CMIM 2018: Critique de la première demi-finale « Aria »

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C’était, hier, la première demi-finale du Concours de chant 2018 (CMIM), dans la catégorie Aria. Six chanteurs et chanteuses sont montés sur la scène de la Maison symphonique: la mezzo-soprano Emily D’Angelo, le ténor Andrew Hadji, le ténor Mihail Mihaylov, la soprano Dilyara Idrisova, le baryton Kidon Choi et la basse Jongsoo Yang. Aujourd’hui, place à la seconde demi-finale!

Cette première demi-finale a révélé deux grands chanteurs qui iront très probablement en finale. Deux artistes canadiens, qui plus est. Emily D’Angelo et Andrew Hadji ont, chacun dans leur répertoire, conquis le public. La mezzo-soprano d’origine italienne, âgée seulement de 23 ans, a démontré une maturité vocale, une confiance insolente et un tempérament d’artiste qui la mèneront vers une longue carrière, à n’en pas douter. Elle a débuté sa soirée en légèreté par « Smanie implacabili », extrait de Cosi fan tutte de Mozart. Dans « Dopo notte, atra e funesta » de Händel, on a pu admirer ses coloratures d’une précision chirurgicale. Comme pièce de résistance, elle a osé présenter trois lieder extraits du cycle Sieben fruhe Lieder de Berg, œuvre post-romantique qui impose une voix large et un souffle à toute épreuve. C’est aussi par ce répertoire que se sont fait connaître de grandes chanteuses comme Jessye Norman et Renée Fleming. Emily D’Angelo est de cette trempe-là. Sa voix planait sans difficulté au-dessus l’Orchestre symphonique de Montréal, sous la direction du chef invité Graeme Jenkins.

Sur les six chanteurs, elle est la seule, avec Andrew Hadji, dont la voix pouvait remplir une salle comme la Maison symphonique. Le ténor canadien a interprété un programme chargé de 4 airs, des classiques du répertoire : « De’ miei bollenti spiriti » de La Traviata de Verdi, « Je crois entendre encore » des Pêcheurs de perles de Bizet, « Dies Bildnis ist bezaubernd schön » de La Flûte enchantée de Mozart et, enfin, « En fermant les yeux » de Manon de Massenet. On a retrouvé chez lui ce que nous avions déjà observé dans les série préliminaires : une grande sensibilité artistique et une communication riche avec le public. Hadji s’est particulièrement illustré dans la romance de Nadir, techniquement difficile et parfaitement réalisé par le ténor. On imagine très bien Hadji dans ce type de répertoire. Alors qu’il semblait avoir une voix assez petite dans la salle Bourgie, Hadji a fait très bien résonner son instrument dans cette grande salle.Et pourtant, avec la même douceur.

D’autres, au contraire, semblaient avoir une voix puissante dans la salle Bourgie, mais, à la Maison symphonique, la même voix se faisait enterrer par l’Orchestre. C’est le cas de Jongsoo Yang, qui est passé malheureusement à côté de sa demi-finale. Il a même faussé à quelques endroits dans « The people that walked in darkness », extrait du Messie de Händel. C’est, plus encore, le manque de justesse dans certains airs, notamment dans « Pieta, rispetto, onore » de Verdi, qui disqualifie malheureusement à nos yeux le baryton coréen Kidon Choi. Le Bulgare Mihail Myhaylov a un beau timbre de ténor lyrique, mais sa technique n’est pas assez solide pour lui permettre de passer tout un récital – ou toute une production d’opéra – sans encombre.

Terminons en évoquant la soprano russe, première candidate de la soirée. Dilyara Idrisova a une bonne technique et une grande agilité vocale, mais sa voix ne parvenait pas au delà de la troisième rangée. C’est surtout le manque de préparation de l’OSM qui nous a interloqué ici. Un manquement qui a clairement hypothéqué les chances de la candidate. Les musiciens de l’orchestre ont semblé débordés, notamment dans l’air « Zerfliesse, mein Herze » de la Passion selon Saint-Jean de Bach.

Prédictions:

D’Angelo et Hadji seront les deux seuls de cette demi-finale à accéder à la prochaine et dernière épreuve de la compétition. On devrait donc trouver, parmi les six autres candidats à s’élancer ce soir, les quatre chanteurs qui les suivront jusqu’en finale.

Seconde demi-finale « Aria » du Concours:

Ce soir, mardi 5 juin à 19h30, le Concours musicale international de Montréal se poursuit avec l’entrée en lice des six autres demi-finalistes. Les voici par ordre d’apparition :

Konstantin Lee (Corée du Sud), ténor
Petr Nekoranec (République tchèque), ténor
John Brancy (États-Unis), baryton
Rihab Chaieb (Canada-Tunisie), mezzo-soprano
Mario Bahg (Corée du Sud), ténor
Mikhail Golovushkin (Russie), basse

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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