Montrose Trio: Le grand cru du classique

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Il manquait quelque chose au concert inaugural du Montrose Trio le 7 décembre 2013 à Detroit, un élément qui est d’habitude bien en vue : son nom.

« Nos trois noms étaient inscrits dans le programme parce que nous n’avions pas encore baptisé notre trio », se souvient Jon Kimura Parker, faisant allusion à ses partenaires, le violoniste Martin Beaver et le violoncelliste Clive Greensmith. « Mais nous avions promis à l’animateur que nous l’annoncerions à notre première. »

Ce qui fut fait… et célébré dans les coulisses avec une bouteille de Château Montrose, un excellent bordeaux qui partage le nom du quartier des arts de Houston où réside Jon Parker et celui de la rue de Winnipeg où Martin Beaver a grandi.

« Ce sujet de conversation aussi exaspérant et épuisant soit il, confie Jon à propos de la recherche de leur nom de scène, n’a jamais donné lieu à autant de créativité délirante. » Montrose s’est imposé lorsque ce dernier et Clive, grands passionnés de vin, se sont permis une petite digression sur leurs rouges préférés.

Le prix d’un Château Montrose ne permet pas de le déguster après chaque concert, alors inutile de s’attendre à ce qu’ils débouchent une bouteille après celui qu’ils donneront à la salle Pollack le 2 février, invités par le Ladies’ Morning Musical Club. Pourtant, l’interprétation qu’ils nous réservent en vaut apparemment bien la peine. C’est la troisième fois en moins de cinq ans que le Trio Montrose est invité par le LMMC.

À certains égards, le Trio Montrose est une suite logique du Tokyo String Quartet, auquel appartenaient Martin Beaver et Clive Greensmith. Au début des années 2010, cet ensemble renommé s’est heurté à un dilemme lorsque l’altiste fondateur Kazuhide Isomura et le second violon Kikuei Ikeda ont décidé de prendre leur retraite. Les membres restants allaient-ils tenter de les remplacer d’un coup ? C’était beaucoup demander à un quatuor.

L’autre option consistait à explorer de nouvelles avenues en musique de chambre en s’adjoignant les services de Jon, avec qui ils entretenaient une collaboration fréquente et fructueuse, au piano. Telle est l’idée qu’ils lui ont présentée dans les coulisses à Calgary le 14 avril 2013 après un concert d’adieu du Tokyo String Quartet qui mettait en vedette le Quintette avec piano opus 34 de Brahms.

« Cette idée de génie semblait être venue spontanément, confie Jon, alors qu’en fait, j’ai appris plus tard qu’ils l’avaient planifiée depuis un certain temps. »

L’objectif était d’éviter de former un ensemble en tournée à temps plein, car Martin et Clive enseignent tous deux à la Colburn School de Los Angeles.

Jon, quant à lui, est professeur permanent à la Rice University à Houston, en plus de mener une carrière bien remplie de concertiste et de communicateur sur YouTube. Comme en témoigne son agenda pour 2020, le pianiste poursuit résolument ses nombreuses activités : directeur artistique du Concours international de piano Honens et de l’Orcas Island Chamber Music Festival et partenaire artistique de la programmation estivale du Minnesota Orchestra.

« Je suis l’un des meilleurs clients de la United Airlines », confie le natif de Vancouver.

Le concert du LMMC ne sera que le deuxième du trio en 2020. Aucun n’a été programmé en octobre ou en novembre, mais mars comprend notamment cinq concerts en cinq jours en Italie.

Un tel emploi du temps ne permet pas aux membres du Montrose d’explorer la musique contemporaine comme le fait le Gryphon Trio qui, tout à fait par hasard, compte parmi ses membres le frère de Jon, Jamie, également pianiste. Le Montrose se concentre sur les classiques. Ainsi, au LMMC, nous entendrons le Trio pour piano et cordes no 1 en si bémol majeur de Schubert et le Trio pour piano et cordes en mi mineur « Dumky » opus 90 de Dvořák.

Pour Martin Beaver, habitué à l’attention à titre de premier violon, la transition de quatuor à cordes à trio avec piano s’est faite tout naturellement. Pour Clive Greensmith, qui joue la voix d’accompagnement d’un quatuor, le changement s’est avéré plus radical puisque le violoncelle au sein d’un trio avec piano chante davantage la mélodie dans des fréquences moyennes.

Pour Jon Parker, le nouveau défi n’était pas d’être entendu jusqu’au dernier rang d’une grande salle de concert – un exploit pour lequel il est reconnu sur le circuit des concertos –, mais bien de ne pas enterrer ses collègues dans un lieu comme la salle Pollack.

« Le répertoire est bien différent, commente-t-il. Un compositeur qui écrit pour un trio va être en mesure de faire résonner les trois voix en profondeur et avec une certaine pureté. En revanche, dans un concerto pour piano, même Beethoven, malgré son génie de la structure, doit parfois laisser le pianiste faire cavalier seul avec un passage en octaves ou quelques grands arpèges. »

« Avec l’avènement de l’époque romantique, j’associe davantage la musique de chambre à une série télévisée où les personnages évoluent semaine après semaine, alors qu’un concerto pour piano [romantique]est plus proche d’un film d’action qui, sans aucune raison liée à l’intrigue, met en scène une poursuite en voiture qui dure dix minutes, comme une cadence ou un passage en octaves. C’est un tout autre type de musique. »

Malgré tout, Jon perçoit un lien entre ces deux opposés. À la Rice University, il encourage systématiquement ses étudiants à faire de la musique de chambre parce que le vieux modèle du pianiste « éclipsant l’orchestre » dans un majestueux concerto romantique a été remplacé par un idéal de collaboration, sans compter que l’élan naturel du soliste d’être entendu peut aussi animer la musique de chambre afin d’empêcher un excès de retenue.

« Cette retenue se produit lorsque les musiciens font preuve de tellement de courtoisie les uns envers les autres que rien dans la musique ne réussit à se démarquer, explique-t-il. Selon moi, le répertoire des trios avec piano a l’avantage de compter sur trois musiciens à valeur égale qui savent quand prendre du recul et apporter leur soutien et quand occuper le devant de la scène. »

Ce qui l’impressionne le plus chez ses collègues et anciens membres du Tokyo String Quartet, c’est de constater à quel point ils sont doués pour ce dialogue fusionnel.

« Grâce à cette expérience inestimable, ils ont fait de notre trio un véritable bonheur. »

Le Montrose Trio sera en concert le 2 février à 15 h 30, à l’invitation du Ladies’ Morning Musical Club. www.lmmc.ca

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A propos de l'auteur

Arthur Kaptainis has been a classical music critic since 1986. His articles have appeared in Classical Voice North America and La Scena Musicale as well as Musical Toronto. Arthur holds an MA in musicology from the University of Toronto. From 2019-2021, Arthur was co-editor of La Scena Musicale.

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