Ida Haendel: une violiniste virtuose à la sonorité puissante

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Ida Haendel, la violoniste d’origine polonaise qui a vécu à Montréal de 1952 à 1989, a rendu l’âme le 1er juillet dans sa demeure en Floride. Suivant l’avis publié sur les médias sociaux par son neveu, Richard Grunberg, elle est morte paisiblement.

L’âge de cette virtuose a longtemps été débattu puisqu’on ignore sa date de naissance. Aurait-elle vraiment pu remporter le prix polonais au Concours international de violon Wieniawski de Varsovie en 1935 à l’âge de sept ans (alors que de son propre aveu, elle ne savait pas lire la musique) ? Selon de nombreuses sources, elle serait née le 15 décembre 1928. Cette violoniste prodige incontestée se serait donc éteinte à 91 ans.

Sa famille s’est établie à Londres en 1936. Haendel a étudié auprès de Carl Flesch et de Georges Enescu qu’elle désignait comme ses mentors en violon et en musique respectivement. Dès 1940, elle enregistrait des albums et se produisait régulièrement en concert comme soliste, notamment aux célèbres Proms à Londres. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle a joué pour les troupes, les ouvriers et les soldats blessés.

Au cours de sa longue carrière, Haendel est appelée à jouer sur les scènes du monde entier comme soliste de concerto, notamment à Montréal. Elle a décidé de s’y établir en 1952, avec son père protecteur, pour rejoindre sa sœur aînée, Alice. Elle était très liée à sa famille. Haendel s’est produite avec les orchestres symphoniques de Montréal et de Toronto et a participé à des émissions télévisées diffusées sur CBC.

« À mon arrivée à Montréal, les gens croyaient que je n’étais pas parvenue à me tailler une place enviable sur la scène musicale ou que je serais vite dépassée en demeurant au Canada, confia-t-elle à la Gazette de Montréal, en 1987. Mais ces considérations ne m’ont jamais effleuré l’esprit. »

Haendel a collaboré avec nombre de chefs d’orchestre célèbres. Vladimir Ashkenazy a partagé la scène avec elle à la fois comme chef d’orchestre et comme pianiste. Particulièrement attachée à Sergiu Celibidache, elle entretenait avec le charismatique maestro roumain une relation étroite dont elle n’a jamais précisé la nature. Haendel ne s’est jamais mariée.

Elle est reconnue pour la puissance de sa sonorité pleine et magnifiquement maîtrisée, fait étonnant vu sa frêle silhouette. Haendel était une redoutable représentante du répertoire virtuose et des œuvres essentielles comme les sonates et les partitas pour violon seul de Bach, qu’elle a enregistrées de façon impressionnante sous l’étiquette Testament en 1995. Elle a joué tous les grands concertos ainsi que certaines œuvres peu accessibles du répertoire, comme le rebutant Concerto pour violon no 2 d’Allan Petterson.

« En regardant cette virtuose exceptionnelle, de nombreuses questions surgissent », ai-je écrit après un récital-bénéfice en 2005 (avec le pianiste Walter Delahunt) au Théâtre Maisonneuve, une présentation de Music in Me, un groupe dédié à la paix au Moyen-Orient. « Comment se fait-il que les jeunes violonistes n’obtiennent que la moitié du son en pressant sur les cordes deux fois plus fort ? Qui a donné à Ida Haendel ce don du legato parfait que peu de violonistes possèdent ? »

Elle s’est rendue célèbre pour son interprétation du Concerto pour violon en ré mineur de Sibelius. Son exécution de cette partition complexe à la fin des années 1940 lui a valu des félicitations de la part du compositeur. Le pape Benoît XVI est l’un des dignitaires que Haendel a rencontrés au cours de sa longue carrière. Elle est retournée en Pologne en 2006 pour jouer à un concert commémoratif sur le site du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.

À l’été 2006, Haendel a reçu un doctorat Honoris causa de l’Université McGill. Elle a joué aussi avec l’Orchestre philharmonique d’Israël (avec lequel elle s’était produite pour la première fois près de soixante ans auparavant lorsqu’il s’appelait l’Orchestre symphonique de Palestine). Lorsqu’on lui a demandé cette année-là si elle envisageait de ralentir, elle a répondu sans hésiter : « J’ai déjà commencé à ralentir ! »

Haendel a continué d’œuvrer dans le monde musical à Miami Beach et ses environs, où elle a vécu pendant les trente dernières années. En 2016, le Festival de musique de Miami et les lauréats du concours ont donné un concert en son honneur. Elle se liait d’amitié facilement, même avec les critiques. Jacob Siskind (1928-2010), critique perspicace de la Gazette de Montréal et du Citizen d’Ottawa, se disait un fervent admirateur.

Polyglotte, Haendel n’a pas perdu son charmant accent anglais. Elle aimait causer dans l’une des huit langues qu’elle connaissait. Elle adorait les chiens. Fait cocasse : elle a baptisé chacun de ses chiens Decca, du nom de la maison de disques britannique.

Haendel donnait des cours de maître et siégeait fréquemment au jury de nombreux concours de violon. David Garrett est l’un des nombreux jeunes interprètes inspirés par cette étoile du violon. Ce violoniste allemand apparaît dans The Haendel Variations (2018), l’un des nombreux documentaires sur YouTube qui évoquent la vibrante vitalité de cette femme et artiste.

Traduction par Lina Scarpellini

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A propos de l'auteur

Arthur Kaptainis has been a classical music critic since 1986. His articles have appeared in Classical Voice North America and La Scena Musicale as well as Musical Toronto. Arthur holds an MA in musicology from the University of Toronto. From 2019-2021, Arthur was co-editor of La Scena Musicale.

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