Nadia Labrie: une passion au service de la musique

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La flûtiste québécoise Nadia Labrie sort son premier album solo, un événement pour celle qui s’est fait d’abord connaître au Québec et à travers le monde grâce au duo qu’elle formait avec sa sœur jumelle, la guitariste Annie Labrie. Le succès du duo Similia a été fulgurant : 500 concerts donnés dans plus de 13 pays, 4 albums enregistrés sous étiquette Analekta et de nombreux prix remportés, dont un Félix pour Meilleur album instrumental de l’année (2004). Après plusieurs années consacrées à sa famille et à ses enfants, Nadia Labrie nous revient avec cet album en hommage aux mélodies immortelles de Schubert. Nous l’avons rencontrée dans un café du quartier Villeray à Montréal. L’occasion d’évoquer sa carrière de flûtiste, son entourage et sa formation musicale, sa manière aussi de concilier famille et travail.

Un nouveau départ

Comme premier album solo, paru chez Analekta, Nadia Labrie a choisi d’interpréter Schubert. On y retrouve l’Introduction et variations sur Trockne Blumen, seule pièce que le compositeur ait écrite pour la flûte, et des retranscriptions d’œuvres célèbres. Outre la sonate Arpeggione et des extraits du cycle de lieder La Belle meunière, la flûtiste offre aux auditeurs de grandes mélodies qui ont fait le succès de Schubert, notamment l’Ave Maria et Ständchen, no 4.

Ce compositeur, décédé seulement à l’âge de 31 ans, occupe une place toute particulière dans le cœur de Nadia Labrie. Elle évoque, par exemple, l’Introduction et variations de Schubert, qui la replonge dans son passé de jeune musicienne. « À mes examens terminaux au Conservatoire de Rimouski, autour de mes 17-18 ans, j’ai joué cette pièce. C’est à ce moment que je me suis mise à écouter Schubert, pour m’inspirer de ce genre de musique… J’écoutais en boucle le cycle de La Belle Meunière. Ça fait 21 ans que je l’écoute au moins une fois par semaine [rires]. Il fallait que je l’inclue sur cet album, en plus de l’Introduction et variations. » C’est donc bien par passion – pour reprendre le titre de son album Flûte passion : Schubert – que Nadia Labrie s’est tournée vers ce compositeur qui exprime si bien, d’après elle, le romantisme allemand et les beautés de la nature.

Un ami de longue date

Qui de mieux pour l’accompagner dans ce projet que le pianiste Mathieu Gaudet. « Je le connais depuis que j’ai 11 ans. On s’est côtoyé comme musiciens, mais sans jamais avoir l’occasion de jouer ensemble. Je savais que Mathieu était aussi un passionné de la musique de Schubert. C’était donc tout à fait naturel pour moi de l’approcher pour cet album. » L’amitié entre Nadia Labrie et Mathieu Gaudet remonte au temps où ils habitaient à Rimouski. Ils avaient en commun le sens du travail acharné une discipline qui les a rapprochés et qui les a menés vers la carrière qu’ils connaissent aujourd’hui l’un et l’autre. « On étudiait dans les mêmes classes au Cégep de Rimouski, on était les deux seuls à fermer le Conservatoire, le soir, se rappelle Nadia Labrie. Nous étions passionnés, perfectionnistes, alors nous répétions jusque dans les derniers instants. Nous avions beaucoup en commun, tant par notre intérêt pour les sciences que par notre intérêt pour la musique. »

Un lien indéfectible
avec sa jumelle

Qui dit amitié dit aussi complicité. La plus grande complice que Nadia ait connue reste sans doute Annie, sa sœur jumelle. La flûtiste évoque notamment leurs tournées lointaines. « On était 80-90 % du temps ensemble, ça fonctionnait bien. On a fait une dizaine de tournées en Chine par l’intermédiaire de notre agent (premiers artistes canadiens à signer un contrat avec un agent chinois) et une centaine de concerts par année. C’était toujours un plaisir de jouer ensemble… C’est le summum de la complicité : durant les concerts, on ne faisait que se regarder et on savait ce que l’autre pensait. L’entente entre jumelles en plus, c’est assez intense. J’avais peur de ne pas retrouver cette même complicité avec d’autres musiciens. Difficile de trouver mieux quand ça fait 20 ans que tu joues avec la même personne et que c’est si facile. »

Conciliation famille et travail

Après plusieurs années sur la route, la flûtiste a fait le choix de poser ses bagages et de fonder une famille. Nadia est aujourd’hui l’heureuse mère de deux enfants, âgés de 5 et de 7 ans. Une joie qui a toutefois nécessité des ajustements et une organisation à toute épreuve. « Partir en tournée comme on faisait, pendant un mois, c’est maintenant impossible. Après la naissance de ma première fille, je faisais encore des concerts avec orchestre et, pendant ce temps, mon conjoint s’occupait d’elle. C’était une gestion assez importante. À la naissance de notre deuxième enfant, on a dû se rendre à l’évidence que ce n’était plus possible de continuer ainsi. Avant, je pouvais répéter pendant 10 heures d’affilée, jusqu’à ce que j’en aie tout simplement assez pour la journée. Maintenant, il y a beaucoup de contraintes, il faut par exemple revoir le temps de pratique par blocs. C’est de la gestion ! »

Musiciens en herbe ?

Avec l’âge, les enfants de Nadia s’intéressent de plus en plus aux œuvres que joue leur mère. Ils l’encouragent de la plus belle des manières, en lui jouant par exemple quelques notes de l’Arpeggione au piano – un geste auquel la flûtiste est très sensible. De là à voir en eux de futurs musiciens ? « Le fait d’avoir enregistré un disque avec piano a sans doute contribué au regain d’intérêt de ma fille pour cet instrument. Elle veut suivre des cours et j’en suis contente ! Dans le salon, mes deux enfants pianotent un peu en essayant de reproduire par oreille la première pièce de l’album. Ils en sont fiers, alors il y a peut-être une influence à ce chapitre. Comme musicienne, je ne veux rien leur imposer. Par contre, si je sens qu’il y a un intérêt de leur côté, alors je vais embarquer et m’organiser pour leur faire suivre des cours. Je veux que ça vienne d’eux. »

Environnement familial

Parler de l’intérêt naissant de ses enfants pour la musique classique rappelle à Nadia l’enfant qu’elle était. Ses propres parents n’étaient pas musiciens, mais son père était un grand passionné de musique classique. « Il y avait plusieurs instruments à la maison. On avait un petit orgue, une guitare, une flûte, une cornemuse, un accordéon. Dans la famille de ma mère, il y a beaucoup de musiciens qui jouent de la musique traditionnelle ou folklorique, mais pas du côté de mon père. » C’est grâce à sa grande bibliothèque de disques – qui incluait aussi des albums de chansonniers francophones comme Gilbert Bécaud et Jacques Brel – que Nadia a découvert ses premières amours musicales.

Sa sœur aînée, Pascale, jouait de la flûte traversière. À son contact, la jeune Nadia s’est prise de passion pour cet instrument : « Ma sœur est rentrée au Conservatoire à l’âge de 9 ans et elle jouait dans sa chambre tous les jours. Et moi, tous les jours, je me faufilais, je la regardais. Je suis tombée en amour avec la flûte. Un jour, ma sœur m’a dit : “Nadia, tu as l’air d’aimer ça, veux-tu que je te montre l’instrument ?” Elle m’a montré à souffler dans une flûte; c’est très difficile à faire pour arriver à produire un son. Pascale m’a montré comment jouer, elle nous a aussi montré, Annie et moi, les principes de l’analyse musicale. » La sœur plus âgée de Nadia a donc eu une grande influence sur ses débuts en tant que flûtiste.

Musicienne précoce

Cette période correspond aussi à ses premiers concerts. Elle formait avec sa sœur Pascale et d’autres un quatuor de flûtes. Cette expérience à seulement l’âge de 11 ans s’est avérée essentielle pour le reste de sa carrière d’artiste. « On avait organisé une série de concerts dans le Bas-Saint-Laurent en vue d’amasser des fonds pour aller faire un stage de perfectionnement à Bazas, en France, avec de grands maîtres de la flûte. Ç’a été très formateur pour la suite : l’organisation, les étapes de préparation et les exigences allaient être les mêmes ou presque quelques années plus tard pour le duo Similia, avec ma sœur jumelle ».

Un rêve de musicienne

Un quatuor d’abord, puis un duo… Nadia Labrie est maintenant passée à une carrière solo. Elle envisage l’avenir avec optimisme. Son album, consacré à Schubert, sera le premier d’une série de « Flûte passion ». La flûtiste pense déjà à son prochain disque : elle souhaiterait enregistrer des concertos pour flûte de Mozart, un autre de ses compositeurs préférés. Et, pourquoi pas, une intégrale des trois œuvres pour flûte et orchestre ! Pour ce projet qui lui tient à cœur, Nadia Labrie aimerait faire appel à un ensemble constitué exclusivement de femmes. Selon elle, la musique est une histoire de ressenti, d’ondes et d’énergie que l’on vit à la fois entre musiciens, mais aussi avec l’auditeur. C’est cet esprit de communion et de complicité qu’elle rêve de recréer. « Je crois que ça prend une dizaine de répétitions avant qu’il se passe quelque chose et que la magie s’opère entre musiciens. On n’a jamais le temps de le faire avec orchestre, en raison du coût des répétitions. Mon rêve serait d’avoir un petit ensemble avec lequel je pourrais travailler pour arriver à cette symbiose qui est si rare dans notre métier. On pourrait alors exprimer pleinement le caractère taquin de la musique mozartienne, faite de petites surprises. »

«La musique est une histoire de ressenti, d’ondes et d’énergie»

Nadia Labrie prévoit une tournée à travers le Québec pour présenter son dernier album. Dates complètes à suivre sur son site Internet. www.nadialabrie.com

 

Nadia Labrie

Flûte Passion :
Schubert.
(Analekta) ;
AN 28787.
Durée : 73 minutes.

Note : ★★★✩✩

 

Il s’agit du premier d’une longue série de « Flûte passion », parue chez Analekta. Pour son premier album en tant que soliste-flûtiste, Nadia Labrie a choisi d’interpréter l’œuvre de Franz Schubert. Elle a fait appel à son ami de longue date, Mathieu Gaudet, pianiste virtuose qui a notamment enregistré l’intégrale des vingt sonates pour piano et d’autres œuvres majeures du compositeur autrichien.

Sur cet album, Nadia Labrie enchaîne les transcriptions pour flûte et piano d’œuvres vocales, encadrées de pièces écrites originalement pour l’instrument. Les premières sont des transcriptions de la célèbre sonate Arpeggione jouée communément aujourd’hui sur un violoncelle. Le caractère léger qui prédomine dans cette œuvre ainsi que les passages plus rapides conviennent très bien au timbre de la flûte. En revanche, la sonorité de l’instrument paraît trop fragile dans l’Ave Maria de Schubert, un air tellement mieux interprété lorsqu’il est chanté. Même constat dans Ständchen  et dans des extraits de La Belle meunière : il manque la présence d’une voix qui puisse communiquer toute l’expressivité du texte. L’album se termine de bien meilleure manière par les variations sur le thème de la mélodie Trockne Blumen, composées spécifiquement pour la flûte par Schubert et mettant en valeur la virtuosité de Nadia Labrie et celle de Mathieu Gaudet au piano.

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