Déterrer les trésors de l’alto : Pièces de concours par Jutta Puchhammer-Sédillot

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Dès mon entrée dans son bureau, j’ai tout de suite senti la passion qui anime Jutta Puchhammer-Sédillot lorsqu’elle parle de son instrument. D’emblée, elle me dit : « Le registre de l’alto est celui qui se rapproche le plus de la voix humaine dans les cordes. Chaque corde de l’instrument a son propre timbre. » Altiste accomplie originaire de Vienne, Puchhammer-Sédillot est professeur titulaire de la classe d’alto à la faculté de musique de l’Université de Montréal et elle est passionnée par le répertoire et la pédagogie de son instrument. Elle se déplace régulièrement pour assister aux congrès d’altistes à travers le monde, dont le but est de partager les ­découvertes et les réflexions entre altistes de renommée internationale. Récemment, cette artiste a enregistré un album issu d’un projet de recherche historique et artistique de ­plusieurs années intitulé Pièces de concours.

L’album Pièces de concours regroupe dix-huit œuvres écrites expressément pour violon alto par des compositeurs français pour ce qu’on appelle le concours (examen final) au Conservatoire de Paris. Il faut savoir que les altistes encore aujourd’hui jouent majoritairement des transcriptions d’œuvres pour autres instruments, notamment le violon, car l’alto a longtemps été considéré comme un instrument inférieur dans la famille des cordes. En effet, les premières classes de violon et de violoncelle au Conservatoire de Paris remontent à 1795, alors qu’il faut attendre cent ans avant de voir la classe d’alto, qui sera confiée à Théophile Laforge. Malgré ce pas innovateur, les altistes sont encore considérés comme des violonistes mineurs et souffrent de la ­comparaison. On croit encore qu’ils doivent se plier aux mêmes techniques et exigences que les violonistes; ainsi, aucune pédagogie ou technique n’est créée pour correspondre à leur instrument et le mettre en valeur.

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Pourtant, Puchhammer affirme avec fougue que l’alto se différencie du violon par plusieurs aspects, notamment en ce qui concerne le timbre et la technique. Par exemple, le manche plus long et large rend particulièrement malaisés certains mouvements qui sont confortables au violon. C’est pourquoi cette artiste passionnée se donne pour objectif depuis plusieurs années de faire redécouvrir et reconnaître les œuvres mettant en valeur l’alto et toute la richesse qu’elles peuvent apporter au monde de la musique et surtout les altistes. Depuis ­plusieurs années, Puchhammer mène des recherches sur ce sujet d’étude si mal connu et s’est même rendue à Paris pour éplucher la liste des œuvres écrites pour les concours de la classe d’alto du Conservatoire de Paris au fil des ans. Elle a finalement arrêté son choix sur ­plusieurs pièces dénichées dans la Ville Lumière. Elle a pu découvrir que, entre 1896 et 1940, vingt-sept pièces ont été écrites pour la classe d’alto, dont plusieurs sont dédiées à Théophile Laforge. La plus connue et celle qui semblait la plus appréciée est sans contredit Concertstück de Georges Enescu, composée en 1908. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la production s’interrompt abruptement.

Lorsqu’on connaît l’histoire du violon alto, on comprend parfaitement la curiosité et la passion qui animent Puchhammer-Sédillot. Elle souhaite ardemment que son travail serve à faire découvrir le répertoire non seulement aux instrumentistes à qui il est dédié, mais également au grand public. Conjointement avec son album, l’altiste a publié les partitions qui ont été l’objet de sa recherche dans un recueil à vocation pédagogique. Déjà, elle a fait l’expérience d’exiger de tous ses élèves qu’ils jouent une des œuvres de ce recueil et elle assure qu’ils ont adoré jouer de la musique expressément écrite pour leur instrument. En parallèle avec cette aventure fructueuse, Puchhammer a contacté notamment l’école Juilliard à New York pour promouvoir son ­projet et proposer de répéter l’expérience avec leur classe d’alto.

Les pièces de l’album, étant des pièces de concours, sont des œuvres qui demandent une grande virtuosité, autant technique que ­musicale, et qui mettent en valeur l’instrument mieux que les transcriptions venues du répertoire violonistique. Il y a beaucoup à découvrir dans cet album, autant du point de vue des compositeurs que sur le timbre et la personnalité de l’instrument, que l’on connaît beaucoup moins que le violon et le violoncelle.

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Jutta Puchhammer-Sédillot souhaite poursuivre son projet, car elle a découvert plus de pièces écrites pour altos que ce qui figure sur l’album. Avant de la quitter, elle m’a montré une présentation PowerPoint qu’elle préparait pour une conférence prochaine sur ­l’histoire du répertoire pour alto. Autant dans ses paroles que dans ses actions, on voit ­clairement qu’elle tient à cœur la promotion et l’avenir de la pédagogie de l’alto. Avec la ­réalisation de son album, il n’y a aucun doute qu’elle réussit à atteindre ses buts !

Titre de l’album : Pièces de Concours
Alto : Jutta Puchhammer-Sédillot
Piano : Élise Desjardins

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A propos de l'auteur

An-Laurence Higgins est une jeune musicienne passionnée par tous les arts avec un intérêt marqué pour la musique contemporaine et électronique. Elle étudie présentement la guitare classique à l’Université de Montréal et s’implique dans divers projets de création, car elle croit fortement au caractère essentiel de la musique et des arts contemporains. Parallèlement à ses activités de musicienne, An-Laurence écrit pour La Scena Musicale et enseigne la guitare. / An-Laurence Higgins is a passionate young musician with a particular interest for contemporay and electronic music. She is currently studying classical guitar at the Université de Montréal and participate in various creation projects, because she strongly believes in the essential nature of contemporary music and arts. Besides her music studies, she is writing for La Scena Musicale and teaching guitar.

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