martin est à fois très humaine et très ciselée, poétique – on sent des êtres en train de se parler », souligne Geneviève L. Blais. Elle est touchée par le texte et son analyse de l’écho entre le mouvement futuriste et les multiples formes d’agressions que nous subissons tous. L’auteur s’est inspiré du Requiem de Mozart et a repris la forme d’une messe des morts. « Le requiem nous dépasse, il nous amène à un questionnement par rapport à notre mortalité. »

Théâtre immersif

« Le personnage principal collectionne les requiems, car pour elle, c’est la forme qui s’adresse le mieux aux temps modernes. » Une pensée glaçante, puisqu’aborder un requiem, c’est un peu approcher l’agonie. La musique du spectacle est donc un recueil de requiems, avec des interprétations plus contemporaines, allant jusqu’au métal. La compositrice Gentiane Michaud-Gagnon (Révélation Radio-Canada jazz 2018-2019) a travaillé à partir des œuvres de Mozart, Berlioz et du gallois sir Karl Jenkins pour la trame sonore du spectacle.

« Petite, j’allais à l’église et la musique faisait partie de la charge émotive de l’expérience de la messe, de son côté puissant, englobant. » Geneviève L. Blais est d’ailleurs réputée pour son théâtre immersif. « La place du spectateur est signifiante, sa position est toujours mon point de départ. » La représentation de la pièce se déroulera à 360 degrés, on sentira l’acteur de façon très proche, en intimité.

« Sans tout révéler, le spectateur fait partie de l’expérience proposée, il est convié dans un lieu de représentation. » Et, rassurez-vous, les spectacles de Geneviève L. Blais ne sont pas participatifs. Le spectacle reste donc immersif, même s’il n’est pas in situ; d’autres stratagèmes joueront avec l’espace, l’architecture et la matière – comme des objets, très présents dans le travail de la metteuse en scène.

L’arme et l’enfant

La pièce est un huis clos entre l’étudiante et l’être le plus riche au monde, une femme qu’elle est venue suprimer. Suivant le questionnement sur la violence qui est au cœur de l’œuvre, l’auteur a choisi de remplacer la prière au Seigneur par une messe des morts qui s’adresse à l’arme qu’utilisera l’étudiante et qui est déifiée. « Même si on n’est pas porté sur les armes, on peut retrouver les révoltes qui nous traversent dans ce texte. »

Parallèlement, un enfant mystérieux se glisse dans l’histoire. Un autre metteur en scène aurait peut-être choisi un adulte de petite taille. Geneviève L. Blais a l’habitude de travailler avec des enfants : « J’ai préféré choisir un très jeune enfant, le regarder crée une sensation forte et nous amène à nous demander comment la prochaine génération agira sur les rapports de pouvoir et la pernicieuse question de la barbarie économique. »

La prise de parole dans l’écriture de Martin Bellemare est très politique; la metteuse en scène l’aborde par le biais de l’intime, de la relation humaine. « Depuis que nous travaillons sur ce projet, la question de la proximité des armes nous rattrape; elle est toujours extrêmement actuelle aux États-Unis et, avec l’actualité, nous voyons que trouver une arme à Montréal, ou n’importe où au Canada, est presque aussi facile. »

Le Futur, à l’Usine C, du 14 au 23 février.

www.usine-c.com

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