Critique: OCM – une Carmen revisitée

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Le 8 mars dernier, en cette journée internationale des femmes, l’Orchestre classique de Montréal mettait à l’affiche un opéra du grand répertoire et un personnage que d’aucuns qualifieraient de féministe avant l’heure. Il s’agit bien sûr de Carmen, celle-ci qui est née libre et vivra libre jusqu’à sa mort. Ce personnage féminin, devenue iconique, était incarné ici par Julie Nesrallah. La mezzo-soprano canadienne avait non seulement la voix, mais le physique de l’emploi.

Certes, elle n’est pas apparue aussi flamboyante vocalement que Suzanne Taffot (Micaëla) et Hugo Laporte (Escamillo), mais parmi tous les membres de la distribution, c’est elle qui offrait le meilleur équilibre entre qualités vocales et interprétation. Julie Nesrallah a véritablement habité son rôle, misant sur son expérience de chanteuse et son aisance sur scène pour faire ressortir tout le charme de la bohémienne.

Photo: Brent Callis

À ses côtés, la soprano d’origine camerounaise et le baryton québécois ont volé la vedette en termes de prestation vocale. Toutefois, le lyrisme conquérant de Suzanne Taffot n’avait pas grand-chose à voir avec son personnage d’habitude si timide et réservé. Hugo Laporte, lui, avait une facilité insolente à chanter Escamillo, un rôle pourtant réputé pour sa difficulté et son large registre vocal, mais il manquait à l’interprète le langage corporel et le tempérament de séducteur du Toréador.

Enfin, Ernesto Ramirez a bien tenu le rôle Don José, grâce notamment à son endurance vocale. On regrette néanmoins que le ténor d’origine mexicaine ne se soit pas immergé pleinement dans l’action et l’émotion du personnage, préférant plutôt se focaliser sur la résonance de sa voix.

Photo: Brent Callis

Attachée à une lecture féministe de l’oeuvre, la metteure en scène Eda Holmes a laissé une fin ouverte à l’interprétation du public. Après avoir été poignardée par Don José, Carmen s’est redressée sur son fauteuil et a brandi la carte de la mort qu’elle avait été acquise à l’acte 3. Bien que son destin ait été de mourir aux mains d’un homme, l’esprit de Carmen et sa volonté de ne rien céder continuent de vivre.

Carmen de Bizet. Version abrégée pour 4 chanteurs. Orchestre classique de Montréal; Boris Brott et Evgenii Sakmarov, chefs. https://orchestre.ca

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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