Trois ans plus tard

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Àpareille date en 2015, nous annoncions l’arrivée de deux musiciens de renommée internationale : le pianiste Jean Michel Pilc et le batteur John Hollenbeck. Engagés par l’école de musique Schulich de l’Université McGill, ils ont ajouté une belle note de prestige à cet établissement, déjà très réputé pour son cursus jazz. En cette période de la rentrée, l’occasion se prête pour dresser avec eux un premier bilan de leurs expériences montréalaises.

John Hollenbeck

Nouvelles responsabilités

Photo: Lukas Beck

À la mi-juillet, John Hollenbeck prenait le relais de Jean-Michel Pilc à titre de directeur de la section jazz du programme d’interprétation musicale. Cette nouvelle fonction lui imposera un ­certain surcroît de travail administratif, l’obligeant à réduire ses tournées. « Comme je devrai passer plus de temps ici, je compte découvrir le milieu, mes activités ailleurs m’ont empêché de le faire ­jusqu’à maintenant. » Bien qu’Américain, Hollenbeck a séjourné à Berlin pendant six ans, occupant un poste ­similaire dans l’école de jazz de cette ville. Compte tenu de son expérience de part et d’autre de l’Atlantique, cela lui permet de donner une ­perspective comparative des scènes de ces deux métropoles, sans oublier la Grosse Pomme, ville où il a fait ses premières armes.

« New York, comme on le sait, c’est de la haute énergie ; tout est vite, tout est stressant. Berlin, par contre, c’est bien plus modéré. Quant à Montréal, c’était une terre inconnue pour moi; en fait, je n’ai jamais réussi à jouer ici, du moins jusqu’à ce que l’Off Jazz m’invite en 2016. » Il attribue son passage à une diplômée de McGill, la saxophoniste Anna Webber. « Elle a vécu à Berlin pendant un moment, comme moi, mais a choisi de s’installer à New York. Elle m’a laissé entendre qu’il y avait ici une assez bonne scène de musiques expérimentales. Même si j’ai beaucoup à découvrir, je le constate tout de même. Toutefois, il y a une différence assez frappante : Montréal a certainement un volet de jazz traditionnel beaucoup plus ancré que Berlin, où il n’y en a vraiment pas, à part l’école où j’enseignais. »

En dépit de ses dires, Hollenbeck n’était nullement invisible chez nous. Déjà en octobre 2015, il présentait son grand orchestre à McGill. L’année suivante, il se produisait en trio avec Webber et le pianiste Matt Mitchell, sans oublier la belle prestation de son Claudia Quintet à l’Off. Au FIJM, en 2017, il avait composé une œuvre assez inouïe pour l’ONJ Montréal, événement salué par le Conseil québécois de la musique (CQM) comme concert de jazz de l’année. L’hiver dernier, il entamait une collaboration avec Marianne Trudel, avec le concours du saxo new-yorkais Tony Malaby. Cet automne, il jouera deux fois à l’Off (nous en reparlerons le mois prochain) en plus de participer à une première rencontre de musiques improvisées avec Jean-Michel Pilc au Bar Upstairs (voir ci-dessous).

Pour 2019, il compte réaliser un nouveau disque de son quintette en plus de terminer sa trilogie pour grand orchestre autour de pièces du répertoire pop contemporain. D’ici là, il bouclera une trame sonore pour un documentaire assez inusité sur le soleil avant de se lancer dans son projet de carte blanche pour l’Off. www.johnhollenbeck.com

Jean-Michel Pilc

Partout présent

Photo: Robbert Kamphuis

Jean-Michel Pilc, de son côté, semble avoir plongé, tête première, dans le bassin jazzistique local dès son arrivée. En peu de temps, il s’est lié avec deux de nos jeunes as, le bassiste Rémi-Jean Leblanc et le batteur Jim Doxas, le trio accueilli à bras ouverts au Bar Upstairs. Depuis, le pianiste a multiplié ses rencontres, jouant avec les saxos Yannick Rieu, Frank Lozano, Christine Jensen, Joël Miller, le batteur Michel Lambert et une collaboration de dernière minute avec l’ONJ due à un désistement. Pourtant, il continue de poursuivre ses tournées aux quatre coins du globe, en Europe et aux États-Unis surtout, avec des visites régulières à New York, ville où il avait fait carrière pendant une vingtaine d’années. De toute évidence, Pilc contredit le cliché voulant que si l’on ne peut pas le faire, on l’enseigne !

De plus, sa participation au sein de la communauté locale donne un indice sur sa perception de son entourage. « On me demande souvent si New York me manque et je dis “pas tant que ça”. Là bas tout est compétitif, les écoles, le circuit des clubs, etc. Vous savez, il y a beaucoup de mythologies créées autour de cette ville. Ici à Montréal, je trouve cela beaucoup plus basé sur l’humain et cela se sent à McGill aussi : c’est la musique qu’on met à l’avant. »

Fait à noter, il publiait un disque solo au moment de sa venue à Montréal (What is this Thing Called…, Disques Sunnyside). Cet été, il vient de sortir un nouvel opus solo (Parallel, Challenge Records), doublant la mise avec une prestation de 68 minutes réalisée presque d’une seule traite et offerte en complément d’un premier enregistrement regroupant 23 plages, la plupart étant des miniatures de moins de quatre minutes.

Improvisateur chevronné comme il l’est, Pilc vient d’organiser à McGill l’Improvworkshop Project (IWP), ralliant professeurs et étudiants de cet établissement à sa cause. Sur le site (www.improvworkshopproject.com), on trouve des captations audiovisuelles de séances effectuées au printemps dernier dans des salles de répétitions ou en public (au Café Résonance), le tout complété par des témoignages intéressants des participants. Cette initiative, il veut la poursuivre au-delà des murs de l’école en accueillant des musiciens de tous niveaux à Montréal, même des artistes d’autres disciplines.

Bien que la critique tende à situer Pilc dans le créneau d’un certain jazz traditionnel, le pianiste voit bien plus large que cela. Les intéressés pourront constater cela de visu le 27 octobre prochain au Bar Upstairs dans une formation inédite avec son confrère Hollenbeck et les saxos Samuel Blais et Erik Hove, groupe qu’il appelle Les Paperless Composers. Oubliez les feuilles, messieurs dames, ça va improviser de bout en bout !

www.jeanmichelpilc.com 

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A propos de l'auteur

Marc Chénard is a Montreal-based multilingual music journalist specialized in jazz and improvised music. In a career now spanning some 30 years, he has published a wide array of articles and essays, mainly in Canada, some in the United States and several in Europe (France, Belgium, Germany and Austria). He has travelled extensively to cover major festivals in cities as varied as Vancouver and Chicago, Paris and Berlin, Vienna and Copenhagen. He has been the jazz editor and a special features writer for La Scena Musicale since 2002; currently, he also contributes to Point of Departure, an American online journal devoted to creative musics. / / Marc Chénard est un journaliste multilingue de métier de Montréal spécialisé en jazz et en musiques improvisées. En plus de 30 ans de carrière, ses reportages, critiques et essais ont été publiés principalement au Canada, parfois aux États-Unis mais également dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Allemagne, Autriche). De plus, il a été invité à couvrir plusieurs festivals étrangers de renom, tant en Amérique (Vancouver, Chicago) que Outre-Atlantique (Paris, Berlin, Vienne et Copenhangue). Depuis 2012, il agit comme rédacteur atitré de la section jazz de La Scena Musicale; en 2013, il entame une collabortion auprès de la publication américaine Point of Departure, celle-ci dédiée aux musiques créatives de notre temps.

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