La musique en milieu scolaire: entre optimisme et incertitude

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Alors que le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge criait victoire le 16 juin en annonçant le retour en classe de la majorité des élèves cet automne, le doute subsiste quant aux mesures envisagées pour faire face à une éventuelle seconde vague de COVID-19. Si l’ensemble du milieu de l’éducation se penche actuellement sur les modalités de ce retour en classe, la situation des cours d’art aux niveaux primaire et secondaire demeure problématique, car ceux-ci requièrent généralement une proximité accrue entre élèves et enseignants. Cours d’ensembles, partage d’instruments et activités favorisant la dispersion de gouttelettes (comme le chant) sont autant d’aspects qui sont difficilement conciliables avec les mesures de distanciation physique.

Cela dit, même si la poursuite des cours de musique à distance s’est avérée bien souvent impossible, les enseignants ont tenu le fort, comme leurs collègues de la formation générale, en proposant des activités afin de maintenir le lien avec leurs élèves. Retour sur une session de printemps hors de l’ordinaire.

L’importance du groupe

Le 13 mars 2020, alors que s’amorce une période de confinement sans précédent dans l’histoire du Québec, la totalité des écoles publiques ferment leurs portes aux élèves. Ce qui s’annonçait au départ comme une brève interruption de deux semaines s’est finalement éternisé, bouleversant le parcours scolaire de près d’un million d’élèves à travers le Québec. Si les universités et les cégeps ont généralement été en mesure de poursuivre les cours à distance, la situation s’est montrée plus complexe pour les écoles primaires et secondaires. Difficile en effet d’enseigner aux enfants par visioconférence, surtout à un âge où la proximité et les contacts sont cruciaux dans leur développement.

Cette réalité est d’autant plus problématique pour l’enseignement de la musique que les activités de groupe sont essentielles au développement de certaines habiletés. Comme le souligne Hélène Claise, enseignante de musique au primaire, « la science tend à démontrer que les enfants sont généralement plus réceptifs à leurs pairs qu’aux adultes ». Autrement dit, la dynamique de groupe favorise l’écoute et crée naturellement un effet d’entraînement qui stimule l’intérêt et la participation des élèves, ceux-ci agissant comme modèle à suivre les uns pour les autres.

La solution numérique ?

Mais ce n’est là qu’un morceau du casse-tête que représente le confinement. Bien qu’une partie des activités d’enseignement ait pu être maintenue via le web, notamment les matières de base, les outils informatiques ne se prêtent pas toujours au contexte de la musique. Interrogée à ce propos, la titulaire d’une maîtrise en enseignement des arts et enseignante en adaptation scolaire Andrée-Anne Mathonet note que selon son expérience, le fait d’apprendre exclusivement au moyen d’écrans n’offre qu’une compréhension superficielle des concepts musicaux. Par exemple, l’apprentissage des figures de notes fait appel à la capacité d’abstraction des enfants, car celles-ci sont parfois représentées différemment en fonction du support utilisé. Une note blanche sera blanche sur un écran alors qu’elle sera noire sur un tableau noir. Au-delà des notions musicales, le programme pédagogique musical au primaire et au secondaire vise donc à développer des habiletés transférables comme la discrimination visuelle et auditive, l’esprit d’analyse et de synthèse ou encore la dextérité fine.

Autre point problématique révélé par le confinement, les familles ne disposent pas de toutes les ressources nécessaires à l’enseignement à distance, creusant encore davantage les inégalités socioéconomiques. Alors que de nombreuses écoles privées ont déjà incorporé les plateformes numériques dans le quotidien des élèves, le virage numérique n’en est qu’à ses débuts dans le réseau public. À la maison, la situation est également problématique pour les familles qui n’ont pas accès à l’internet et peuvent ainsi difficilement prendre part aux activités de suivi proposées par les enseignants.

Optimisme dans l’incertitude

Toute crise entraînant son lot de remises en question, la période de confinement printanière aura été pour le réseau des écoles publiques l’occasion d’explorer et de mettre à l’essai diverses solutions en vue de la reprise des cours cet automne. Pour Hélène Lévesque, conseillère pédagogique en musique au Centre de services scolaires de Montréal (anciennement la Commission scolaire de Montréal), si rien ne remplace le contact direct entre les élèves et leur enseignant, ces derniers auront acquis ce printemps de nouvelles compétences qui leur permettront de mieux faire face aux imprévus de la rentrée. La classe inversée est un exemple qui semble très prometteur. Selon ce modèle pédagogique déjà en vogue dans certains milieux, les élèves sont initiés à la nouvelle matière non plus en cours, mais à la maison au moyen de devoirs préalables, accordant ainsi plus de temps aux discussions et aux projets en classe.

Suivant la célèbre maxime stipulant que la nécessité est mère de l’invention, les enseignants se sont souvent montrés particulièrement créatifs, comme en témoigne la prestation virtuelle très réussie des jeunes musiciens de l’harmonie de l’école primaire Saints-Martyrs-Canadiens, sous la direction de Marie-Soleil Bolduc (accessible sur YouTube). La crise sanitaire aura également donné lieu à une vaste concertation des enseignants et des directions d’établissements visant à partager les pistes de solutions pour la rentrée. Un éventail de scénarios est actuellement évalué afin d’assurer la tenue des cours malgré la possibilité d’une recrudescence des cas de COVID-19. Par exemple, Hélène Lévesque souligne que si la tenue d’ensembles d’instruments à vent et de chorales était compromise, l’accent serait mis sur la création et l’appréciation musicale. Dans tous les cas, les enfants peuvent dormir sur leurs deux oreilles : les cours de musique auront bien lieu cet automne.

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A propos de l'auteur

Arnaud G. Veydarier est actuellement étudiant en musicologie à l’Université de Montréal et nourrit un intérêt prononcé pour le jazz, la musique contemporaine et les liens entre musique et développement urbain. Il est pigiste pour La Scena Musicale depuis septembre 2017.

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