Hope Town : tu n’es pas ma famille

0
Author : (Nathalie de Han)

Retour sur Hope Town, un texte intéressant de l’autrice et comédienne Pascale Renaud-Hébert dont Marie-Hélène Gendreau signe la mise en scène. La production La Bordée, en coproduction avec le Collectif du vestiaire et en codiffusion avec La Manufacture, était présentée à la Licorne, du 25 février au 7 mars 2020.

Vous souvenez vous d’avoir déjà imaginé, enfant, que vos parents n’étaient pas vos vrais parents? Olivier n’a jamais eu le sentiment d’appartenir à sa famille et à l’âge de seize ans, il a préféré fuir sans laisser de traces, abandonnant ses proches à l’angoisse. Mais un jour, sa sœur Isabelle le retrouve par hasard. Extrêmement persuasive, elle parvient à convaincre – ou est-ce à forcer? – son frère de renouer avec sa famille. Mais les explications, on s’en doute, ne seront pas faciles.

L’autrice et comédienne Pascale Renaud-Hébert écrit afin d’incarner des rôles à sa mesure. Cela saute aux yeux dès son entrée en scène dans Hope Town et confirme la détermination que le public montréalais avait décelée lors des représentations de L’Art de la chute à la Licorne – un texte qu’elle a écrit avec un collectif d’autrices et d’auteurs et qui s’est vu mériter, lors de sa création au Trident, les Prix Meilleur spectacle et Meilleur texte de l’édition Québec – 2017 de l’AQCT. Dans Hope Town, Pascale Renaud-Hébert campe une grande sœur encore en choc, prête à tout pour réussir à réunir sa famille et on y croit. Tout au long de la représentation, la gentille Isabelle révèle un caractère plutôt contrôlant et même assez manipulateur. Olivier Arteau, qui incarne le frère disparu miraculeusement retrouvé, est d’un rare naturel et vole tout simplement le spectacle. Il se déplace sur la scène avec l’aisance et la souplesse d’un danseur (l’interprète a travaillé pour Harold Rhéaume et sa compagnie Le Fils d’Adrien Danse) et cela colle parfaitement avec l’attitude un peu nonchalante du jeune personage. Nancy Bernier et Jean-Sébastien Ouellette sont justes dans leurs rôles de parents dépassés par les évènements et les enjeux qui interpellent leur fils. Si l’homosexualité, l’identité de genre, le végétarisme ou véganisme sont abordés, il n’y a pas de débats ici. L’un ne se donne pas la peine d’expliquer, l’autre n’insiste pas. Enfin, Jean-Michel Déry incarne avec crédibilité le personnage du beau-frère policier, le copain d’Isabelle qui achève la (re)composition du tableau familial en avouant un mensonge pour le moins surprenant.

Avec son style réaliste et la mécanique bien huilée de ses dialogues extrêmement travaillés, la plume ou plus probablement le clavier de Pascale Renaud-Hébert est d’une étonnante maturité et n’a pas grand-chose à envier à celui d’un François Archambault ou d’un Olivier Choinière, qui a d’ailleurs accompagné la pièce au niveau dramaturgique. Comme eux, la prolifique autrice de Hope Town ne se laisse certainement pas enfermer dans une boite. Et la fourchette de ses projets est large. Son texte Sauver des vies est présentement monté au Théâtre La Bordée (jusqu’au 23 mars) Antigone, la réappropriation du texte de Sophocle qu’elle signe avec les nouvelles géantes Rébecca Déraspe et Annick Lefebvre est lui aussi actuellement présenté au Théâtre du Trident (jusqu’au 30 mars). Princesse de personne, un projet sur le consentement chez les jeunes adultes, les rapports de pouvoir homme-femme et cette fameuse « zone grise » si difficile à̀ cerner quel que soit le contexte, sera quant à lui produit par le Théâtre Catapulte au printemps tandis qu’elle poursuit avec sa complice Florence Longpré la co-scénarisation de la très (très) populaire télésérie M’entends-tu? diffusée à Télé-Québec, les mercredis soirs.

Pour Hope Town, Marie-Hélène Gendreau, qui dirige présentement Les Enfants de Lucy Kirkwood, chez Jean-Duceppe, signe une mise en scène subtile qui épouse parfaitement les dialogues et les silences du texte de Pascale Renaud-Hébert, sans les alourdir. Marie-Hélène Gendreau signait déjà la mise en lecture de Subway (le premier titre de Hope Town) au Jamais Lu de Montreal en 2017 et il en résulte une complicité qui soude cette équipe suffisamment pour tisser un film invisible autour des comédiens et leurs personnages, les isolant dans une manière de huis-clos, parfaite analogie de la cellule familiale. Les cinq comédiens sont à leur affaire, s’amusent comme si le public n’était pas là et les spectateurs sont autant de voyeurs ravis.

Hope Town, texte de Pascale Renaud-Hébert, mise en scène Marie-Hélène Gendreau était présenté à la Licorne, du 25 février au 7 mars 2020 https://theatrelalicorne.com

Partager:

A propos de l'auteur

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.