L’OCM présente As One : Le choix de l’authenticité

0

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

L’Orchestre classique de Montréal est un orchestre engagé. Il l’a prouvé par le passé en ayant à cœur de promouvoir les artistes et compositeurs de la relève, qu’ils soient québécois, canadiens ou autochtones. Cette année encore, il témoignera de son soutien des minorités visibles. Le 20 novembre prochain, à l’occasion de la Journée du souvenir trans qui rend hommage à toutes les personnes transgenres persécutées ou tuées à cause de leur identité, le public de l’OCM pourra entendre la première production théâtrale canadienne de l’opéra de chambre As One. Présentée en ouverture de saison et diffusée en ligne, quoi qu’il advienne, cette œuvre met en scène deux voix, masculine et féminine, qui partagent le rôle d’un seul et même protagoniste transgenre. Elle est basée sur une histoire vraie, celle de la colibrettiste Kimberley Reed.

Le baryton Phillip Addis

Pour le directeur général de l’OCM, Taras Kulish, ce fut un véritable coup de cœur. « J’en ai entendu des extraits  lors de la conférence annuelle d’Opera America qui s’est tenue à Montréal en 2016. J’ai été vraiment accroché dès la première note. J’ai aussi été intéressé et même touché par le thème. Ce n’est pas un thème abordé souvent. On ne parle pas ici de rôles de travestis, de femmes qui chantent un rôle d’homme. Il s’agit d’une personne authentiquement transgenre et de son parcours dans la vie de l’adolescence à l’âge adulte. À l’OCM, nous voulons être très clairs à ce sujet. La communauté transgenres aurait des raisons d’être sceptique si l’histoire n’était pas authentique. Or, avec As One, l’authenticité est bien là. »

Composé pour deux solistes et un quatuor à cordes seulement, l’opéra de Laura Kaminsky a l’avantage d’être facile et abordable à produire, mais il correspond surtout à l’un des mandats importants de l’OCM : agrandir le répertoire de l’orchestre et ainsi lui permettre de toucher différents publics de Montréal. C’est cette même volonté de s’ouvrir aux autres qui amène l’organisme à prolonger l’expérience au-delà d’une ou deux soirées de concert et à organiser, une semaine avant le spectacle, deux forums de discussion en français et en anglais. « Kimberley Reed va faire partie du panel ainsi que d’autres personnes transgenres. Il y aura également une chanteuse et un chanteur transgenre d’opéra que j’ai découverts aux États-Unis et en Europe et qui chanteront pour nous en ligne. C’est très intéressant de pouvoir impliquer, inclure la communauté transgenre dans ce projet », explique Taras Kulish.

L’OCM n’en est pas à ses premières découvertes du répertoire contemporain. Sous l’impulsion de son directeur artistique Boris Brott, il a passé de nombreuses commandes à de jeunes compositeurs et compositrices. C’est encore le cas cette saison avec une création au programme du concert du 30 mars prochain. Il s’agit d’un concerto pour pipigwan (flûte traditionnelle) de la compositrice autochtone Barbara Croall. « Dans ce concerto en quatre mouvements qui représentent les différentes saisons de l’année, précise Kulish, elle jouera elle-même la partie solo. L’œuvre sera jumelée avec Les Quatre saisons de Piazzolla à l’occasion du 100anniversaire de naissance du compositeur. Ce sera un concert hors du commun. »

La mezzo-soprano Sarah Bissonnette

L’OCM innove non seulement par son répertoire, mais également par ses concerts. « Cela remonte au printemps, plus exactement au mois d’avril. Nous avons été l’un des premiers orchestres à présenter des concerts en ligne. Nous savions que nous voulions faire quelque chose durant cette période de confinement, mais nous ne nous attendions pas à avoir près de 3000 visionnements par diffusion, reconnaît Kulish. Nous en avons fait une douzaine et nous avons bâti ainsi un réseau sur Facebook comme nous ne l’avions jamais vu auparavant. Nous sommes maintenant rendus à près de 7000 personnes. Si nous ajoutons à cela les autres plateformes comme Twitter et Instagram, nous arrivons à plus de 10 000. C’est intéressant parce que c’est aussi de cette manière que nous faisons parler de nous et que nous gagnons en visibilité. Cette pandémie nous a appris une immense leçon sur la grande force des réseaux sociaux et l’importance d’avoir une présence numérique. Nous comprenons bien sûr que nous n’arriverons jamais à remplacer complètement l’expérience d’un concert en personne, avec une acoustique vive, mais le fait que nous puissions présenter des concerts en ligne et que les gens s’y intéressent, c’est quand même bon signe pour la survie de notre domaine. »

L’OCM fait partie de ces organismes culturels qui ont su rebondir et tirer le meilleur parti de la période actuelle. Plusieurs facteurs ont joué en sa faveur : une bonne santé financière avant l’arrivée de la pandémie, la taille de l’orchestre ou encore la capacité de s’ajuster. Tout cela explique la situation dans laquelle se trouve l’OCM aujourd’hui : « Avant même cette pandémie, les choses allaient très bien pour nous, raconte Kulish. Nous venions de faire trois concerts de suite à guichet fermé. Nous étions partis sur de bonnes bases déjà. Le fait que nous soyons un orchestre de chambre, un organisme pas très grand, a aussi été un avantage incontestable. C’est entre autres grâce à cela que nous avons pu réagir rapidement. Même s’il reste beaucoup d’incertitudes, la saison 2020-21 ne m’inquiète pas tant. Ce qui m’inquiète davantage, c’est la réadaptation de l’économie à laquelle on risque d’assister dans les prochaines années. Plusieurs dirigeants d’organismes culturels s’en inquiètent. En ce moment, le gouvernement nous donne des aides d’urgence, tout le monde est là pour se soutenir, mais à quoi ressemblera l’économie culturelle de demain ? Quelle forme prendront les commandites ? Allons-y une étape à la fois, on traversera le pont une fois rendus à la rivière. »

As One. Musique de Laura Kaminsky; livret de Kimberley Reed et Mark Campbell; film de Kimberley Reed. Distribution : Phillip Addis, baryton (Hannah avant); Sarah Bissonnette, mezzo-soprano (Hannah après); Quatuor à cordes de l’OCM; Geneviève Leclair, cheffe; Eda Holmes, metteure en scène. Le 20 novembre, à 19 h 30, au Cirque Éloize. Notez également que les forums en anglais et en français auront lieu les 14 et 15 novembre. (événement en ligne uniquement, disponible jusqu’au 4 décembre pour les détenteurs de billets). www.orchestre.ca

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.