Lancement de saison : Les Violons du Roy et Anthony Roth Costanzo

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La Maison Symphonique a accueilli samedi dernier les Violons du Roy pour le lancement de leur 35e saison, un lancement riche en surprises et en nouveautés.

Jonathan Cohen. Photo : Marco Borggreve

À commencer par Jonathan Cohen, le nouveau directeur artistique qui, lors de son adresse au public dans un français plus qu’honorable, a assuré sa volonté de maintenir la tradition d’excellence de l’ensemble et d’aller à la rencontre de la jeunesse. Violoncelliste et claveciniste très demandé, il a rappelé l’importance pour lui d’être non seulement un chef, mais également un musicien au sein des Violons du Roy, ce qu’il a mis en pratique en assurant la partie de clavecin lors de cette soirée mettant en lumière le contre-ténor Anthony Roth Costanzo.

Le contre-ténor américain a choisi d’opposer deux géants éloignés de plus de trois siècles, Haendel et Glass. Le lancement de saison était également un lancement d’album, puisque les pièces du programme se retrouvent sur un disque paru chez Decca Gold. En première partie, Roth Costanzo a chanté des airs d’opéras d’Haendel à saveur royale. Il a montré une belle musicalité et un sens des nuances dans des passages plus lyriques ou solennels, comme dans « Pena Tiranna » extrait d’Amadigi di Gaula, ou encore « Stille amare » tiré de Tolomeo, Re d’Egitto. Il trahissait néanmoins des imprécisions techniques dans les passages rapides de « Rompo i Lacci » ou des limites vocales dans les aigus. La deuxième partie était constituée d’arrangements de plusieurs pièces de Philip Glass. Roth Costanzo y était tout à fait lumineux, plus à l’aise que dans Haendel, il incarnait les œuvres avec une gestuelle singulière et ses couleurs vocales changeantes révélaient la poésie des textes aux origines très variées, de l’auteur américain David Henry Hwang au poète persan du XIIIe siècle Rūmī. Le contre-ténor a pris le temps de raconter la génèse du projet dans un français très agréable, avec beaucoup d’enthousiasme et une touche d’humour, gagnant ainsi la sympathie du public.

Les Violons du Roy et Jonathan Cohen ont été solides dans le répertoire de Haendel, révélant la florissante orchestration du Concerto grosso en ré mineur et soutenant le soliste avec énergie et nuances. Le répertoire de Glass a été merveilleusement arrangé par Michael Riesman, créant des atmosphères plus vivantes et chaleureuses que les versions originales. Le tout était magnifié par la direction musicale de Cohen et par l’ensemble qui a insufflé âme et profondeur à ces œuvres que le traitement des synthétiseurs ou le caractère parfois mécanique tend à figer, servant ainsi davantage les textes.

Ce lancement a tenu ses promesses en juxtaposant deux compositeurs très éloignés dans le temps mais qui accordent tous deux une attention particulière à la répétition dans leur écriture. Haendel était bien rendu dans l’ensemble, et Glass était une réelle surprise. Orchestre et soliste en ont révélé toute la chaleur et la lumière mystique, avec une mention spéciale pour la mirifique version de Liquid Days. Ceux qui ont manqué le concert devront traverser la frontière américaine, où il sera en tournée tout le mois d’octobre, ou plus simplement se procurer l’album qui est toutefois, à mon sens, en-deçà de la performance de samedi dernier. Le prochain concert montréalais, le 3 novembre, sera dirigé par Bernard Labadie et présentera des œuvres de Mozart et Haydn.

www.violonsduroy.com

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A propos de l'auteur

Benjamin Goron est écrivain, musicologue et critique musical. Titulaire d’un baccalauréat en littérature et d’une maîtrise en musicologie de l’Université Paris-Sorbonne, il a collaboré à plusieurs périodiques et radios en tant que chercheur et critique musical (L’Éducation musicale, Camuz, Radio Ville-Marie, SortiesJazzNights, L'Opéra). Depuis août 2018, il est rédacteur adjoint de La Scena Musicale. Pianiste et trompettiste de formation, il allie musique et littérature dans une double mission de créateur et de passeur de mémoire.

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