Off Festival de jazz – Retour en force

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Réduit à deux maigres soirées de diffusions en ligne sans public en 2020, l’Off Festival de jazz de Montréal (OFJM) se fait plutôt téméraire cette année en offrant une vingtaine de concerts devant public du 30 septembre au 9 octobre. Chose remarquable, il s’étalera sur dix jours, soit le double du FIJM, qui a déplacé sa case horaire de la fin-juin à la mi-septembre, au moment même de la publication de ce numéro.

Compte tenu de son mandat de miser sur nos talents émergents dans sa programmation, sans oublier l’inclusion de quelques noms établis, l’OFJM n’a pas eu à ronger son frein comme son grand rival, privé de la venue des grandes vedettes internationales. Reconnaissant la richesse de nos créateurs depuis ses débuts en l’an 2000, ce David des festivals a toujours choisi ses têtes d’affiche parmi les nôtres, et à plus forte raison cette année. (Voir la section des recommandations en fin d’article.)

Par-delà ces valeurs sûres, ce festival remplit bien son rôle de promoteur en proposant des projets musicaux inédits par des groupes aux desseins musicaux les plus variés, certains plus empreints de tradition, d’autres s’en démarquant. Parmi les formations participantes, en voici trois qui ont retenu l’attention, deux pour leurs noms et toutes pour leurs instrumentations singulières.

Crédit : J.M. Thibault

L’Oumigmag

En parcourant le programme, le regard se fixe un moment sur le quintette du guitariste Sébastien Sauvageau : si vous croyez que Oumigmag est un mot autochtone, vous tombez pile, ou presque, car il s’agit d’une légère francisation de « ummimak », terme désignant un bœuf musqué en inuktitut. Sauvageau explique qu’il a emprunté ce mot d’un titre de documentaire du cinéaste québécois Pierre Perrault. « J’ai voulu rendre hommage à cet homme dont les films témoignent d’un profond attachement à son pays et à son peuple, ce qui est aussi mon cas. » Natif de la région de Lanaudière, où il vit toujours, ce jeune musicien propose une vision artistique aux confins des styles, entre autres le classique (par des études en composition à l’Université de Montréal auprès de professeurs comme Denis Gougeon), les musiques traditionnelles du Québec et des contrées scandinaves ainsi que le jazz, ce dernier lui offrant une fenêtre essentielle sur l’improvisation. « J’aime bien l’esthétique de l’étiquette ECM, celle du pianiste Nik Bärtsch en particulier, on ne retrouve pas ce genre d’approche chez nous, d’où mon intérêt. »

L’ensemble traduit parfaitement sa vision, son instrumentation tout acoustique comprenant une contrebasse, une batterie, des anches (saxos, clarinette basse) ainsi qu’une guitare non amplifiée. L’inclusion de David Simard au violon et à la viole d’amour ajoute cette importante saveur folklorique au tout. « Il (Simard) vient de la tradition des violoneux québécois, dit le guitariste, et connaît bien le jeu rythmique des pieds (la podorythmie), composante essentielle de notre folklore, que j’incorpore aussi dans mes pièces, tout comme quelques petits effets électroniques passagers. »

Pour son rendez-vous au festival, Oumigmag reprendra surtout des morceaux de sa seconde offrande discographique intitulée Habitant, un double album tout à fait représentatif de la démarche musicale de la formation. Cela dit, Sauvageau n’exclut pas la possibilité d’insérer quelques nouveaux morceaux au programme.

  • Mercredi 6, 20 h, le Ministère. (Spectacle d’ouverture pour le duo guitare/contrebasse de Sylvain Provost et Frédéric Alarie.)

Sun Warriors

À l’instar de l’ensemble précédent, ce sextette constitué en bonne partie de diplômés de l’Université McGill retient l’attention, autant par son nom que par celui de sa cheffe : Summer Kodama. Native d’Hawaii, mais élevée à Las Vegas, cette jeune contrebassiste prometteuse a choisi Montréal pour s’inscrire au cursus jazz de McGill, réputée pour la qualité de son programme d’études, sans oublier des frais de scolarité plus abordables que ceux des universités américaines.

« J’ai choisi le mot “Warriorsˮ par rapport aux tout premiers musiciens que j’ai recrutés, nous explique la musicienne, toutes des personnalités très engagées et énergiques, moi comprise; “Sunˮ, pour sa part, a une certaine affinité avec mon prénom, l’été, le soleil… et le fait de les apposer me plaisait, alors je les ai gardés tout au long de mes études, terminées en 2020, en pleine première vague de la pandémie. »

Bien que de nouveau dans le Sud-Ouest américain, elle affirme vouloir revenir et s’établir chez nous. « Mes expériences musicales ont été si bonnes à Montréal et j’y ai fait tellement d’amis que je trouve le climat plus propice, à la création musicale je veux dire. M’habituer à l’hiver, c’est autre chose », ajoute-t-elle en riant.

Son parcours musical, rappelle-t-elle, est essentiellement classique, avec un intérêt particulier pour des compositeurs du XXe siècle, Prokofiev comptant parmi ses préférés. « Jeune, la contrebasse m’a toujours fascinée, sa forme, sa sonorité. J’arrive au jazz en entrant à McGill et c’est une véritable découverte pour moi. Ma plus grande influence demeure Charles Mingus : le mélange constant d’ordre et de désordre dans son œuvre me séduit et c’est ce que je veux intégrer dans mes morceaux, la composition se situant au cœur de mes intérêts. »

Pour le concert, elle affirme avoir passé plusieurs mois cette année à monter un répertoire inédit pour le spectacle, répertoire taillé sur mesure pour un ensemble presque entièrement féminin comptant deux saxos (dont Claire Devlin, présentée dans ces pages au printemps dernier), une voix qui chante sans paroles ou en récite, une accordéoniste et un batteur. Ça promet.

  • Vendredi 8, Café Résonance, 17 h.

Julien Fillion Quartet

Si les deux premiers groupes ont des noms accrocheurs, celui du saxo ténor Julien Fillion est plutôt convenu, mais son originalité se situe plutôt dans son instrumentation, soit un double duo de deux ténors et deux batteries. Diplômé en études jazz à l’Université de Montréal, ce saxo, alto à ses débuts, s’est réorienté vers le ténor, croisant ainsi le fer (ou laiton, devrait-on dire) avec un camarade souffleur de longue date, Phillipe Brochu-Pelletier, leurs compagnons d’armes aux tambours et cymbales étant Thomas Sauvé-Lafrance et Alain Bourgeois.

« Honnêtement, j’ai vraiment appris le jazz en jouant soir après soir dans les bars, en particulier l’Escalier au centre-ville, affirme Fillion. Sur une période de deux ou trois ans, j’ai rencontré toutes sortes de gens et peu à peu, j’ai fait la connaissance des deux batteurs. Par la force des choses, on s’est retrouvé à quatre, comme ça, puis une offre est arrivée pour nous produire dans un petit festival hors Montréal, dans un bar. Tout le monde a été épaté, alors on a continué. Comme il n’existe pas vraiment de modèles à suivre, c’était un autre mobile pour nous. »

De leurs débuts purement acoustiques, les musiciens se sont équipés de quincailleries électroniques (claviers, pédales, ordis portables), jouant ainsi la carte électro dans leur amalgame sonore. Petit train faisant son chemin, le groupe décroche le prix Révélation jazz de Radio Canada cette année, résultat d’un processus de sélection par jury suivant des recommandations provenant des gens de l’industrie.

« En décembre 2020, nous avons réalisé en studio notre premier enregistrement, dit Fillion, et il serait déjà sorti si ce n’était de la pandémie. Partie remise cependant, car le lancement est maintenant fixé au neuf novembre au Petit Campus, rue Prince-Arthur. » Une chose est sûre : ça va remuer.

  • Mardi 5 octobre, 20 h, le Ministère.

Ailleurs au festival

  • 30 septembre : Joe Sullivan – Chansons et poèmes (douze instrumentistes + la chanteuse Sonia Johnson) – L’Astral, 20 h.
  • 1er octobre : Plateau double : Duo Frank Lozano et Gentiane MG suivi du quartette de frères Doxas avec invité spécial, le pianiste Marc Copeland. – Cinquième salle, PDA, 20 h.
  • 2 octobre : Philippe Côté, Marc Copeland + Le quatuor Saguenay – Le Gesù, 20 h.
  • 8 octobre : François Bourassa solo (L’impact du Silence) – Salle Claude-Léveillée, PDA, 20 h.
  • 9 octobre : Jean-Nicholas Trottier 10tet (Enregistrement de disque) – Théâtre Plaza, 20 h.
  • Pendant tout le festival : Scott Thomson – Solos de trombone à heures indues – Fonderie Darling. (Voir programme pour les heures précises de chacune des prestations.)
Programmation complète du festival, incluant billetterie, ici
À lire ici dans notre section de jazz, nos critiques de disques (Il était deux fois – second volet). 

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A propos de l'auteur

Marc Chénard is a Montreal-based multilingual music journalist specialized in jazz and improvised music. In a career now spanning some 30 years, he has published a wide array of articles and essays, mainly in Canada, some in the United States and several in Europe (France, Belgium, Germany and Austria). He has travelled extensively to cover major festivals in cities as varied as Vancouver and Chicago, Paris and Berlin, Vienna and Copenhagen. He has been the jazz editor and a special features writer for La Scena Musicale since 2002; currently, he also contributes to Point of Departure, an American online journal devoted to creative musics. / / Marc Chénard est un journaliste multilingue de métier de Montréal spécialisé en jazz et en musiques improvisées. En plus de 30 ans de carrière, ses reportages, critiques et essais ont été publiés principalement au Canada, parfois aux États-Unis mais également dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Allemagne, Autriche). De plus, il a été invité à couvrir plusieurs festivals étrangers de renom, tant en Amérique (Vancouver, Chicago) que Outre-Atlantique (Paris, Berlin, Vienne et Copenhangue). Depuis 2012, il agit comme rédacteur atitré de la section jazz de La Scena Musicale; en 2013, il entame une collabortion auprès de la publication américaine Point of Departure, celle-ci dédiée aux musiques créatives de notre temps.

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