L’essor des concerts virtuels : l’expérience de l’OCM

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ÉLISABETH PION, PIANO

La crise sanitaire n’en finit pas de transformer nos habitudes. Les orchestres et maisons d’opéra, eux aussi, ont dû s’adapter, tant bien que mal, à cette nouvelle réalité. Ils rivalisent de projets numériques et de contenus en ligne pour pallier leur baisse d’activité et poursuivre leur saison malgré tout. Le 25 avril dernier, le Metropolitan Opera lançait un gala « à la maison » (At-Home Gala), événement durant lequel des chanteurs et des chanteuses du monde entier se sont relayés un à un pour offrir des interprétations uniques en direct de leur salon, grâce à leur tablette ou leur téléphone intelligent.

À pareille date, l’Orchestre classique de Montréal en était déjà à son quatrième d’une série de huit concerts virtuels. Nous étions alors en pleine période de confinement et l’OCM, sous l’impulsion de son directeur général Taras Kulish, y a vu l’occasion ou jamais de faire son virage numérique. Dans le cadre de la fête nationale, une deuxième série de concerts virtuels, « Écouter québécois.e », s’est ajoutée à la première, en attendant peut-être une troisième à la rentrée. D’ores et déjà, l’audace a été récompensée, l’espoir renaît, mais certaines incertitudes demeurent.

Les raisons du virage numérique

PHOTO: TAMPHOTOGRAPHY

Boran Zaza, responsable du marketing et de la billetterie à l’OCM, se souvient du début de la crise et des raisons qui ont poussé la direction à créer ces séries de concerts virtuels : « C’était notre façon de trouver une solution créative pour annoncer la nouvelle saison. L’idée était de mettre en vedette un soliste de chaque concert dans notre programmation 2020-21. On a commencé par le guitariste Daniel Bolshoy [en concert avec l’OCM, le 16 février 2021, à la salle Pierre-Mercure]et on a continué l’expérience avec sept autres artistes. À chaque concert, ils avaient carte blanche pour jouer les choses qu’ils veulent et en même temps annoncer le concert de la prochaine saison auquel ils participeront. »

À défaut d’une conférence de presse en bonne et due forme, l’OCM a opté pour cette solution originale et non pour une simple vidéoconférence. « Je ne sais pas si d’autres orchestres ont pensé à faire ça aussi, mais c’était une idée qui est venue de nous. En plus, cela créait une anticipation, car chaque semaine, il n’y avait qu’un seul concert qui était annoncé. »

Des résultats déjà visibles

Boran Zaza : « Nous avons reçu beaucoup de dons grâce à ce rythme de concerts hebdomadaires. Nous avons aussi vraiment agrandi notre base d’amateurs. Maintenant, sur Facebook et les réseaux sociaux, les gens qui nous suivent ont plus souvent entre 25 et 44 ans que 55 ans et plus, comme auparavant. Alors ça nous a aidés à rejoindre un public beaucoup plus jeune. » Toutefois, l’OCM n’a pas l’intention de poursuivre ses diffusions gratuites en ligne après la reprise des activités, sous la direction artistique de Boris Brott. Afin de sonder l’opinion du public, des enquêtes ont été menées à la suite de chaque concert virtuel. Il en ressort que 92 % des personnes interrogées sont prêtes à payer pour voir des concerts en direct, sur leur ordinateur ou appareil mobile. « Ce sont des chiffres vraiment encourageants. De plus, presque 50 % de ces répondants sont prêts à payer 20 $ et plus pour voir un concert en ligne de haute qualité. »

Premier bilan des concerts virtuels

Tout comme l’OCM, les solistes ont été plongés, bon gré mal gré, dans une nouvelle réalité. Pour beaucoup d’entre eux, jouer face à la caméra et non face au public a été tout un changement de repères. « Ce n’est pas facile de jouer sans public, mais entre le premier et le dernier concert, j’ai vu que les artistes se sentaient beaucoup plus à l’aise. Pour eux, c’était bien d’avoir une plateforme pour partager leur passion avec les auditeurs, alors je pense que c’était une expérience vraiment positive en ce temps de confinement », estime Boran Zaza, également pianiste.

Entraide et partenariats

Cette période a aussi permis à l’OCM de partager sa propre expérience des concerts virtuels avec d’autres orchestres au pays, et ce, sur une plateforme commune intitulée Orchestres Canada (www.oc.ca). « C’était un temps où tous les orchestres avaient les mêmes ressources, tout le monde était sur un pied d’égalité. Nous n’avions que Facebook et la diffusion de concerts en ligne, ce qui a donné la chance à certains de rayonner davantage. Cette situation nous a permis d’avoir une meilleure communication avec d’autres orchestres. » Ce fut l’occasion aussi de construire de nouveaux ponts et de se soutenir mutuellement. Boran Zaza raconte : « On a fait une vidéo avec l’Orchestre I Musici par l’intermédiaire de notre violon solo, Marc Djokic, et de sa collègue aux Musici Julie Triquet. Les deux artistes ont enregistré chacun chez soi et nous sommes arrivés à une vidéo intitulée Violons solos de Montréal. C’était une très belle collaboration. I Musici et l’OCM sont tous deux des orchestres de chambre et, ensemble, nous avons envoyé le message que, en ce temps de pandémie, tout le monde doit se rassembler et s’entraider. »

Comment envisager l’avenir

L’OCM n’exclut pas l’idée d’une nouvelle série de concerts virtuels en octobre, mais les modalités sont à déterminer. Chose certaine, « il y aura une diffusion virtuelle de tous nos concerts, il y aura une nouvelle saison, quelles que soient les circonstances », nous dit Boran Zaza. Est-ce que ce sera un concert en salle avec spectateurs ou seulement une diffusion sur le web ? « Je pense que les deux options peuvent exister simultanément. Il faut trouver une manière d’amener la musique chez ceux qui ne peuvent pas se déplacer. » Cette offre pourrait tout à fait convenir aux personnes âgées, particulièrement touchées par la pandémie, ou à ceux qui hésitent encore à assister à un concert en personne. « Tout le monde est résilient, tout le monde veut trouver des solutions, personne n’a dit que ça ne marcherait pas ou que l’on ne savait pas comment faire. Je trouve cela vraiment inspirant, même si les circonstances ne sont pas encore encourageantes. »

Pour suivre l’actualité de l’OCM, visitez le www.orchestre.ca

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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