Valérie Milot : Au-delà de la harpe

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Valérie Milot se définit comme musicienne avant de se définir comme harpiste. À 31 ans, elle n’en est pas moins l’ambassadrice de la harpe la plus active et la plus visible que le Québec ait connue dans l’histoire récente. Elle est la soliste en ­résidence de l’Orchestre Métropolitain pour la saison 2016–2017.

Chez les Milot, on aimait la musique. On en jouait même en famille.

« Mon père était un grand amateur de musique classique, dit-elle. Il joue de ­plusieurs instruments, dont la guitare ­classique. Nous, ses trois enfants, avons suivi des cours d’initiation à la musique avant même d’aller à l’école. Ça faisait partie de notre vie familiale, nous faisions du quatuor de flûte à bec ensemble. Pour mon père, qui est chirurgien et qui travaille énormément, c’était un moyen de passer du temps avec nous et de se détendre. C’était un moment privilégié que j’avais avec ma famille et, en plus, ­j’allais dans une école où il y avait une concentration en musique. »

Après quelques années de piano, vers dix ans, elle a eu envie d’essayer un nouvel ­instrument.

« Nous allions à l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, en famille, et chaque année, nous allions voir Casse-Noisette à Montréal. J’avais donc déjà vu et entendu la harpe. J’ai demandé à mes parents si je pouvais essayer cet instrument. Mon père est un grand amoureux de Mozart et l’une de ses œuvres ­préférées est le Concerto pour flûte et harpe. Il était donc assez favorable à l’idée. Nous sommes allés à un concert de harpe ensemble et cela a confirmé mon intérêt. »

Au départ, l’image très romantique de la harpe attirait la petite fille qu’elle était. Cette perception a changé lorsqu’elle est devenue une harpiste accomplie.

Valérie Milot, Photo: Alain Lefort

Valérie Milot, Photo: Alain Lefort

« Ma relation avec l’instrument a changé. J’ai eu comme professeure Caroline Lizotte, une personne très originale qui ose faire toutes sortes de choses avec son instrument. Cela m’a beaucoup parlé. Au départ, quand on choisit la harpe, on aime l’originalité. En me développant comme musicienne, j’ai voulu montrer ce que représentait la harpe pour moi. En vieillissant, c’était davantage la force de l’instrument qui m’interpellait. J’aimais détruire les clichés associés à la harpe. Ce qui m’avait attiré, au départ, n’était donc plus ce que je voulais défendre. »

Elle s’est beaucoup consacrée à explorer le répertoire solo de son instrument.

« C’est de cette façon que j’ai pu aller ­chercher des sonorités qui me plaisaient, dit-elle. Je considère qu’il faut plusieurs années avant d’acquérir une véritable aisance avec la harpe. J’ai toujours senti que c’était un ­instrument qui me permettait d’être très proche, très fusionnelle avec lui. J’apprécie ce côté intime. Plus je joue en solo et en musique de chambre, plus je fais connaître la harpe et plus je jouis d’une certaine visibilité, comme artiste, et plus j’ai l’impression d’accomplir une mission. Si je peux donner le goût à des jeunes d’essayer la harpe, j’en serais très ­heureuse. »­

Il est vrai que les orchestres, au Québec, ­inscrivent rarement des concertos de harpe à leur programme. « Lorsqu’ils le font, ce n’est pas plus d’une fois par saison, et ils le font rarement deux ans de suite. »

La saison 2016–2017 fera cependant exception : en effet, l’Orchestre Métropolitain a ­programmé deux concertos pour harpe dans sa saison, soit celui de Glière et celui de Nino Rota, des œuvres rarement entendues à Montréal. ­

« La harpe n’est pas vouée à une grande ­visibilité. Avec le temps, j’ai commencé à me voir plus comme une musicienne que comme une harpiste. Quel que soit l’instrument dont on joue, je pense qu’il faut arriver à dépasser cet instrument et développer sa propre ­personnalité. Il ne faut pas se définir uniquement par son instrument », dit Valérie Milot.

Cette collaboration avec l’OM marquera certainement un pas important dans sa ­carrière. « Je suis très contente d’avoir ­l’occasion de jouer avec Yannick Nézet-Séguin. C’est un chef que je trouve incroyable à regarder et à écouter, parce qu’il y a une forme d’absolu qui se dégage de lui. Il y a des artistes dont on sent la présence dès qu’ils arrivent sur scène. Au-delà des qualités ­musicales, c’est ce qui me touche en premier lieu. Je rêvais depuis longtemps de jouer avec lui. Quand on m’a appelée pour m’offrir d’être artiste en résidence, j’ai été très touchée, et ça représente une occasion de plus de faire connaître la harpe. »

Pendant une partie du concert Orbis, Valérie Milot jouait sur une plateforme illuminée, sous un dôme où étaient projetés des images et des éclairages, Photo: Amélie Fortin

Pendant une partie du concert Orbis, Valérie Milot jouait sur une plateforme illuminée, sous un dôme où étaient projetés des images et des éclairages, Photo: Amélie Fortin

Orbis et l’innovation

Depuis 2009, la musicienne a enregistré sept albums sous étiquette Analekta, ce qui lui a permis de toucher à un répertoire très varié, incluant de la musique de Noël et de la musique populaire avec un album en ­hommage au duo Simon & Garfunkel.

Son dernier album, Orbis, plonge dans l’univers des compositeurs vivants, comme Steve Reich et le Canadien Marjan Mozetich, ou décédés récemment, comme Frank Zappa. On y trouve même une pièce du groupe de rock progressif Gentle Giant. Le projet Orbis, c’est aussi un spectacle immersif multimédia au concept avant-gardiste, dont la première mouture a été présentée à Montréal en mai dernier. Pendant une partie du spectacle, la musicienne jouait sous un dôme, avec des ­capteurs de mouvements reliés à ses bras et à son instrument. Des images changeant au fil ­des mouvements et de la musique étaient ­projetées sur le dôme. Elle était accompagnée de bandes sonores.

Pour mettre sur pied ce projet innovateur, elle a fait appel à des spécialistes montréalais des arts numériques : l’Atelier Vert-glacis, Timecode Lab, le metteur en scène Thomas Pintal et la boîte de production Figure 55, à qui l’on doit notamment le film musical Harmonielehre, avec l’Orchestre symphonique de Montréal, qui a été présenté à la Société des arts technologiques en 2014.

« Le concept du spectacle Orbis est né dans ma tête avant le projet d’album, dit-elle. Je tiens à la tradition de la musique classique, mais je voulais avoir, dans mes projets ­musicaux, un concert où je pourrais aller le plus loin possible. Au-delà de la musique ­classique, j’ai toujours été attirée par l’aspect très visuel de certains spectacles, par exemple avec Robert Lepage ou Peter Gabriel. C’est quelque chose que l’on voit rarement en musique classique. Je me disais qu’on ­pourrait l’exploiter en concert dans un contexte pertinent. C’est pour ça que j’ai choisi un répertoire actuel pour Orbis. C’est plus cohérent. Mon idée était de créer une ­atmosphère où tout peut se construire ou déconstruire autour de la harpe. »

Orbis, Photo: Amélie Fortin

Orbis, Photo: Amélie Fortin

La première représentation d’Orbis, à Montréal, aura servi de laboratoire.

« Ces technologies sont nouvelles pour moi. Cela nous a permis de tester les réactions du public. Au cours de la prochaine année, nous allons retravailler le spectacle. Il y aura des changements majeurs, mais l’idée de base restera la même. En réécoutant l’enregistrement, j’ai une idée de plus en plus claire de ce que je veux : de le rendre encore plus immersif. Le spectacle dure une heure. Je veux que les gens se sentent pris par la main dès le début et se rendent à la fin en ayant l’impression qu’ils n’ont pas vu le temps passer. Ce projet exige beaucoup de mon temps, mais je suis très motivée. La tournée commencera en juin 2017. »

Pour financer son projet, la musicienne a mis sur pied une campagne de sociofinancement sur la plateforme Indiegogo et récolté un peu plus de 10 000 $, ce qui ne représente qu’une petite partie du budget du spectacle, qui partira en tournée québécoise en 2017.

« Orbis est aussi le fruit d’une réflexion que j’ai faite avec mon agent international. Il n’est pas facile de vendre une harpiste soliste. Nous avons pensé qu’il serait pertinent d’imaginer un véhicule, un prétexte pour faire parler de moi et ouvrir de nouvelles avenues. Cette mise en scène pique beaucoup la curiosité. Avec ce spectacle, j’offre une sorte de redéfinition du concert classique qui pourrait m’ouvrir des portes pour la suite. »


Concerts à venir­

  • 13 novembre, 14 h : Concertos pour harpe avec les ­Violons du Roy, salle Michel-Côté, Alma
  • 20 novembre, 15 h 30 : Concertos pour harpe avec les Violons du Roy, Théâtre des Deux-Rives, Saint-Jean-sur-Richelieu www.violonsduroy.com
  • 30 novembre, Concert « Vive la révolution » avec ­l’Edmonton Symphony Orchestra, sous la direction de Mathieu Lussier. www.edmontonsymphony.com
  • Du 13 au 18 décembre : Concerto pour harpe de Glière avec l’Orchestre Métropolitain, sous la direction de Julian Kuerti. Les 13, 14, 15, 16 et 17 décembre, dans les arrondissements de Saint-Laurent, LaSalle, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierrefonds et Saint-Léonard. Le 18 décembre, 15 h, Maison ­symphonique de Montréal.
  • Du 11 au 14 mai 2017 : Concerto pour harpe de Nino Rota avec l’Orchestre Métropolitain, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Les 11 et 13 mai, ­arrondissements de Verdun et Ahuntsic. Le 14 mai, 15 h, Maison symphonique de Montréal. www.orchestremetropolitain.com

Un brillant parcours, en bref

  • À 10 ans, Valérie Milot commence la harpe.
  • 1999 à 2003 : Elle étudie au Conservatoire de musique de Montréal, dans la classe de Manon Lecomte.
  • 2003 à 2008 : Elle étudie au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, dans la classe de Caroline Lizotte.
  • 2004 : Premier prix au Concours Clermont-Pépin.
  • 2005 : Prix « Salzedo Centennial Fund » au concours national de l’American Harp ­Society, division avancée, Los Angeles.
  • 2006 : Lauréate du Concours de musique du Canada.
  • 2006 : 2e place et prix de meilleure interprétation d’une œuvre canadienne au concours OSM Standard Life, catégorie harpe.
  • 2008 : Prix d’Europe accompagné d’une bourse de 25 000 $, bourse Wilfrid-Pelletier et prix de la meilleure interprétation d’une pièce contemporaine au Concours international de harpe de la Cité des Arts de Paris (France).
  • 2008–2009 : Cours privés avec Rita Costanzi à New York grâce au Prix d’Europe.
  • 2009 : « Découverte de l’année » aux prix Opus et « Jeune soliste 2009 » des radios francophones publiques – Belgique, France, Suisse et Canada.
  • 2010 : « Révélation de l’année » Radio-Canada.
  • 2009 à 2016 : Elle se produit en récital, réalise des tournées et participe à de nombreux ­festivals de musique. Elle enregistre sept ­albums sous étiquette Analekta et joue avec des ensembles tels que Camerata Orford, les Violons du Roy, l’orchestre Mettensis Symphonia (France) et Orchestra London Canada.
  • 2015 : Elle commence à enseigner la harpe au Conservatoire de Trois-Rivières.
  • 2016 : Elle fera ses débuts avec l’Edmonton Symphony sous la direction de Mathieu Lussier et avec l’Orchestre Métropolitain sous la direction de Julian Kuerti et Yannick Nézet-Séguin.

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Discographie

  • 2011 : V – Musique de chambre pour harpe, avec plusieurs collaborateurs – Analekta
  • 2011 : Old FriendsHommage à Simon & Garfunkel, avec plusieurs collaborateurs – Analekta
  • 2012 : Autour de Noël – avec le violoniste Antoine Bareil – Analekta
  • 2012 : Aquarelles – solo – Analekta
  • 2013 : Handel, Boieldieu, Mozart (concertos pour harpe) – Les Violons du Roy et Bernard Labadie – Analekta
  • 2016 : Orbis – avec plusieurs collaborateurs – Analekta
  • À venir en 2017 : Œuvres pour violon, violoncelle et harpe avec Antoine Bareil et Stéphane Tétreault – Analekta

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