Concert-anniversaire de la SMCQ: une célébration de l’ancienne et de la nouvelle génération

0
Advertisement / Publicité

Les 14 et 15 décembre dernier, la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) soulignait son 55e anniversaire par un concert qui reprenait à l’identique le programme de son tout premier concert, le 15 décembre 1966, hormis une création de Peter Klanac. À l’époque, ce programme jumelait des œuvres de compositeurs réputés de la scène nationale, notamment R. Murray Schafer, Bruce Mather et Serge Garant, au deuxième livre des Structures de Pierre Boulez. C’est par celui-ci que la soirée a d’abord commencé.

Écrite pour deux pianos, l’œuvre du compositeur français est particulièrement difficile à interpréter compte tenu du dialogue qui doit s’établir entre les musiciens malgré le caractère totalement imprévisible de la musique. On ne connaît pas assez la partition et ses réitérations de structures sous-jacentes (de notes, de durées, de timbres, etc.) pour émettre un jugement définitif sur la question, mais les pianistes Pamela Reimer et Francis Perron, pleinement concentrés, se sont répondus adroitement. Comme l’a raconté George Nicholson, animateur de la soirée, ils avaient perçu à travers ces Structures un certain lyrisme, peut-être en raison des quelques arabesques qui surgissent par moments, et ont tenté de le retranscrire dans la mesure du possible.

En termes de lyrisme, le public allait certainement être servi par la deuxième pièce au programme. Composée par Murray Schafer pour mezzo-soprano, ensemble et support électronique, Loving (Toi) offrait un autre visage de la modernité avec sa part d’imprévisible, mais surtout sa part de folie. La chanteuse Marie-Annick Béliveau a époustouflé par son audace et même son courage à chanter autant qu’à jouer un personnage féminin en plein délire. L’ajout d’un support électronique qui tantôt restituait, semble-t-il, les cris de la chanteuse en temps réel, tantôt diffusait une bande préenregistrée, rendait l’imbrication de toutes les voix particulièrement intéressante à écouter.

La création de Klanac intitulée Yerushalayim était l’occasion pour la SMCQ de marquer son engagement en faveur de la relève et non seulement son attachement au répertoire préexistant. Cette œuvre offrait encore un autre visage de la modernité, celui de la musique de transe dans un style proche du minimalisme. Plus accessible, donc, moins austère, ce qui était plutôt bienvenu à ce stade du concert. On a pu ici apprécier les duos de violons de l’ensemble de la SMCQ.

Comme son nom l’indique, Yerushalayim évoque la ville sainte, aujourd’hui en Israël, qui occupe une place fondamentale dans les trois grandes religions monothéistes. La seule chose dont on peut s’étonner, c’est la concomitance entre l’appel à la paix, à la promesse d’origine, et la diffusion audio de l’annonce du vote sur le plan de partage de la Palestine à l’ONU en 1947; un vote qui a clairement divisé les pays chrétiens et musulmans.

La soirée s’est conclue par deux œuvres de compositeurs intimement liés à la SMCQ. D’abord, Bruce Mather, qui nous a fait l’honneur de sa présence parmi le public. Sa Fantaisie pour piano solo, interprétée par Louise-Andrée Baril, nous a plongés dans une sorte de voyage onirique où on aime se perdre à loisir… tout en ayant quelques frayeurs!

Le temps était venu ensuite de rendre hommage à Serge Garant, co-fondateur de la SMCQ, à travers Anerca. Cette œuvre mettant en musique deux poèmes traduit de l’inuktitut à l’anglais n’était pas sans rappeler celle de Boulez et son approche sérielle. L’ensemble de la SMCQ et Sixtrum revenaient sur scène, toujours sous la direction de Jean-Michaël Lavoie dont la battue a été des plus limpides. À la lecture de la note de programme écrite par Serge Garant lui-même, on peut dire que la musique nous est apparue dans toute sa complexité, et ce, malgré les choix plus libres de rythmes et de timbres accordés aux interprètes.

Pour consulter l’ensemble de la programmation à venir, visitez le www.smcq.qc.ca

Partager:

A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.