Émilie Monnet: Bâtir des ponts

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La culture autochtone actuelle est florissante à Montréal, et la production théâtrale n’y fait pas exception. Parmi les artistes qui participent à ce mouvement de renouveau culturel, la performeuse et comédienne Émilie Monnet tient un rôle de premier plan. Sa pratique artistique contribue au rapprochement des artistes de différentes nations, provoque des rencontres et contribue à faire découvrir la richesse des arts d’ici et d’ailleurs. Selon elle, l’avenir de l’art autochtone est prometteur « parce que Montréal est en train de devenir une plaque tournante en ce domaine », créant un pôle d’attraction pour les artistes de tous horizons.

En 2011, Émilie Monnet a fondé les Productions Onishka dans le but de produire des œuvres réalisées par des artistes issus des peuples autochtones du monde entier et pratiquant différentes disciplines. Elle en assume la direction artistique depuis. « L’un des mandats d’Onishka est de changer les mentalités, de remettre en question des modèles, de proposer des espaces qui permettent les collaborations, parfois inusitées, de créer des communautés. » Dans le même esprit, elle a fondé en 2016 Scène contemporaine autochtone (SCA), une plateforme de diffusion de spectacles, de performances et d’installations. Du 26 au 31 mai, dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), les Rencontres de créateurs autochtones ont réuni vingt créateurs autochtones du Québec et de l’Ontario, anglophones et francophones, pour réfléchir à la question de la représentation et de l’autoreprésentation et aborder les enjeux auxquels font face les créateurs autochtones. Au terme de cette semaine, la SCA a tenu les 1er et 2 juin 2018 un ensemble d’événements performatifs (performance, table ronde) dont l’artiste maorie Victoria Hunt a assuré la chorégraphie. « En Australie, ils ont une longueur d’avance sur nous. Il y a une plus grande conscientisation, plus de ressources, plus de reconnaissance, plus d’espaces de diffusion pour les artistes autochtones », constate Émilie Monnet.

Née d’une mère anishnabée et d’un père français, elle a fait la navette toute sa vie entre et la Bretagne. Émilie Monnet possède, selon ses propres mots, « une identité double », et elle a l’habitude de jeter des ponts; au-dessus de l’océan, entre les cultures, entre les communautés autochtones du monde entier. L’engagement artistique d’Émilie Monnet s’inspire de nombreuses années d’activisme auprès d’organisations autochtones au Canada et en Amérique Latine : « L’art est une continuité du travail que j’ai accompli avec les femmes à travers les Amériques », affirme Émilie Monnet. Elle ne se considère pas pour autant comme une ambassadrice de l’art ou de la culture autochtones, encore moins comme une défenseure des droits des Autochtones : « Avant tout, je suis une artiste, je partage mon point de vue personnel sur les questions qui me touchent, le monde qui m’entoure, et j’essaie de créer des espaces de conversation pour se rencontrer, s’inspirer les uns les autres, créer ensemble, offrir d’autres modèles d’être, de créer ». L’artiste confie qu’elle fait de l’art au premier chef pour contribuer à changer les perceptions de la société par rapport à la culture autochtone, mais aussi pour interroger l’histoire et ses conséquences sur le présent et le futur des Premières Nations.

Selon Émilie Monnet, il n’y a pas de réel phénomène de résurgence de l’art autochtone, seulement une plus grande visibilité des productions artistiques et une plus grande réceptivité de la part du public. « Il y avait un mouvement de résurgence de la culture autochtone dans les années 1980, après la crise d’Oka, c’est intéressant de voir que l’histoire se répète cycliquement, il y a souvent des étincelles, on a l’impression qu’il y a en ce moment une explosion de l’art, mais les artistes autochtones ont toujours été créatifs et actifs, il y a simplement plus d’occasions actuellement pour que leur travail soit vu, étudié par le public, plus d’accessibilité, des nouvelles technologies pour que les voix autochtones soient entendues. » Aux yeux d’Émilie Monnet, la reconnaissance de l’art autochtone doit venir du public, mais ce n’est pas un rôle passif : « Le public doit s’engager dans le processus, s’éduquer, venir aux activités, lire, assister à des conférences. »

Émilie Monnet a décroché une résidence d’artiste de deux ans au Centre du théâtre d’Aujourd’hui. Cette résidence signifie qu’elle peut utiliser la salle et les équipements et qu’elle doit présenter deux spectacles en trois ans. « C’est un espace physique où je peux travailler, créer tous les éléments d’un spectacle, parce que ma pratique est interdisciplinaire. » Cette collaboration avec le théâtre d’Aujourd’hui s’amorce avec une pièce écrite, jouée et mise en scène par Émilie Monnet, intitulée Okinum. Ce spectacle intègre le son et la vidéo à la dramaturgie, mais aussi le conte traditionnel et la symbolique des rêves. « C’est un spectacle inspiré par mon arrière-arrière-grand-mère et par la transmission d’une génération à l’autre, entre femmes. Parallèlement, c’est l’histoire d’un rêve récurrent de castor que j’ai fait trois fois et que j’essaie de déchiffrer. Ça parle de transmission, d’hérédité et d’identité. » L’artiste puise ainsi dans son bagage culturel et spirituel pour redonner une voix aux femmes autochtones, trop souvent absentes des livres d’histoire. En utilisant aussi bien les nouvelles technologies que la mémoire des ancêtres, Émilie Monnet offre une vision du monde toute personnelle et témoigne de la place des artistes autochtones dans celui-ci.

Okinum, Centre du théâtre d’Aujourd’hui, Salle Jean-Claude-Germain, Du 2 au 20 octobre 2018
www.onishka.org

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