Festival Classica: L’homme qui rit, opéra d’Airat Ichmouratov et Bertrand Laverdure

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En 2019, le compositeur russo-canadien Airat Ichmouratov a fait équipe avec le poète, écrivain et librettiste Bertrand Laverdure pour donner vie au roman favori de sa jeunesse, L’Homme qui rit, le récit intemporel du légendaire écrivain Victor Hugo. Pour les deux hommes, il s’agit de leur première incursion dans la composition d’opéra et, pour Ichmouratov, son 75e opus.

L’amour et la sensibilité épique d’Ichmouratov pour le roman commencent à ses 16 ans, lorsque son frère le lui offre. « J’ai été immédiatement captivé par l’histoire d’amour et de trahison », raconte Ichmouratov. « Travailler sur un roman inadaptable de 800 pages de Victor Hugo? J’ai dit oui sans réfléchir, ajoute pince sans rire, Laverdure», ajoute Laverdure.

Le rôle de Marc Boucher

Le fondateur du Festival Classica et du Nouvel Opéra Métropolitain, le baryton Marc Boucher, qui incarnera Ursus dans la production, connaissait depuis longtemps l’intérêt d’Ichmouratov pour l’Homme qui rit. Il n’a pas tardé à réunir les deux hommes et, en fin de parcours, à les accompagner en tant que prosodiste afin de réaliser cette œuvre opératique impeccablement française. Il s’agira d’une version concert sous la direction d’Airat Ichmouratov avec une distribution réunissant les plus grandes vedettes québécoises.

Une fraternité toute musicale

Ichmouratov et Laverdure, célébrant ce baptême musical de massive envergure, sont tout sourires quant à leur relation créative durant ce processus qui, mentionnons-le, a eu lieu au cœur de la pandémie. Ils ont travaillé d’arrache-pied du matin au soir, mais toujours dans le respect, la bénévolence et l’espoir. Ichmouratov raconte comment il a parfois eu l’impression que le compositeur devait s’efforcer de suivre le texte, mais la relation entre compositeur et librettiste était toutefois excellente.

Laverdure a mis une année entière à enquêter sur la vie de Victor Hugo afin de pouvoir cristalliser la trame dramatique de l’œuvre de 1869. Le grand écrivain français signait son roman le plus shakespearien et gothique : « Si l’on demande à l’auteur pourquoi il a écrit L’Homme qui rit, il répondra que philosophe, il a voulu affirmer l’âme et la conscience, qu’historien, il a voulu révéler des faits monarchiques peu connus et renseigner la démocratie, et que, poète, il a voulu faire un drame… »

Pour eux, les heures ne comptaient plus, aussi bien dire que les horloges étaient devenues invisibles pour les alliés qui ne se sont jamais laissé entraver par une question d’ego. Ils avouent toujours avoir été sur la même longueur d’onde tout au cours de cette inspirante aventure dynamique, fervente et fertile. « C’était Noël toutes les deux semaines », confie le poète en riant face à l’effort créatif qui a permis la fusion de leurs talents farouches.

Le premier livret a été présenté à l’été 2021 et le verdict est fort satisfaisant : 90 % des rôles ont déjà été décidés parmi l’ensemble des personnages à travers lesquels les virtuoses souhaitaient non seulement rendre l’essence du roman aux spectateurs, mais également créer pour chacun un « moment de gloire » qui s’imprimerait dans les mémoires, et ce, du grand public aux spécialistes du métier.

Le cœur de l’œuvre

Ici, Ichmouratov et Laverdure ont dû retourner à leurs racines pour rapprocher le laid et le sublime. Le compositeur montre sa dévotion éternelle pour Beethoven, Mahler, Strauss et Puccini, quoiqu’il cite surtout Tosca à son nouveau librettiste comme fontaine à laquelle s’abreuver. Mais le maestro sait tirer les cordes de son arc, créant des pièces modernes entraînantes tel Le Mythe du faucon et romancées telle Lettre à une femme inconnue.

Comme chef d’orchestre, Ichmouratov, en 2011, travaille à l’opéra académique de l’État du Tatarstan et est invité par la suite à diriger Turandot de Puccini et Rigoletto de Verdi. Ces expériences lui confient un rythme pour la mise en scène, les airs, les décors, les points culminants et les arias.

Laverdure se penche sur les vies fort intéressantes des librettistes qui, malgré leurs efforts, tombaient souvent dans l’oubli. Avec un tel trio à la barre du navire qu’est l’Homme qui rit, nul spécialiste n’oubliera le librettiste si la pièce tient ses promesses.

Mais la vérité est toujours façonnée dans la réalité. Ichmouratov, qui aura 50 ans cette année, explique sans filtre ses durs débuts à son arrivée au Canada, il y a 25 ans, lors de quatre années à passer de longues heures à jouer de la musique dans la rue. Le familier le rattrape et ses expériences le rapprochent des musiciens saltimbanques du roman qu’il chérit tant.

Ce qui est assuré, c’est que tant de connexions, de symbolisme, de cœur et de talent ne sauraient laisser les spectateurs sur leur faim. Parfois, il suffit d’un partenariat qui dépasse nos attentes pour faire avancer l’art. Nul doute que les bravades de L’Homme qui rit sauront nous rendre fébriles à la rencontre de Gwynplaine, le héros défiguré délaissé à se battre contre les hargnes de la nature, voltigeant du cirque à la politique après avoir été sauvé par Ursus et Homo dans leur roulotte. L’enfant mutilé devient un homme entretenant une relation aussi profonde que chaste avec la belle et aveugle Déa, qui ne voit que la beauté de son âme. Débats, jalousie politique et manipulateurs tels que Barkilphedro qui retrouvent l’identité des enfants abandonnés pour être vendus et mutilés… Toute cette gravité poignante ne saurait être que des notes remplaçant les battements de nos cœurs. « Nos imaginaires sont concomitants afin de plaire au public autant qu’aux spécialistes », précise Laverdure. 

Vers le futur

Ichmouratov et Laverdure n’ont pas fini de collaborer. Boucher a d’ores et déjà commandé un second opéra basé sur Honoré de Balzac.

Airat Ichmouratov explique ensuite deux photos, la couverture fantasmagorique d’abord (le livret paraîtra en mai chez Dramaturges Éditeurs) ainsi qu’un portrait sur lequel on voit son visage affublé d’un long sourire scarifié à la manière de l’acteur Heath Ledger, lequel a reçu un Oscar posthume pour son rôle dans Le Chevalier noir de Christopher Nolan. Le compositeur partage sa relation avec des personnages fictifs proches de Gwynplaine pour l’aider à stimuler sa créativité, le personnage d’Hugo ayant bel et bien servi de base pour la création du Joker. Notons également que le livret contiendra également des interviews supplémentaires avec le compositeur et Marc Boucher, de quoi susciter l’intérêt du livret de l’opéra.

L’Homme qui rit, Nouvel Opéra Métropolitain, fera ses débuts le 31 mai 2023 à 19 h à la salle Claude-Champagne. La distribution inclut Hugo Laporte dans le rôle principal de Gwynplaine, Marc Boucher dans le rôle d’Ursus, Jean-François Lapointe dans celui du méchant Barkilphedro, Florence Bourget dans celui de la Duchesse Josianne, Antonio Figueroa dans celui de Lord David, alors que Sophie Naubert sera Fibi et Magali Simard-Galdès, Déa. Orchestre du Festival Classica. Chef d’orchestre : Airat Ichmouratov

www.festivalclassica.ca

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