Salle Bourgie: Charles Richard-Hamelin fait son grand retour en solo et devant public

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C’était son premier récital solo devant public depuis février 2020. Le 22 mai, le pianiste Charles Richard-Hamelin était de retour à la salle Bourgie pour interpréter les 24 préludes de Chopin ainsi que la Fantaisie pour piano en do mineur, K. 475, et la Sonate no 14 en do mineur, K. 457, de Mozart. Deux de ses compositeurs préférés, a t-il confié en préambule.

Composées dans la même tonalité, les deux œuvres de Mozart ont été jouées sans interruption. Un choix judicieux qui avait le double avantage de ne pas faire retomber la tension, d’une pièce à l’autre, et de donner au public l’impression d’un récital en deux blocs distincts. De la même manière, le dernier prélude de Chopin, en mineur, a été suivi, en guise de rappel, par une œuvre de Mozart écrite, elle aussi, en mineur; en l’occurrence, la célèbre Fantaisie pour piano en ré mineur, K. 397. La boucle était donc bouclée.

Il semble que Richard-Hamelin ait eu besoin d’un certain temps pour prendre ses marques, se familiariser avec le piano et s’adapter à l’acoustique de la salle. Dans la Fantaisie en do mineur, première pièce du programme, il s’est abondamment servi de la pédale forte, ce qui donnait parfois un son trop diffus et des phrases musicales moins bien articulées qu’à l’habitude. Heureusement, dans la sonate K. 457, Richard-Hamelin a gommé ces petites imperfections. La structure de chaque mouvement est apparue clairement et toujours de manière très fluide. L’interprète a tantôt laissé s’exprimer sa virtuosité, son sens du touché et sa sensibilité artistique. Le troisième mouvement de cette sonate lui a également permis d’aller chercher une couleur plus dramatique à son interprétation, avec notamment de longs silences qui ont donné tout le temps nécessaire au son de se répandre et de se dissiper lentement dans la salle.

Fidèle à sa réputation, Richard-Hamelin a excellé dans les 24 préludes de Chopin. L’occasion, pour le public, de redécouvrir cette œuvre dont on ne retient souvent que le prélude en mi mineur.

Il y a pourtant des petites perles qui méritent d’être aussi bien connues. Prenons, par exemple, le prélude en la mineur, écrit dans un langage qu’on pourrait presque qualifier de « moderne » tant il fait entendre des dissonances. D’autres pièces foisonnent d’arpèges évanescents et semblent préfigurer l’impressionnisme musical d’un Maurice Ravel. C’est notamment le cas des préludes en sol, en et en fa (ce dernier est peut-être le plus « impressionniste » de tous). Avec sa mélodie virevoltante, le prélude en si bémol capte très bien, lui aussi, cet esprit d’insouciance qui parcourt la majorité des pièces en mode majeur.

Richard-Hamelin exécutait tout cela avec beaucoup d’aisance. Il savait à merveille ralentir ou, au contraire, accélérer quand le flux de la musique l’imposait. Il savait aussi nous plonger dans l’abîme lorsque les événements prenaient une tournure sombre ou dramatique. Le prélude en bémol majeur nous a permis notamment d’apprécier tout l’éventail expressif de Richard-Hamelin, dans l’aigu comme dans le grave. Arcbouté sur son piano, il faisait ressortir de l’instrument une puissance sonore à faire trembler les murs de la salle Bourgie.

Ce concert à la salle Bourgie est le premier d’une longue série. Les autres représentations ont lieu le 23 mai, à à 14h30, les 25, 26 et 28 mai ainsi que le 3 juin, à 19h. Tous les détails au www.mbam.qc.ca/fr/salle-bourgie

 

 

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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