Les musiques de Mars: Une planète qui inspire les compositeurs

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Le 18 février dernier, après plus de 7 mois de voyage dans l’espace, le robot Perseverance s’est enfin posé sur Mars. Ce robot, dont le coût s’élève à plus de deux milliards de dollars US, est le cinquième engin astromobile (rover) lancé par l’agence spatiale américaine afin d’explorer la planète rouge. Des quatre autres robots, seul Curiosity, lancé en 2011, est encore en activité.

Des images continuent de nous parvenir et, pour la première fois de l’histoire, des sons de l’environnement martien ont pu être enregistrés. Perseverance a également émis une vidéo en haute définition de son atterrissage où l’on peut admirer la surface de Mars à mesure que l’appareil descend prudemment de l’atmosphère. De quoi enthousiasmer les scientifiques, les férus de science et peut-être même au-delà !

Cette planète voisine de la Terre, qui fait aujourd’hui l’actualité, a déjà inspiré bon nombre de compositeurs et pourrait bien susciter de nouvelles créations, dans le contexte actuel. Retour sur certaines œuvres ou pièces composées en l’honneur de Mars, de compositeurs de chez nous ou d’ailleurs.

Les Planètes de Gustav Holst:
I. « Mars, the Bringer of War »

On le sait, Mars a été nommée d’après le dieu de la guerre dans la mythologie romaine. Et c’est bien une allure martiale qui domine le célèbre premier mouvement des Planètes de Holst. À l’époque où le cinéma en est encore au stade de l’expérimentation, ce compositeur britannique crée une sensation d’infini; une musique grandiose, cinématographique pourrait-on dire. En l’écoutant, plein d’images nous viennent à l’esprit. Pour un auditeur d’aujourd’hui, elle paraît tout droit sortie d’un film de la Guerre des étoiles. En réalité, l’œuvre a été composée dans les années 1910 et avait, de fait, plusieurs longueurs d’avance sur le cinéma de son temps. L’emploi massif des percussions et des cuivres, trombones et trompettes, ainsi que le rythme souvent très scandé de ce mouvement, écrit en 5/4, contribuent fortement à l’impression de guerre imminente, même de violence en action. Plus que l’orchestration, la tension harmonique qui parcourt la pièce influencera clairement le style du compositeur de musiques de films John Williams dans la célèbre saga intergalactique.

Six Thèmes solaires de Denis Gougeon :
V.
« Trompette-Mars »

En 1990, à l’occasion du Concours de musique du Canada, le compositeur québécois Denis Gougeon achève une œuvre en dix mouvements inspirée des planètes du système solaire. L’un de ces mouvements est consacré à la planète Mars et met en valeur, à l’instar de Holst, un instrument de la section des cuivres; en l’occurrence, la trompette. Il puise abondement son matériau musical dans « Piano-Soleil », première pièce de ce cycle en forme de thème et variations. On y trouve notamment une superposition de gammes diminuées (alternance de tons et de demi-tons), ascendantes et descendantes, qui servira de fil conducteur dans les mouvements suivants. Pour reprendre les termes de la notice sur l’œuvre, rédigée lors de la création : « “Piano-soleil” génère la musique de toutes les autres planètes. Elle symbolise l’énergie brute, la chaleur intense, le rayonnement, la diffusion. Cette énergie, cette lumière vient éclairer chaque planète sous un “jour” différent. »

Interstellar Space de John Coltrane 

Enregistrés pour la première fois en 1967, cinq mois avant la mort du saxophoniste, les quatre plages de l’album Interstellar Space de John Coltrane reprennent le nom d’autant de planètes du système solaire : Vénus, Jupiter, Saturne et, bien sûr, Mars. Cet album est un exemple emblématique de ce qu’est le free jazz. S’il y a bien une pièce qui illustre l’improvisation libre et l’indépendance totale entre la batterie et le saxophone, c’est celle-là. Dans la longue tradition du mythe guerrier, cette pièce martienne a tout d’un affrontement entre le batteur (Rashied Ali) qui suit son propre rythme, et le saxophoniste John Coltrane, qui ne joue aucune ligne mélodique. Seules ressortent les énergies brutes, les tensions insurmontables, jusqu’à ce qu’enfin la batterie prenne le dessus et conclut la pièce en un solo extatique.

Perseverance. Photo: Illustration/NASA/JPL-Caltech

David Bowie, la tête dans les étoile

Le chanteur pop David Bowie a évoqué l’espace à travers deux de ses chansons célèbres. Qu’il s’agisse de l’astronaute Major Tom ou de la fille aux cheveux sans éclat, elles dépeignent à chaque fois des personnages en quête d’évasion. La première de ces chansons, Space Oddity, a été enregistrée en 1969, un mois, jour pour jour, avant que Neil Armstrong ne pose le pied sur la lune. En interview, pourtant, David Bowie parle du film de Stanley Kubrick, 2001 : L’Odysée de l’espace, qui l’aurait grandement inspiré. Quelques années plus tard, en 1973, il sort la chanson Life on Mars?, l’histoire d’une fille en perte de repères, qui trouve refuge dans une salle de cinéma. Peu de liens, donc, avec la planète qui nous intéresse, mais un désir de s’extirper de la gravité terrestre.

À ce propos, rappelons que, en 2013, l’astronaute canadien Chris Hatfield avait interprété une chanson de David Bowie alors qu’il était en apesanteur, à l’intérieur de la station spatiale internationale. Il avait fait une reprise de Space Oddity, avec sa guitare acoustique qui était du voyage. Heureusement, Chris Hatfield n’avait pas connu la même fin que Major Tom. La communication avec la tour de contrôle n’avait pas été rompue et il avait pu rejoindre la Terre en toute sécurité.

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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