L’Hebdo Lebrecht | 1919 Coda : Janáček, Boulanger, Debussy, Elgar (Delphian)

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Le titre de ce récital violon-piano nécessite quelques explications. En 1919, deux des compositeurs cités sont morts et un troisième était épuisé. Seul Leos Janáček fonctionnait à plein régime − en fait, plus qu’il ne l’avait jamais fait auparavant. Si 1919 a été une référence, cela ne ressort pas clairement de leurs cycles de vie. Cependant, cette année marque la fin de l’ère de la guerre et ces sonates existent dans ce passé immédiat, sans penser au présent ou à l’avenir.

La sonate de Janáček, achevée en 1915 et révisée pendant six ans, est un chef-d’œuvre composé dans le vide. Le compositeur, âgé de plus de 60 ans, attendait que Prague reprenne son opéra Jenufa, créé à Brno en 1904. Tant que l’œuvre ne parvenait pas à la capitale, il ne pouvait aller de l’avant. En 1915, Prague accepte l’opéra, mais avec de sévères révisions. Le mariage de Janáček s’effondre. Pendant la guerre, il déteste l’Autriche et l’Allemagne et aspire à l’indépendance de la République tchèque. Ces impulsions insufflent à la sonate des tensions complexes et contradictoires. En 1919, Jenufa avait été acclamée internationalement et Janáček était amoureux d’une jeune femme inaccessible.

Claude Debussy se mourait d’un cancer du rectum et les canons allemands se faisaient entendre à Paris alors qu’il composait un triptyque de sonates, dont celle-ci est la dernière et la plus intime. Pour un homme qui tenait le monde à distance, cette sonate est chaleureuse, attachante mais non sentimentale. Sa création en mai 1917 fut le dernier concert auquel Debussy assista, dix mois avant sa mort.

Edward Elgar se remettait d’une opération de la gorge lorsqu’il écrivit la sonate pour violon et piano à la fin de la guerre. Il a ensuite achevé un quintette pour piano et un concerto pour violoncelle mais, après la mort de sa femme en 1920, il n’a plus rien écrit d’important. La sonate est, à bien des égards, son épitaphe.

Lili Boulanger a souffert d’une maladie chronique tout au long de sa courte vie. Elle a remporté un prix national très convoité en 1913, mais est morte cinq ans plus tard, à l’âge de 24 ans. Les deux courtes pièces qu’elle présente dans ce récital témoignent davantage d’une promesse que d’un accomplissement.

Deux musiciens basés au Royaume-Uni, le violoniste néo-zélandais Benjamin Baker et le pianiste hongrois Daniel Lebhardt, donnent vie à ces disparités. S’ils s’efforcent un peu trop d’atteindre une beauté conventionnelle dans Janáček, leur austérité est parfaite pour Debussy et Elgar, évoquant une sympathie contenue pour ces confessions morbides. Le jeu est merveilleusement équilibré, un album conceptuel exemplaire adapté avec justesse aux circonstances et à l’individualité de chaque compositeur. Baker et Lebhardt racontent quatre histoires très humaines, toutes imparfaites. J’ai été tenu en haleine tout au long de l’enregistrement.

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A propos de l'auteur

Norman Lebrecht is a prolific writer on music and cultural affairs. His blog, Slipped Disc, is one of the most popular sites for cultural news. He presents The Lebrecht Interview on BBC Radio 3 and is a contributor to several publications, including the Wall Street Journal and The Standpoint. Visit every Friday for his weekly CD review // Norman Lebrecht est un rédacteur prolifique couvrant les événements musicaux et Slipped Disc, est un des plus populaires sites de nouvelles culturelles. Il anime The Lebrecht Interview sur la BBC Radio 3 et collabore à plusieurs publications, dont The Wall Street Journal et The Standpoint. Vous pouvez lire ses critiques de disques chaque vendredi.

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