Jocelyn Pelletier / Mac(death): Shakespeare à la puissance hard rock

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Retour sur le puissant Mac(death) de Jocelyn Pelletier, qui devait être présenté au Théâtre La Chapelle du 9 au 17 mars 2020, mais dont les dernières représentations ont malheureusement été annulées dans la tempête des efforts engagés pour freiner la pandémie du Cod-19. Avec Fanny Migneault-Lecavalier, Maxim Paré-Fortin, Guillaume Perreault, Samuel Bobony et Érick D’Orion

Les murs du Théâtre Lachapelle vibrent déjà lorsque le public franchit les portes du théâtre. Une hôtesse attentionnée remet à chaque spectateur une paire de bouchons avec un sourire entendu. Sur la scène, la formation de cinq musiciens ignore le public, le percussionniste tournant complètement le dos aux spectateurs, déjà installé avec ses éléments de batterie au centre de la scène. Un grand pentagramme est tracé sur le dos de son T-shirt. L’ambiance est installée.

Peut-on mêler gros rock sale et proposition théâtrale radicale? L’idée semble tenir la route. L’excellent Jocelyn Pelletier, révélé dans Vu d’ici de Christian Lapointe, signe l’idéation, l’adaptation du texte de Shakespeare ainsi que la mise en scène et la scénographie du spectacle. Avec l’aide de ses sbires, Pelletier parviendra-t-il à livrer la marchandise et faire de ce concert hard-rock une expérience théâtrale concluante? Rappelons que le metteur en scène a d’abord présenté les fruits de deux laboratoires; le premier réalisé à la fin d’une résidence de création au Studio d’essai de Méduse (2017) organisée par Recto-Verso, qui produit d’ailleurs le spectacle, le second au OFFTA (2018). Jocelyn Pelletier a aussi su s’entourer de précieux collaborateurs. Au soutien à la dramaturgie, on retrouve le brillant Stéphane Lépine, tandis que la conception sonore du spectacle est signée par le compositeur musicien improvisateur et commissaire audio Érick D’Orion (Bold, Napalm Jazz, volet des installations sonores du Festival international de musique actuelle de Victoriaville, etc.…).

Pour la petite histoire… Pour ce projet, Jocelyn Pelletier a été bien inspiré de regarder du côté de Megadeth, un groupe thrash-metal de Los Angeles, formé par le guitariste Dave Mustaine, peu après son exclusion de la célèbre formation Metallica – pour consommation abusive d’alcool et de stupéfiants. À la suite de cet affront, le musicien déclarait en effet à un magazine: « Je rêvais de me venger, de leur faire de l’ombre … je voulais leur sang! ». Pour mieux adapter le texte de Macbeth au concept du spectacle rock, le metteur en scène a choisi de ne garder que les personnages de Macbeth, Lady Macbeth et Banquo. Le concepteur sonore Érick D’Orion se retrouve au fond de la scène, derrière sa console, face au public. Il incarne le cœur des sorcières, qui à leur tour personnifient d’autres personnages (Duncan, Ross, un messager..). Les interprètes se donnent à fond dans cette incantation qui tient du rituel maléfique. Ils sont aussi bons aux instruments qu’aux voix et c’est à souligner – parce que non, chanter dans ce registre n’est vraiment pas donné à tout le monde. 

Est-ce que jouer d’un instrument sur scène affranchit les comédiens? C’est une question qu’on pose en regardant les interprètes se déplacer avec vivacité sur la scène. C’est comme si le jeu des interprètes avait pris un tour performatif, voire ludique, même si le terme est loin d’être assez maléfique pour l’occasion. Les interprètes ont des actions à poser et ils accomplissent leurs tâches, sans s’encombrer de sensiblerie ou de psychologie et ça fonctionne. Jocelyn Pelletier pique sans vergogne les conventions galvaudées mais ô combien attendues du satanisme et les noie dans des flots de sang, jetés par chaudrons sur une victime crachotante. Bref, le metteur en scène emprunte aux slasher, les films d’horreur d’anthologie et des touches d’humour ne sont pas absentes du spectacle.

En terminant… On répète souvent que les meilleures traductions de Shakespeare se font dans la langue du peuple. Pour son Mac(death), Jocelyn Pelletier réussit un tour de force et trouve le ton juste : un accent québécois des plus actuels, comme on l’entendrait parler en ville. Le texte résonne d’une façon contemporaine, directe, surprennament douloureuse. Sous ses atours de sorcière, la cathartcis reste subtile mais elle est d’autant plus efficace.

Et le public se prend à souhaiter viscéralement la mort du tyran cruel.

Mac(death) de Jocelyn Pelletier, au Théâtre La Chapelle du 9 au 17 mars 2020, Avec Fanny Migneault-Lecavalier, Maxim Paré-Fortin, Guillaume Perreault, Samuel Bobony, Érick D’Orion. https://lachapelle.org/fr/programmation/macdeath

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