Salle Bourgie: les origines

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Bien ancrée aujourd’hui dans le paysage culturel montréalais, la salle Bourgie n’a pas toujours été un lieu de concerts et de diffusion musicale. Depuis son inauguration en septembre 2011, les récitals, les concerts de musique de chambre, de musique vocale ou de musiques du monde, les soirées jazz ou encore les événements croisés en lien avec les collections et expositions du Musée des beaux-arts de Montréal se déroulent dans l’ancienne église Erskine and American United. Par son évolution et ses transformations, ce lieu nous livre un témoignage inestimable sur le destin de diverses communautés protestantes anglophones qui étaient établies au centre-ville de Montréal, dans le quartier connu sous le nom de Mille carré doré (Golden Square Mile).

C’est en 1893 que commence l’édification de l’église Erskine, rue Sherbrooke au coin de Crescent. Dès l’année suivante, elle sert de nouveau lieu de culte à la congrégation presbytérienne des « Sécessionnistes d’Écosse », nom donné aux dissidents d’une communauté protestante, conduite dès 1733 par Ebenezer Erskine, qui décident d’immigrer au Canada et s’établissent à Montréal à partir de 1820.

En 1925, l’église Erskine s’incorpore à l’Église unie du Canada, née elle-même de la fusion de plusieurs églises protestantes au pays. Puis, en 1934, elle incorpore à son tour l’église presbytérienne américaine, qui occupait depuis 1866 un lieu de culte non loin de là, rue Dorchester (renommée René-Lévesque), et devient alors l’église Erskine and American United.

À la suite de cette union, on assiste à un réaménagement complet de l’intérieur de l’église en 1937 et 1938. Ce réaménagement, proposé par l’architecte montréalais d’origine écossaise Percy Erskine Nobbs (1875-1964), comprend notamment l’intégration des vitraux Tiffany qui rehaussent grandement la valeur esthétique de l’église.

Des vitraux d’exception

Désignée en 1998 « lieu historique d’intérêt national », l’église détenait un ensemble exceptionnel de vitraux dont l’essentiel a survécu jusqu’à aujourd’hui. Parmi les 81 fenêtres qui ont été restaurées figurent 20 vitraux commandés au tournant du XXe siècle pour l’église presbytérienne américaine et réalisés par les ateliers de la Tiffany Glass and Decorating Company. Il s’agit de la plus importante collection du genre au Canada et de l’une des rares séries religieuses de Tiffany subsistant en Amérique du Nord.
Ces œuvres se caractérisent par un verre à la teinte laiteuse et aux reflets irisés qui rappellent les caractéristiques de l’opale. Elles doivent leur nom à l’artiste américain Louis Comfort Tiffany (1848-1933) qui s’est rendu célèbre par ses créations dans le style Art nouveau.

Reconversion en salle de concert

La poursuite de la vocation religieuse de l’édifice est rendue difficile par le nombre décroissant de fidèles et les coûts élevés d’entretien. L’église ferme définitivement ses portes à la fusion de la congrégation, en juin 2004, avec celle de St. Andrews-Dominion-Douglas. Une entente signée avec le Musée des beaux-arts, qui y voit la possibilité d’en faire un pavillon voué à l’art canadien, insuffle à l’édifice une seconde vie.

Le sanctuaire après 1938

En 2007, l’homme d’affaires montréalais Pierre Bourgie crée la fondation Arte Musica dont l’objectif est de créer une nouvelle salle de concert au cœur du Musée. Dès le début, il en confie la direction générale et artistique à Isolde Lagacé qui possédait déjà une solide expérience en gestion des arts dans le milieu culturel québécois, notamment au Conservatoire de musique de Montréal et à l’École de musique Schulich de l’Université McGill.

L’ancien sanctuaire est reconverti en une salle de 467 places assises. À cela s’ajoutent des travaux sur l’acoustique, notamment par l’installation d’une conque en bois de merisier et à plusieurs panneaux au-dessus de la scène, afin de créer un environnement sonore digne des plus beaux « temples » de la musique. Laurent Patenaude, directeur artistique de l’orchestre de chambre Les Violons du Roy, loue les qualités acoustiques de la salle qui, selon lui, permet de créer de l’intimité. « À la salle Bourgie, il faut aller plus loin dans les pianissimos […] Le plus difficile à faire, ce sont les nuances très douces, car la salle porte très bien, la projection est excellente, naturelle, ce qui est très agréable par ailleurs. »

Le clavicythérium

Les musiciens en concert à la salle Bourgie peuvent également compter sur une collection d’instruments de grande valeur, dont un piano à queue historique Érard (1859), un clavecin de type italien du XVIIe siècle construit par Rodney Myrvaagnes (1975), un autre clavecin dans le style des facteurs flamands du XVIIe siècle de Keith Hill (1984), un clavicythérium conçu par Yves Beaupré (2002) d’après un instrument d’Albertus Delin de 1768 ainsi que deux orgues de chambre, petit et grand, fabriqués par Hellmut Wolff.

Dossier Salle Bourgie

 

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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