Philippe Jaroussky et Marie-Nicole Lemieux: De bons amis se retrouvent avec les Violons du Roy

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Grâce à leur réputation sur la scène internationale, Les Violons du Roy ont attiré, au fil des ans, des solistes de tout premier plan et signé des collaborations mémorables dans tous les répertoires, notamment en musique baroque. La saison 2022-2023 n’y fait pas exception. En concert d’ouverture le 22 ­septembre, à Québec, et le 24 septembre, à Montréal, l’orchestre de chambre reçoit nul autre que Philippe Jaroussky et son amie depuis maintenant de longues années, la contralto Marie-Nicole Lemieux.

On ne présente plus le contre-ténor français tant ses 25 ans de carrière et sa trentaine d’enregistrements parlent pour eux-mêmes. La première fois qu’il est venu ­chanter au Québec, c’était dans sa vingtaine, à ­l’invitation du claveciniste Luc Beauséjour. Quant à la dernière fois, c’était avec Les Violons du Roy, en 2017, dans un répertoire d’œuvres de Bach et de Haendel. Pour sa ­prochaine venue, ce sont des airs et des duos de Haendel qu’il nous proposera avec son amie Marie-Nicole.

Leur première collaboration remonte à 2004 autour de la musique de Vivaldi avec l’ensemble Matheus, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi. « J’ai connu Marie-Nicole quand on a fait les premiers concerts et l’enregistrement d’Orlando furioso. On a une amitié très forte qui est née de cette collaboration, confie Jaroussky. Je pense que c’est lié au fait qu’on se soit rencontrés jeune. On était au début de notre carrière et Vivaldi nous a porté chance à tous les deux. »

Parmi leurs projets réalisés en commun, le contre-ténor mentionne une série intensive de concerts autour des premiers compositeurs baroques qui leur a permis d’explorer tout un éventail de jeux de rôles. « On pouvait avoir sur scène une relation mère-enfant, mais aussi un rapport de deux copains, un rapport amoureux bien sûr. Ce que j’aime chez Marie-Nicole, c’est qu’elle peut passer du rire aux larmes en une fraction de seconde. Elle peut devenir la plus grande tragédienne ou quelqu’un qui va vous faire rire aux éclats. J’ai beaucoup d’admiration pour sa capacité à tout donner, à incarner physiquement les choses alors que moi, j’ai un côté plus cérébral, plus nonchalant. »

Philippe Jaroussky se réjouit d’avance que ce soit dans la patrie de la contralto, pour une fois, qu’ils pourront chanter ensemble – ­l’occasion d’explorer encore davantage leur dynamique sur scène et de mettre en valeur leur étroite complicité. « Le duo final sera un happy end entre deux amoureux. Il y aura aussi un duo de dispute, comme une scène de ménage, extrait de l’opéra Partenope. Ça risque d’être haut en couleur ! On pourrait même dire qu’on chantera le plus beau duo qu’a écrit Haendel dans un opéra, celui entre Sesto et Cornelia, le fils et la mère dans Jules César. J’interpréterai des airs dédiés à ­l’origine à des castrats, des rôles masculins, tandis que Marie-Nicole changera de sexe entre, par exemple, le rôle d’une reine et celui du méchant Polinesso. »

Le directeur musical des Violons du Roy, Jonathan Cohen, se réjouit tout autant de la venue de ces artistes d’exception. « Ils connaissent le style, la sensibilité, le besoin d’émouvoir dans ce répertoire d’airs et de duos de Haendel, mais aussi le contexte de l’intrigue de chaque opéra. C’est important pour trouver le bon ton et faire ressortir le texte. Les Violons ont aussi une grande ­expérience de cette musique, alors ça promet d’être un très beau concert pour l’ouverture de la saison. »

Le chef d’orchestre britannique nous en dit davantage sur Haendel. « Pour moi, il est le plus dramatique des compositeurs baroques. Il a écrit des œuvres exceptionnelles et ­développé la manière de faire des opéras, des oratorios. C’est un humaniste avec une musique très expressive, compassionnelle. » Et d’ajouter : « Par moments, l’orchestre chante aussi la mélodie avec le duo de solistes. Les parties orchestrales de Haendel, comme celles de Mozart, sont bien intégrées aux lignes vocales des chanteurs alors que plus tard, durant la période romantique, elles occuperont plus souvent un rôle secondaire par rapport à la voix. »

Cela dit, c’est à l’époque de Haendel que naissent les grandes étoiles de l’opéra, en ­l’occurrence les castrats. Philippe Jaroussky abonde ici dans le même sens que Cohen. « Pour nous les contre-ténors, Haendel, c’est un peu notre dieu. Entre les airs d’opéra, les cantates, c’est quand même avec Bach le répertoire le plus génial. On rêve tous de ­chanter Theodora, Jules César, Rinaldo, tous ces airs sublimes pour castrats. D’ailleurs, j’ai commencé à vouloir chanter en découvrant à la télévision l’air Scherza infida d’Ariodante. Cela m’a beaucoup marqué quand j’étais ­adolescent. J’ai ensuite sérieusement étudié l’art des castrats. On sait que ces chanteurs avaient des voix bien différentes de celles des contre-ténors. C’est probablement pour cela qu’avec le temps, j’ai essayé de trouver ce qui pouvait mieux correspondre à ma voix et non de me glisser toujours dans le même costume. »

Tout en abordant d’autres répertoires sur disque, comme les mélodies françaises, de Schubert ou encore de la musique contemporaine, Philippe Jaroussky revient volontiers à ses premières amours musicales. Une passion que Marie-Nicole Lemieux continue à entretenir elle aussi, à côté d’autres rôles comme Carmen, Dalila et, prochainement, Azucena.

Jonathan Cohen dirigera les Violons du Roy dans le Stabat Mater de Pergolèse (10 et 11 novembre) et récidivera dans le répertoire de Haendel avec le non moins célèbre opéra Alcina (9 et 11 février).

Marie-Nicole Lemieux interprétera le rôle d’Azucena dans la nouvelle production d’Il Trovatore à l’Opéra de Montréal (10-18 ­septembre). De son côté, Philippe Jaroussky poursuivra sa tournée en Amérique du Nord avec un concert à Carnegie Hall (14 octobre). Parallèlement à ses activités d’enseignant à l’Académie musicale qui porte son nom, le contre-ténor a depuis peu entamé une ­nouvelle carrière de chef d’orchestre avec ­l’ensemble Artaserse. www.violonsduroy.com

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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