Critique | Gaz Bar Blues: le goût doux-amer de la nostalgie

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La chute d’un mur à Berlin peut-elle entrainer la fin d’une station-service Champlain, à Limoilou? David Laurin, codirecteur artistique de Duceppe, adapte au théâtre Gaz Bar Blues, le film de Louis Bélanger pour le savoir. Et, peut-être charmé par la trame musicale, le public en redemande. Chez Duceppe, jusqu’au 19 février. À La Bordée, du 28 février au 25 mars puis en tournée du 31 mars au 20 mai. En tournée du 31 mars au 20 mai.

Les premières aventures dramaturgiques de David Laurin (et de son complice Jean-Simon Traversy, avec qui il partage la direction artistique du Théâtre Duceppe) s’intéressent à la dramaturgie étasunienne. Il est logique qu’en pensant au public de Duceppe, il ait élargi son terrain de chasse aux bonnes histoires québecoises. Celle de Gaz Bar Blues, initialement racontée dans le film de Louis Bélanger et puisée à même les souvenirs de jeunesse du cinéaste, campe la fin d’une époque.

Les enfants de monsieur Brochu, le Boss du Gaz Bar. Crédit photo : Danny Taillon.

Les enfants du Boss, interprétés par Steven Lee Potvin, Miryam Amrouche et Frédéric Lemay.                      Crédit photo : Danny Taillon.

La chute du mur

Le Gaz bar de Limoilou est le centre du monde pour la petite troupe de désœuvrés qui s’y retrouve. En 1989, le Québec ouvrier n’est pas encore complétement entré dans la modernité, la transition est difficile. La criminalité augmente et la station service est régulièrement victime de hold-up. Le Boss résiste comme il peut, malgré sa santé déclinante. Ses fils, Guy le musicien et Réjean le photographe, ne veulent pas reprendre l’affaire. Seule, la brillante cadette de 16 ans s’y intéresse mais ses propositions sont écartées. (Son rôle a été féminisé pour l’adaptation théâtrale, un plus puisque la comédienne est la seule femme de la distribution).

Les nouvelles du monde parviennent habituellement par Louis, qui lit chaque jour son journal au Gaz Bar. Depuis le début de l’été 1989, des milliers d’Allemands de la République Démocratique d’Allemagne fuient illégalement leur pays. D’autres réclament le pluralisme politique et la liberté de circulation. Le monde a les yeux fixés sur Berlin et il n’en faut pas plus pour que Réjean, le jeune photographe en mal d’aventure, s’y rende. Certaines photos originales (prises par Louis Bélanger qui fit ce voyage fondateur) sont projetées sur le mur du Gaz Bar et provoquent l’admiration des habitués de la station.

Le Boss et un des fils dans son Gaz Bar. Crédit photo : Danny Taillon.

Le Boss et un des fils dans son Gaz Bar. Crédit photo : Danny Taillon.

Les neuf personnages attachants, parfois émouvants (excellent Martin Drainville, qui couve un feu puissant) sont sur scène pendant les bonnes deux heures que durent la représentation. Les acteurs sont doués et on voit qu’ils ont du bon temps; la mise en scène inventive d’Édith Patenaude les met en valeur. La musique, déjà très présente dans la version film, occupe encore beaucoup de place sur scène. Sous la direction du contrebassiste et compositeur Mathieu Désy, les acteur·trice·s et musicien·ne·s interprètent en direct la trame originale du spectacle. Les intermèdes musicaux interviennent malheureusement systématiquement (et c’est mon seul reproche) après chaque scène. De plus longues séquences dramaturgiques ou un peu d’irrégularité n’auraient certainement pas effrayé les spectateurs.

Gaz Bar Blues est la représentation d’une époque révolue. Il y a d’excellents moments – une foule d’événements tendres, amusants ou dramatiques se bousculent. La station service Champlain est désormais fermée à jamais. Un système plus efficace, plus froid, l’a remplacée mais un parfum de nostalgie flotte encore.

Gaz Bar Blues. Chez Duceppe, jusqu’au 19 février. À La Bordée, du 28 février au 25 mars puis en tournée du 31 mars au 20 mai.

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