Hommage à Maurice Forget

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Monsieur Maurice Forget est décédé le 3 mai 2018. Le 14 novembre dernier, le Conseil des arts de Montréal lui a rendu un vibrant hommage. Voici des extraits du discours de madame Danielle Sauvage, dont il a été un proche et fidèle collaborateur.

Jan-Frydryck, Nathalie, chers membres du Conseil, chers amis, bonsoir.
Lorsqu’on m’a demandé de prendre la parole dans le cadre de l’hommage rendu ce soir à Maurice Forget, j’ai accepté d’emblée. C’est pour moi l’occasion de vous parler d’un homme exceptionnel, avec lequel j’ai travaillé en étroite collaboration pendant plus de 4 ans au Conseil des arts de Montréal. C’est en effet Maurice Forget qui m’a recrutée en 2002 pour diriger le Conseil, dont il était le président depuis 1999.

Nous nous étions rencontrés dans les années 1980, dans le cadre de mes activités au Musée des beaux-arts de Montréal – où il ne manquait jamais nos vernissages et nos événements spéciaux. Connu surtout comme collectionneur et donateur, il était un ami proche de tous les musées, mais particulièrement du Musée des arts décoratifs, du Musée Stewart, du Musée de Joliette auquel il avait offert une partie de sa collection, et du Musée d’art contemporain de Montréal. C’était un personnage imposant, qui ne passait pas inaperçu. Son sens de la répartie, son humour décapant, sa langue fluide et élégante, en français comme en anglais, en faisaient quelqu’un d’impressionnant. Pour tout dire, il m’intimidait.

Mais en travaillant à ses côtés au Conseil, j’ai eu l’occasion de mieux le connaître. J’ai découvert alors une personne déterminée, courageuse, qui n’avait pas la langue de bois et qui allait toujours au bout de ses idées. Une personne sensible aussi, avec une grande ouverture d’esprit et de coeur.

Il aura marqué le développement du Conseil des arts de Montréal de plusieurs façons. D’abord par son travail acharné pour obtenir l’autonomie juridique du Conseil, au début des années 2000, une bataille qu’il a menée pendant plusieurs années auprès des autorités provinciales et municipales – farouchement, mais toujours avec tact et diplomatie. Ses compétences juridiques ont été mises à l’épreuve, mais avec l’autonomie juridique sont venus de nombreux changements dans le fonctionnement du Conseil, changements qu’il a pilotés avec discernement.

Louise Roy, présidente du Conseil des Arts de Montréal; Maurice Forget, Fasken Martineau (lauréat dans la catégorie Personnalité Arts-Affaires); Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce de Montréal Métropolitain. Photo : Christine Bourgier

Un autre dossier a été le resserrement des liens arts-affaires. Premier président du CAM issu du monde des affaires, il était passionné par les relations entre les arts et la culture. Il entendait bien faire partager cette passion au plus grand nombre de gens d’affaires possible. C’est dans ce but qu’il a convaincu la Chambre de commerce du Montréal métropolitain de faire renaître les prix Arts-Affaires de Montréal, qui reconnaissaient l’apport des grandes, moyennes et petites entreprises au développement des organismes artistiques montréalais. De même, il veillait toujours à ce que des représentants du milieu des affaires et du monde de l’éducation siègent au jury du grand prix du Conseil.

Le dossier où sa contribution a été la plus remarquable est sans contredit celui de l’inclusion de ce qu’on appelait alors « les communautés culturelles ». Dès mon arrivée au Conseil, Maurice avait été clair : « Le Conseil, me dit-il, doit s’ouvrir aux artistes de la diversité et aux différentes formes d’expression artistique. Quand est-ce que le CAM va se décider à subventionner un ensemble de musique gamelan ? » Nous étions bien loin de réaliser ce rêve ! Rappelons-nous qu’à cette époque, pourtant pas si lointaine, les musiques du monde étaient interdites de séjour dans les conseils des arts.

Sous l’impulsion de Maurice, le CAM a mis en place un comité consultatif et organisé en 2004, au Centre Saidye Bronfman, une « Journée de la diversité » qui réunissait des artistes et organismes de toutes disciplines. Après cette journée de discussions animées, le mouvement, irréversible, était lancé. Quelques mois plus tard, le Conseil lançait sa Politique de développement de la diversité culturelle dans les arts. C’est ainsi qu’est né en 2006 Diversité artistique Montréal (DAM), qui œuvre depuis à promouvoir la diversité artistique. Et, croyez-le ou non, quelques années plus tard, le CAM accordait une première subvention à un ensemble gamelan ! Encore une fois, la détermination, le sens de la justice et l’ouverture d’esprit de Maurice avaient triomphé !

Ces qualités, Maurice les a également mises au service des nombreux organismes où il s’est impliqué au fil des ans : Héritage Montréal, le Centre international d’art contemporain, la Fonderie Darling, la Galerie Stewart Hall et plus récemment la Fondation Guido Molinari, tous ont bénéficié de ses conseils et de sa bienveillante attention. Maurice a aussi été un conseiller précieux pour des organismes comme le Théâtre Porte-Parole, le Centre Segal, Metropolis Bleu ou Linda Leith Éditions. Plusieurs de ces organismes, comme on le voit, étaient dirigés par des anglophones – et ce n’est pas un hasard s’il s’y intéressait particulièrement, toujours soucieux d’accorder aux « anglos » leur juste part. Cet attachement, il faut le dire, venait aussi du fait que sa mère étant Américaine, la langue maternelle de Maurice était l’anglais.

J’ai eu moi-même l’occasion de profiter de la grande générosité de Maurice Forget. Quand je suis arrivée aux 7 doigts de la main il y a trois ans, pour aider le collectif à faire du financement privé, je me suis tournée instinctivement vers Maurice et je lui ai demandé de m’aider à mettre en place les infrastructures nécessaires. Il fallait créer une fondation, obtenir des lettres patentes, rédiger des règlements et ainsi de suite pour enfin obtenir le statut d’organisme de bienfaisance. Maurice, inlassablement, m’encourageait et me dictait quoi répondre – tout cela pro bono, évidemment. Quand la réponse positive est finalement venue, il m’a soufflé simplement : « Je vous l’avais dit de ne pas vous inquiéter. »

Sur le plan humain, on pourrait parler pendant des heures des grandes qualités de Maurice. Je serai brève : sa fidélité, sa loyauté envers ses amis, sa grande affabilité et cette sensibilité à fleur de peau qu’il cachait sous des airs bourrus, et surtout son incroyable sens de l’humour. J’ai eu tellement de plaisir avec Maurice : nos rencontres de travail étaient souvent émaillées de fous rires. Mais je suis aussi consciente que ce même sens de l’humour pouvait en désarçonner plus d’un. Les membres du Conseil et les employés en faisaient parfois les frais, et il m’arrivait de devoir réparer les pots cassés. C’était l’envers de la médaille…

Ne chipotons pas pour si peu : Maurice Forget a été un président de CA extraordinaire. Et j’ai été une directrice générale comblée : il m’a accompagnée et encouragée, laissant libre cours à mes initiatives les plus audacieuses en les balisant de ses conseils judicieux. Il était un président de Conseil qui faisait arriver les choses et qui s’engageait à fond, ce dont rêvent toutes les institutions culturelles !

Merci, Maurice, de cette contribution exceptionnelle au développement des arts et de la culture à Montréal. Et merci d’avoir été un ami aussi fidèle.

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