Looking at the stars : Inspirer les détenus canadiens grâce à la musique classique

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Je ne suis pas différent des autres, sauf que je le suis », sourit Dmitri Kanovich en sirotant son café sur King Street East, à Toronto.

Dmitri Kanovich, fondateur et PDG

D’une certaine façon, il est remarquable : en 2015, il a créé Looking at the Stars, un organisme de bienfaisance qui organise des concerts de musique classique dans les établissements de détention à travers l’Ontario.

Originaire de la Lituanie, Kanovich a immigré au Canada en 1983 en tant que réfugié, emmenant avec lui ses deux enfants. Il n’avait que 300 $ en poche.

Son éthique de travail l’accompagnait, cependant. Après avoir exercé des petits boulots pour une courte période de temps, il a été embauché par le propriétaire d’une petite compagnie d’informatique, homme « compatissant » qu’il avait rencontré à sa synagogue.

Kanovich a utilisé ses deux maîtrises (en économie et en mathématiques) pour se construire une carrière fructueuse de programmeur et d’expert informatique, s’élevant jusqu’à un poste de cadre. À un certain moment, il a été dirigeant principal de l’information d’une des branches de Nortel. « Je suis parti de rien et j’ai avancé rapidement », dit-il en souriant.

En 1997, il quitte les États-Unis pour parcourir le monde. Il revient au Canada en 2014. « Après avoir autant voyagé, ma conviction que le Canada est le meilleur pays au monde a été confirmée, affirme-t-il. J’ai gagné de l’argent et je savais que la prochaine étape était de redonner à la communauté. »

Découragé par ce qu’il décrit comme une épidémie mondiale de cruauté, de colère, d’hostilité et d’isolement, Kanovich voulait trouver une façon de combattre l’indifférence qu’il voyait partout à travers le monde. « La façon de le faire passait par la musique, dit-il. C’est ce qui m’a poussé à lancer l’organisme. »

Convaincu personnellement du pouvoir inspirant de la musique, Kanovich a été perturbé d’apprendre que celle-ci n’est plus une priorité dans les écoles publiques. Les élèves peuvent obtenir leur diplôme sans savoir qui est Mozart.

En pensant à sa propre vie, il a eu l’idée d’apporter la musique aux gens, au lieu de l’inverse. « Je ne suis pas différent d’eux, affirme-t-il en parlant des détenus qui assistent aux concerts. Si j’avais fait des choix différents, j’aurais pu me trouver à leur place. »

Kanovich a décidé de « joindre le geste à la parole ». Il a acheté un piano à queue pour le premier concert dans la prison de Bath, en Ontario. « Un pianiste de renommée internationale était présent, Lukas Geniušas, un des meilleurs au monde, vraiment, et il portait un complet, ce que les détenus ont adoré. »

Kanovich a été surpris par la réaction du public sur certains points. « Un homme a demandé : “Pourquoi porte-t-il un complet ?” J’ai répondu : “Pourquoi pas ? Ne le méritez-vous pas ?” »

À partir de ce moment-là, Kanovich a ressenti des affinités avec les prisonniers assistant aux spectacles. « Je me sens à l’aise en prison parce qu’ils écoutent, là-bas. Ils apprécient ce que nous faisons. Ils apprécient que nous ne les abandonnions pas. »

Un des avantages d’une initiative comme celle-ci est qu’elle offre aux détenus la possibilité de donner leurs commentaires sur l’événement. Leurs réactions ont été extrêmement positives.

Le projet les touche tous, qu’ils aient de l’expérience en musique classique ou qu’ils y aient été très peu exposés. « Pour la durée du spectacle, la musique m’a permis d’oublier les effets de l’environnement de la prison et a soulagé certaines des tensions qu’engendre ce genre d’environnement, écrit un des spectateurs. Elle m’a donné l’occasion de relaxer mon esprit. »

« Le spectacle en entier était ma partie préférée, écrit un autre détenu qui est en prison depuis plus que huit ans. Je suis sûr que vous comprenez quand je dis que je me sens perdu et oublié. »

Un autre prisonnier s’exprime lui aussi positivement sur cette première à Bath : « Le pouvoir de la musique est sans limites. Je ferme mes yeux et je sens mon cœur qui commence à battre de plus en plus fort, remplissant ma poitrine de vibrations que j’avais perdues avec le temps, allumant ainsi ce feu dont j’ai besoin pour continuer à vivre. »

Kanovich affirme : « Ils se sentent abandonnés. Je veux leur apporter de l’amour. Ils le méritent toujours. »

Le feu dans les yeux de Kanovich brille plus fort quand il décrit sa lecture du classique de Victor Hugo, Les Misérables, après l’âge de 50 ans : « Avant, je le lisais comme un livre d’aventures, mais, en fait, c’est un livre philosophique. » Selon lui, il s’agit d’un témoignage qui nous enseigne à donner et à ne pas juger.

En fin de compte, Kanovich aimerait que Looking at the Stars devienne un projet mené par le Canada mondialement dans les établissements pénitentiaires. Avec l’ancien premier ministre Bob Rae, qui est président de l’organisme, Kanovich travaille avec acharnement en collaboration avec les prisons, les artistes, les agents, les fournisseurs de pianos ainsi que tant d’autres afin d’assurer que les détenus assistent à un spectacle de première qualité.

Bien sûr, il y a les dépenses. Kanovich accepte le fardeau financier sans problème, mais il comprend le besoin pour un organisme de diversifier ses sources de revenu. En tant qu’organisme de bienfaisance enregistré, Looking at the Stars produit maintenant de 10 à 12 concerts par année en Ontario et il est en voie de devenir actif au Québec.

« Nous voulons continuer de grandir », dit-il. L’organisme a lancé une campagne de financement communautaire pour son prochain événement en avril.

« J’ai toujours été du genre à aller à contre-courant, affirme Kanovich. Comment puis-je rendre le monde meilleur ? Je voulais faire quelque chose d’inhabituel. Le monde doit réaliser que cette initiative nous est bénéfique à tous. C’est ce que nous devrions tous faire. »

Pour de plus amples renseignements, visitez www.lookingatthestars.org.

Pour faire un don à la campagne de financement communautaire, visitez www.gofundme.com/inspire-bath-inmates

Traduction par Stefania Neagu

 

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