Trois systèmes de microphones

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La dernière fois, nous avons regardé en quoi consiste un bon enregistrement pour un chanteur lyrique. Ici, je propose et compare trois types de prises de son pour un duo piano-voix.

Le système le plus simple et le plus naturel

Une paire de microphones
Une seule paire de microphones, espacés d’un demi-pied, placée à une certaine distance (de trois à six pieds du chanteur par exemple) face à l’ensemble chanteur-piano, représente la prise de son la plus naturelle puisqu’elle correspond bien à ce qu’un auditeur entendrait s’il était à cette position. De plus cette position représente bien la perspective habituelle de l’auditoire dans la salle. Le secret pour une bonne prise de son avec seulement cette paire de microphones est dans les distances. La distance entre les microphones et l’ensemble chanteur-piano détermine la quantité de réverbération présente dans l’enregistrement : plus la paire de microphones est loin de l’ensemble, plus il y aura de « salle », donc de réverbération. Ensuite, la distance entre le chanteur et le piano détermine le niveau du piano par rapport au chanteur : par exemple en reculant le piano d’un ou deux pieds il sera sensiblement moins fort dans la paire de microphones et laissera plus de place au chanteur.

Le défi avec cette prise de son est qu’il n’est pas possible de modifier ces éléments (la quantité de réverbération, le niveau du piano par rapport au chanteur) une fois l’enregistrement fait.

Le système avec contrôle sur l’équilibre

Une paire pour le piano, un microphone pour le chanteur
Lorsque plus de flexibilité est désirée, une paire de microphones pour le piano et un microphone pour le chanteur peuvent être utilisés. La paire de microphones est placée près du piano (d’un à trois pieds du piano) et l’autre microphone est placé à une certaine distance devant le chanteur (d’un à trois pieds du chanteur). Au mixage, il est alors possible de modifier l’équilibre entre le chanteur et le piano. Notons toutefois que le microphone du chanteur captera inévitablement un peu de piano, d’où la nécessité d’utiliser un micro avec une bonne réponse « hors axe ». Malgré l’apparente flexibilité, ce type de prise de son présente plusieurs défis. D’abord, la perspective est peu naturelle : du fait des positions de microphones, l’auditeur est très proche du chanteur et très proche du piano. Cette intimité ne correspond pas à ce que l’auditeur entend habituellement lorsqu’il écoute un ensemble chanteur-piano dans une salle. Cette intimité peut ne pas convenir à tous les répertoires, surtout si l’œuvre demande la réverbération de la salle. Si l’objectif est d’avoir une prise de son « naturelle », il va falloir travailler davantage au mixage. L’autre défi de ce type de prise de son est le potentiel manque de réverbération. Étant donné qu’un microphone est prévu pour le chanteur et une paire pour le piano, il n’y a pas de microphone dédié à la réverbération de la salle. La réverbération peut être ajoutée au chanteur et au piano en éloignant les microphones des sources, leur permettant de capter un peu plus de salle/réverbération et moins de son direct.

Mais plus on éloigne les microphones de leur source, plus il y a d’interférence entre les sources et les microphones : le son du piano entre dans le micro du chanteur et le chanteur entre (dans une moindre mesure) dans les micros du piano, diminuant la flexibilité qu’est censée offrir ce type de prise de son. Pour obtenir plus de réverbération, d’autres options existent telles que l’utilisation d’une réverbération artificielle lors du mixage ou l’utilisation d’un patron polaire plus large sur le micro du chanteur, mais cela prend plus de connaissances techniques ou l’assistance d’un preneur de son professionnel.

Le système avec le maximum de contrôle

Une paire de micros pour l’ensemble, une paire pour le piano et un micro pour le chanteur.
Ce système tente d’obtenir le meilleur des deux systèmes précédents. On peut aussi dire que ce système tente de compenser leurs faiblesses respectives. Ce système comprend une paire de micros à une relativement bonne distance de l’ensemble chanteur-piano (on appelle cette paire la « générale »), un micro proche du chanteur et une paire de micros proches du piano (ces micros proches des sources sont dits « d’appoint »). La générale capte un son d’ensemble avec beaucoup de réverbération. Les micros d’appoint, sans réverbération, apportent la précision nécessaire pour remettre le foyer sur les sources sonores. Afin d’obtenir un équilibre naturel, il est essentiel d’utiliser tous les micros, car sans la générale, les microphones d’appoint sont trop secs et sans les microphones d’appoint, la générale est trop floue. Ce système permet le maximum de flexibilité au mixage. Par exemple, le mixage final peut être composé à 90 % de la paire générale et à 10 % des microphones d’appoint. Les microphones proches ajoutent un foyer sur les sources qui paraissent autrement un peu floues dans la paire générale à cause de la réverbération. Une autre approche consisterait à utiliser essentiellement les micros d’appoint (disons qu’ils comptent pour 80 % du son final) et d’utiliser la réverbération de la paire générale (contribution de 20 %) pour lier le piano au chanteur. Obtenir le bon équilibre naturel au mixage peut être difficile puisque la ligne est parfois fine entre un son trop sec et un son trop réverbérant. Il est peut-être encore plus difficile de combiner les trois perspectives différentes qu’offrent ces micros : une paire est proche du piano, un microphone est proche du chanteur, l’autre paire est plutôt loin. La conséquence, c’est que l’auditeur a du mal à se situer, à se retrouver lorsqu’il entend toutes ces perspectives différentes en même temps. Le résultat peut être impressionnant, net et d’une stéréophonie très large, mais il ne sera pas naturel du tout.

Ce système a plusieurs défauts. Toute cette flexibilité vient avec des coûts. Non seulement il demande plus de microphones et préamplificateurs (plus cher à la location, plus long à installer), mais il implique en outre des complications techniques qui sortent du sujet de cet article (phase du signal à surveiller, temps de retard à calculer…). Ce système a le défaut de ses qualités dans le sens où il offre tellement d’options que beaucoup de temps peut être perdu au mixage. Lorsqu’on essaye les différentes options, on retarde ainsi les prises de décision qui permettent d’aboutir au mixage final. Pour simplifier, on peut dire qu’il augmente les coûts matériels et le coût du mixage. Il est peut-être plus judicieux de faire appel aux services d’un preneur de son professionnel avant de se lancer dans ce type de prise de son plus complexe.

Karim Blondy a enregistré et mixé des albums pour des artistes de plusieurs styles : jazz, classique, pop et métal. Il est également professeur à l’école Musitechnic.

www.musitechnic.com

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