Mona Mariana Ciciovan : en quête de l’éphémère

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Rétrospective : ce mot évoque habituellement la présentation récapitulative des œuvres artistiques d’une personne en fin de carrière. Pour Mona Mariana Ciciovan, le titre de sa dernière exposition solo célèbre plutôt son cheminement comme artiste lors de ses deux premières décennies à Montréal.

Depuis qu’elle et son conjoint sont arrivés dans la métropole avec « deux fillettes et quatre sacs », elle a propulsé sa carrière avec des expositions solos ou collectives presque annuelles et une présence permanente à la galerie d’art Images Boréales. Ses œuvres font partie de collections publiques et privées dans plusieurs grandes villes des États-Unis ainsi qu’à Singapour, en Australie et dans son pays natal, la Roumanie. Une fois par an, elle accueille le public à l’Espace Mara, son atelier et espace d’exposition.

Son cheminement, à la fois ardu et réjouissant, l’a menée à vouer une grande partie de son énergie à la peinture, s’y consacrant presque tous les jours. Composée d’œuvres de diverses dimensions et de dessins, l’exposition retrace le parcours de l’artiste.

L’évolution de Mona Ciciovan est inusitée, en ce sens qu’elle n’a pas commencé par la peinture figurative avant d’évoluer vers l’abstraction. « Pour moi, l’abstraction marquait le point de départ. »

Qui sait ? Peut-être s’est-elle laissé guider par ses premiers souvenirs d’enfance à Pintic, un petit village roumain, où elle retourne faire le plein de temps en temps. « On comptait très peu de ressources, commente l’artiste en se remémorant l’endroit qui l’a vue grandir. Pas de cinéma, pas de bibliothèque, une petite église et aucun hôpital. Il n’y avait aucune distraction, aussi j’ai appris à aimer la solitude. Je pouvais regarder le ciel pendant des heures. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire. »

Elle se souvient d’avoir joué avec la boue, de l’avoir modelée comme de l’argile, donnant libre cours à son imagination. Son enseignante de première année, remarquant son talent, avait regroupé ses aquarelles et ainsi préparé sa première exposition, au grand plaisir de ses camarades de classe. « J’avais envie d’une expérience tactile, c’est peut-être la raison pour laquelle je peins à présent à l’huile – son odeur, sa texture sont si sensuelles. » Mona Ciciovan n’hésite pas à utiliser ses doigts dans la création d’un tableau. « Je travaille avec des glacis transparents, de nombreuses couches. Pour moi, l’huile demeure le médium le plus subtil. »

Certes, ses parents ne l’imaginaient pas gagner sa vie en tant qu’artiste. Comme elle était douée en mathématiques, elle entreprit les études d’une invraisemblable carrière en comptabilité. Après quelques ratés, son rêve de recevoir une éducation artistique de qualité s’est concrétisé. Elle obtient une mineure en beaux-arts de l’Université de Montréal et un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Il y avait une multitude de cours allant du dessin à la gravure. Je voulais tout essayer, se souvient-elle. Je sentais que c’était maintenant ou jamais. »

En 2001, elle rencontre Michel Buruiană, journaliste, écrivain, imprésario et surtout grand amateur d’art, qui la prendra sous son aile. À la mort de son agent en 2017, alors qu’elle tient bien les rênes de sa carrière, elle reconnaît volontiers l’influence qu’il a exercée sur son essor artistique : « Il croyait en moi bien plus que je ne croyais en mes possibilités. Il a toujours été très franc avec moi. Je savais qu’avec lui, je pouvais progresser, aller de l’avant non pour vendre mes œuvres ou gagner de l’argent, mais pour atteindre un objectif [en peinture]qui me tenait à cœur. »

Michel Buruiană a insisté pour qu’elle en apprenne davantage sur l’histoire de l’art, lui conseillant d’exposer uniquement quand il la sentirait prête. « C’était un homme extrêmement cultivé. J’ai appris et travaillé davantage à son contact qu’à l’université. Il affirmait que nous devons connaître l’œuvre de nos prédécesseurs pour élargir nos horizons, pour acquérir de la discipline. Il soutenait que le travail artistique demeure superficiel sans ces connaissances. »

Photo: Courtoisie de l’artiste

En regardant dans le rétroviseur, Mona Ciciovan admet que son travail a évolué à l’image d’une spirale. « Nous commençons par ce que nous savons, puis nous élargissons nos connaissances et retournons aux sources », affirme-t-elle. Elle réalise toujours des séries, sa plus récente s’intitulant The Joy of Living. D’autres portent des titres évocateurs, comme Memories, The Time of Secrets, The Land of Elders ou Miorita, lequel est inspiré d’un livre qu’elle a lu dans son enfance.

« Les gens pensaient que je répétais un thème, mais c’était pour moi une façon d’aller jusqu’au bout, à l’instar des pages d’un livre qui mène à un autre livre. »

Au fil du temps, elle reconnaît que son travail a connu des phases distinctes, les couleurs plus foncées de la terre ont, par exemple, cédé le pas à la couleur or et aux pimpantes couleurs primaires.

Elle explore à présent différents supports comme l’aluminium blanc; elle s’est approprié une technique de peinture sur verre roumaine datant de 200 ans utilisée en iconographie. C’est la technique, et non le symbolisme religieux, qui la fascine, même si la peinture d’icônes sur verre a connu une résurgence en Roumanie depuis la chute du régime communiste. « Je peins en me servant d’un miroir, explique-t-elle, car la peinture se fait au dos du verre, en commençant par le premier plan, exactement en ordre inverse du travail sur la toile ou sur bois. »

Lorsqu’elle crée dans son atelier, Mona Ciciovan place la toile sur une table au lieu de la mettre sur un chevalet. Elle n’utilise jamais de références photographiques, son approche étant purement intuitive. « Dans mes œuvres, l’on trouve des visages, des oiseaux, des arbres, mais je n’impose pas ces formes, elles sont toujours abstraites. Je ne fais qu’esquisser les formes pour permettre à qui les regarde de découvrir les images selon sa propre vision et son expérience. »

Elle ajoute qu’il est important de prendre le temps de regarder un tableau. « Une œuvre d’art n’est jamais statique. Plus vous la regardez, plus vous la découvrez. »

Traduction par Lina Scarpellini

L’exposition Rétrospective de Mona Ciciovan est présentée jusqu’au 30 septembre. 4152, rue Saint-Denis, Montréal.

mmciciovan.com

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