L’OFF JAZZ 2018 : De l’avant-scène à l’arrière-scène

0

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Projets spéciaux

Cette année, l’Off festival ressert sa programmation un peu, limitant la participation de musiciens étrangers à un strict minimum. Pourtant, cela n’amoindrit en rien sa vocation d’inclure des projets d’envergure parmi ses vingt-deux concerts à l’affiche.

Nicolas Caloia
Photo : Stefan Verna

La soirée d’ouverture (jeudi 4 octobre, Lion d’or) marque le retour au festival du Ratchet Orchestra, cette plus que grande formation de vingt musiciens dirigés par le contrebassiste et compositeur Nicolas Caloia. Cette prestation se tiendra dans la foulée de répétitions pour ­l’enregistrement de son prochain disque, dont la sortie est prévue pour le mois de mars ­prochain. Douze pièces, dont six assez récentes, sont inscrites au répertoire actuel du groupe, deux d’entre elles mettant en vedette la ­chanteuse Kim Zombik. Pour connaître tout le gratin des musiques improvisées à Montréal, le Ratchet Orchestra est la référence en la matière. Notons que cette chanteuse et le bassiste se retrouveront le lendemain (vendredi 5) au Dièse Onze dans un projet conjoint appelé Silvervest.

Tout juste après cette rencontre intimiste, le batteur John Hollenbeck, qui a fait l’objet de notre article vedette le mois dernier, signe une deuxième présence au festival, les organisateurs lui ayant accordé une carte blanche. En début d’année, il avait proposé quelques projets, signalant son désir de mettre sur pied une formation de musiciens montréalais. Chose dite, chose faite : Hollenbeck s’est constitué un ensemble aussi inédit qu’inusité que l’on pourrait qualifier de pluridisciplinaire. D’une part, il a recruté le saxo alto Erik Hove et le trompettiste Simon Millerd et, d’autre part, Terri Hiron à l’ordinateur et aux traitements sonores ainsi que Pierre Hébert, cinéaste-vidéaste de métier et spécialiste en animation visuelle en direct. Question contenu ou forme, le batteur n’avait pas fixé son plan de match à la tombée de cet article, mais il compte offrir deux parties contrastantes séparées par un entracte. En soirée de clôture (samedi 13 à l’Astral), Hollenbeck accompagnera le saxo Samuel Blais dans une autre proposition assez originale, soit un quartette complété par deux New-Yorkais de renom, le guitariste Ben Monder et un second batteur, Dan Weiss.

Jean-Pierre Zenela

Troisième projet spécial, celui du saxophoniste Jean-Pierre Zanella se situe aux confins des genres. Interrogé à ce sujet, celui-ci explique qu’il s’agit d’une suite de près de 75 minutes pour une douzaine de musiciens (incluant un quatuor à cordes) intitulée le Dilemme de Feliciano. Son créateur, Mike Ryan, est un trompettiste de nationalité australienne qui réside au Brésil depuis plus de trente ans et qui sera présent à Montréal pour cette première. Zanella dit l’avoir rencontré là-bas en 2012 et joué avec lui depuis, participant même à une représentation de cette œuvre à Rio l’an dernier. Toujours selon le saxo, les influences sont multiples, du jazz à l’impro libre jusqu’à la

Mike Ryan

musique contemporaine et des clins d’œil à la musique brésilienne. Le concert, le vendredi 12, sera accompagné de projections de photos et des extraits d’une narration (en portugais) basée sur les confidences du dédicataire de cette œuvre pendant un exil européen.

Fin d’une époque

En cette année précédant son vingtième anniversaire, l’Off Festival de Jazz de Montréal se retrouve à la croisée des chemins. Contre vents et marées, il a surmonté de nombreux obstacles dressés sur son parcours, certains mettant en doute son avenir. Pourtant, il a tenu le coup, au prix de quelques sacrifices, soit, mais jamais au détriment de sa ­mission de valoriser notre bassin de talents.

Qu’il soit encore parmi nous après toutes ces années relève d’une certaine chance, mais aussi d’une gestion avisée. À ce titre, il faut rendre à César ce qui est à César, ou Jean-Jules dans ce cas-ci, Pilote de son patronyme. Coordonnateur du festival depuis sa seconde ­édition en 2001, il a été son éminence grise, celui qui l’a tenu presque à bout de bras. Cette année, toutefois, sera sa dernière parce qu’il juge le moment opportun pour passer le flambeau.

Avant son arrivée à Montréal en 2000, Jean-Jules Pilote occupait un poste similaire au Festival des Musiques de création de Jonquière, où il avait fait la connaissance de plusieurs jazzmen de la métropole de ­passage, dont des membres fondateurs de l’Off. Ceux-ci le recrutent pour assumer la direction administrative du jeune événement. Il se souvient des premières éditions qui chevauchaient le FIJM, de son décalage avec ce dernier à la mi-juin en 2006, sans oublier son passage, disons obligé, en octobre 2010, à la suite du déplacement des Francofolies dans sa case horaire. Ce report du festival a été le moment le plus dur pour lui, sa ­survie étant mise en doute en raison d’une diminution de la moitié de ses entrées payantes. Malgré cette ombre au tableau, il a tenu bon, ­trouvant même un moyen d’investir dans son avenir. En 2013, l’Off a lancé une campagne de sociofinancement qui lui a permis de récolter 8 000 $, somme déposée dans le programme Placement Culture du CALQ. Cet organisme doubla à son tour cette mise pour constituer un fonds de 24 000 $, dont une partie a dejà été encaissée, les sommes ­restantes accumulant des intérêts pour usage dans cinq ans.

Quant à son emploi, Jean-Jules Pilote note qu’il s’agit d’un poste ­saisonnier, soit six mois par année. Même s’il a annoncé ses intentions l’an dernier, il a accepté de travailler à titre de consultant pour cette édition, épaulant un coordonnateur intérimaire, Raphaël Delahaye. Lorsqu’on lui demande de citer des moments forts dans l’histoire de l’OFF, Pilote estime que l’édition 2016 avec le gros projet orchestral de Roscoe Mitchell a été une année marquante au chapitre de la programmation. Côté concerts, il hésite d’abord, estimant qu’il en a vu tellement, avant d’évoquer celui de Marianne Trudel avec la rythmique de Hamid Drake et William Parker, prestation qui l’a vivement impressionné. Quant à ses plans personnels, il dit mijoter quelque chose, sans toutefois vendre la mèche. Nous lui souhaitons donc tout ce qu’il y a de mieux, comme au festival dans ses démarches de recrutement d’un digne successeur.

Programmation et infos sur la billetterie (incluant forfaits) : www.loffjazz.com

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Marc Chénard is a Montreal-based multilingual music journalist specialized in jazz and improvised music. In a career now spanning some 30 years, he has published a wide array of articles and essays, mainly in Canada, some in the United States and several in Europe (France, Belgium, Germany and Austria). He has travelled extensively to cover major festivals in cities as varied as Vancouver and Chicago, Paris and Berlin, Vienna and Copenhagen. He has been the jazz editor and a special features writer for La Scena Musicale since 2002; currently, he also contributes to Point of Departure, an American online journal devoted to creative musics. / / Marc Chénard est un journaliste multilingue de métier de Montréal spécialisé en jazz et en musiques improvisées. En plus de 30 ans de carrière, ses reportages, critiques et essais ont été publiés principalement au Canada, parfois aux États-Unis mais également dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Allemagne, Autriche). De plus, il a été invité à couvrir plusieurs festivals étrangers de renom, tant en Amérique (Vancouver, Chicago) que Outre-Atlantique (Paris, Berlin, Vienne et Copenhangue). Depuis 2012, il agit comme rédacteur atitré de la section jazz de La Scena Musicale; en 2013, il entame une collabortion auprès de la publication américaine Point of Departure, celle-ci dédiée aux musiques créatives de notre temps.

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.