« Ether Weekend »: le thérémine, avec Aleks Schürmer et Grégoire Blanc

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Pleins feux sur un instrument hors du commun! Les 23 et 24 août prochains, dans le cadre de deux événements exceptionnels, les Montréalais auront la chance d’entendre le son magique et envoûtant du thérémine. Tout commencera vendredi, à 12h30, par un atelier pour les débutants et les musiciens de niveau intermédiaire. Ensuite, à 15h30, il y aura un cours de maître, ouvert au public, en compagnie du virtuose théréministe français Grégoire Blanc. Le lendemain, samedi, à la salle Joseph-Rouleau, ce jeune musicien interprètera, aux côtés de l’ensemble Hadron, une série d’œuvres du compositeur Aleks Schürmer écrites spécialement pour l’instrument. La Scena musicale, par la voie de son journaliste Justin Bernard, a eu l’occasion de s’entretenir avec les deux principaux artisans de cette série d’événements, intitulés « Ether Weekend ».

Aleks Schürmer

Derrière chacune de ces œuvres, on retrouve l’idée selon laquelle le XXIsiècle ne serait pas si différent que le XXsiècle. La triste réalité y côtoie l’absurdité de notre société contemporaine. Le passé revient à la surface, comme le nationalisme et le totalitarisme, mais de manière plus stupide, grotesque. « Au début, la musique sera peut-être tonale, en apparence seulement, mais elle dérapera rapidement vers autre chose. Un peu comme les nouveaux modes de consommation sur Internet », prévient le compositeur.

Aleks Schürmer a souhaité ici souligner le 100anniversaire du thérémine, qui est aussi le premier instrument électronique de l’histoire. Malgré son ancienneté, cet instrument, du nom de son inventeur Leon Theremin (1896-1993), ne cesse d’être perçu comme un objet de modernité. « Il y a toujours un élément de surprise quand on écoute le son du thérémine. Les gens sont fascinés lorsqu’ils voient et entendent quelqu’un en jouer. Bien plus que devant un musicien qui joue une sonate de Brahms au piano, par exemple », constate M. Schürmer.

Un instrument ancien, pourtant si moderne!

Grégoire Blanc

Et pour cause. Le thérémine est un instrument qui se « manipule » sans aucun contact physique. Grâce à ses deux antennes, verticale et horizontale, il produit un champ électro-magnétique qui permet à l’interprète de contrôler, dans le vide, la hauteur des notes et le volume sonore. « La difficulté c’est qu’il n’y a aucun sens tactile. Tu dois te fier au sens spatial seulement. Un peu comme les pianistes, qui ne regardent pas les touches de leur instrument, ou les chanteurs qui y vont par instinct pour trouver directement leur note », confie Grégoire Blanc.

Un thérémine peut sembler étrange à première vue, mais son utilisation demeure, somme toute, assez répandue. Aleks Schürmer rappelle que l’instrument fonctionne avec la même technologie de RFID (radio-identification) qui fait qu’aujourd’hui, les paiements sans contact et les connexions Wi-Fi existent. « On trouve aussi plein de références à l’instrument dans la culture populaire. Cela va des Simpsons à Big Band Theory, en passant par le groupe Led Zeppelin et la chanson “Good Vibrations”. Déjà dans les films de science-fiction des années 50 et 60, cet instrument était beaucoup utilisé. Je dirais même que le son du thérémine nous a accompagné depuis sa création. »

Les possibilités (presque) infinies du thérémine

Son répertoire est malheureusement restreint. On dénombre seulement quelques œuvres de Martinů et de Messiaen pour thérémine. « Bien sûr, des transcriptions sont toujours possibles. Je vais moi-même les puiser directement dans la partition, du moment qu’il y a une mélodie existante. À vrai dire, Rachmaninov et Saint-Saëns se prêtent bien au thérémine », explique Grégoire Blanc. Ce dernier a d’ailleurs une chaîne YouTube personnel qui lui permet de publier certaines de ses interprétations, captées en privé ou en concert.

Pour sa première vidéo mise en ligne, en décembre 2013, le jeune virtuose opta pour une transcription du Clair de lune de Debussy. Le succès fut immédiat. Grégoire Blanc se souvient de cette période  : « Je découvre le thérémine vers 15 ou 16 ans. À l’époque, mon professeur de musique nous présente l’histoire de la musique électronique et nous montre un instrument avec deux antennes. Ça m’intrigue, je regarde une vidéo sur Internet, j’arrive à me procurer un instrument, je commence à pratiquer dans un cadre privé, je lance une vidéo, je suis d’abord repéré par d’autres musiciens, puis invité à la télévision en France… Ce n’est parfois pas évident de savoir, en tant que musicien, quel instrument te correspond le mieux. J’ai été violoncelliste pendant un certain temps. Mais là, j’avais vraiment l’impression d’avoir trouvé un instrument qui me convenait, avec lequel je pouvais faire tout ce que j’avais envie de faire. »

Aleks Schürmer insiste sur ce point : « Le thérémine permet d’avoir un jeu très expressif. C’est rare de trouver un instrument qui offre de telles possibilités, surtout un instrument électronique ! En termes d’expressivité musicale, le thérémine s’apparente étrangement à un instrument acoustique. Et puis, il n’y a pas de limite dans la production du son. C’est ce qu’il y a de magique. On peut créer une ligne mélodique à l’infini. »

« Une communauté soudée »

Grégoire Blanc est un autodidacte. Il n’a pas fait la connaissance de professeurs spécialisés dans son instrument, mais a déjà rencontré plusieurs de ses collègues théréministes. « C’est une communauté très soudée, j’ai pu discuter, par exemple, avec Carolina Eyck à plusieurs reprises. Nous échangeons sur nos techniques de jeu. Cela nous permet d’apprendre ensemble, finalement. Au XVIIesiècle, lorsque le violoncelle venait d’être inventé, j’imagine que l’esprit était à peu près le même. J’ai développé ma propre manière de jouer et je continue ma formation en jouant avec d’autres musiciens, en travaillant avec orchestre, avec des ensembles de musique de chambre. Bien sûr, il faut maîtriser les bases de l’instrument, mais après il faut surtout faire de la musique, donner de l’expression. C’est là un travail beaucoup plus complexe. »

Grégoire Blanc a fait des études en ingénierie et est actuellement inscrit à la maîtrise. Après avoir achevé son mémoire dans le domaine de l’acoustique et obtenu son diplôme, il espère pouvoir faire de la musique à plein temps, avec le thérémine comme instrument principal.

Retrouvez Aleks Schürmer et Grégoire Blanc lors du « Ether Weekend », autour du thérémine: atelier, le vendredi 23 août au Schulich School of Music de l’Université McGill, et concert, le samedi 24 août à la salle Joseph-Rouleau.

Pour se procurer des billets:
https://etherweekendatelier.eventbrite.ca
https://etherweekendconcert.eventbrite.ca

Site web d’Aleks Schürmer:
www.aleksschurmer.com

Site web de Grégoire Blanc:
www.gregoireblanc.com

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