Quand La Nef cueille le jour

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La salle Bourgie a joué de sourires et de larmes hier soir lors du passage de La Nef, à l’occasion d’un voyage où les cinq musiciens nous ont invité à cueillir le jour et à profiter de chaque instant, sans peur du lendemain.

Le concert Carpe Diem revisite un répertoire poétique et musical de la Grèce antique à aujourd’hui, mettant en lumière ceux et celles qui ont cristallisé en notes et en paroles cette fragilité de la vie, cette magie de l’éphémère. La directrice générale Claire Gignac a pris la parole pour adresser une pensée à Daniel Campeau, ancien administrateur de La Nef décédé en juillet dernier : « Il aimait célébrer la vie, alors quelle meilleure façon de lui rendre hommage qu’en partageant de la belle musique avec vous. »

Les cinq artistes ont préparé un pot-pourri invitant tous les genres, classique ou folklorique, populaire, médiéval, ponctué de quelques improvisations décontractées. Ce voyage convoque également de nombreuses langues : français, anglais, grec ancien, latin, italien, norvégien, islandais… Bien souvent, cet éclatement peut engendrer un manque de cohérence, d’unité, mais le programme a été bien pensé en regroupant les multiples aspects de la célèbre maxime du poète latin Horace sous différents thèmes et symboles : aux éléments de la nature qui évoquent la fuite du temps, rose, eau de la rivière ou feu de cheminée, succèdent les activités et le temps humains, l’enivrement, le mariage, la mort et le souvenir. Tout coule comme la Seine sous le pont Mirabeau.

Les musiciens nous proposent un voyage touchant, joyeux et décontracté, ce qui a tout son charme, car il serait bien illogique de prendre un ton trop sérieux pour nous exhorter à nous enivrer à tout moment. On apprécie particulièrement la voix souple de la soprano et co-directrice artistique Dorothéa Ventura, qui joue avec ses couleurs vocales pour éveiller en nous une grande palette d’émotions. Annabelle Renzo fait un excellent travail d’accompagnement à la harpe, faisant preuve d’une grande écoute pour suivre les changements de dynamiques et de tempos des chanteurs. Renaud Paradis alterne chant, récitation et quelques nuances musicales. Il présente chaque pièce avec fougue en la récitant en français avant de nous laisser apprécier l’œuvre dans sa langue originale, une formule très agréable qui préserve l’essence des œuvres. La mezzo-soprano Ghislaine Deschambault nous a offert un très Beau Soir de Debussy, tandis que Jean-François Daignault a alterné voix, flûte et clarinette tout en signant de nombreux arrangement de belle facture.

En général, le rendu du répertoire n’est pas toujours de même qualité, on sent que certaines pièces sont intégrées et vivent au sein du groupe, d’autres pas encore. L’alternance des poèmes et des textes est une bonne formule, car elle permet d’accrocher le public en ajoutant une dimension narrative au spectacle. Mais le plus grand intérêt de celui-ci est peut-être de permettre à un large public du XXIe siècle d’apprécier cette part d’universel que revêtent des œuvres étalées sur deux millénaires de production artistique. On ressort charmé, touché et tout sourire.

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A propos de l'auteur

Benjamin Goron est écrivain, musicologue et critique musical. Titulaire d’un baccalauréat en littérature et d’une maîtrise en musicologie de l’Université Paris-Sorbonne, il a collaboré à plusieurs périodiques et radios en tant que chercheur et critique musical (L’Éducation musicale, Camuz, Radio Ville-Marie, SortiesJazzNights, L'Opéra). Depuis août 2018, il est rédacteur adjoint de La Scena Musicale. Pianiste et trompettiste de formation, il allie musique et littérature dans une double mission de créateur et de passeur de mémoire.

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