Collegium 1704 et Vaclav Luks

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Lorsque l’orchestre et l’ensemble vocal Collegium 1704 de Prague ouvrira le Festival Bach de Montréal avec la Messe en si mineur de Bach le 17 novembre à la Maison symphonique, son fondateur et directeur artistique Václav Luks croit que le public devrait s’attendre à quelque chose de différent. Luks dit que les auditeurs « ont ­l’habitude d’entendre des représentations de la Messe en si mineur qui sont le reflet de la pratique chorale des XIXe et XXe siècles. Bach ne voulait ni un chœur d’une centaine de voix ni un chanteur par partie, mais au contraire, son idéal était de 2 à 4 chanteurs par partie. » L’ensemble vocal du Collegium 1704 compte seulement 19 membres.

La Messe en si mineur de Bach tient une place spéciale dans l’histoire du Collegium 1704 et non seulement comme l’une des œuvres les plus demandées dans son répertoire. En 2013, l’ensemble a produit un enregistrement très acclamé. Stephen Ritter d’Audiofile a déclaré que c’était « la version la plus excitante de la Messe que j’aie jamais ­entendue ». « L’interprétation du Collegium 1704, dit Luks, présente les grandes œuvres en couleurs qui diffèrent de ce que nous avons l’habitude d’entendre dans la tradition ­allemande ou britannique. Dans la Messe en si mineur, il est toujours possible de découvrir quelque chose et, pour moi, chaque concert est une nouvelle aventure. »

Luks a commencé ses études musicales au conservatoire de Pilsen en République tchèque en étudiant le cor et le clavecin. Il a poursuivi sa carrière avec des recherches ­­spé­cial­isées à la Schola Cantorum de Bâle en Suisse et a créé le Collegium en 2005. Dans sa courte histoire de douze ans sous sa direction, l’ensemble très demandé se produit dans les principaux festivals européens et lieux de concert, y compris le Festival de Salzbourg, le Festival de Lucerne, la Philharmonie de ­Berlin, le Theater an der Wien et le Konzerthaus (Vienne), le Concertgebouw (Amsterdam) et le Wigmore Hall (Londres). Il a également tenu des résidences prestigieuses au Festival de musique ancienne à Utrecht et au Bachfest Leipzig. La présence du Collegium 1704 au Festival Bach Montréal représente les débuts nord-américains de l’ensemble. Luks connaît déjà ce qu’il décrit comme « l’extraordinaire acoustique » de la Maison symphonique. « L’orchestre a joué l’œuvre plusieurs fois dans des salles de concert et des églises, ajoute-t-il, et je suis convaincu non seulement que les qualités extraordinaires de Bach sont intemporelles, mais aussi que leur efficacité n’est pas liée à un lieu ou un contexte particulier dans lequel il est entendu. »

Le nom Collegium 1704, et en particulier l’année 1704, est inspiré par le symbolisme du compositeur armorial du Collegium, le ­compatriote Jan Dismas Zelenka. En août 1704, l’église Saint-Nicolas de Prague fut le théâtre de la première représentation de la pièce musicale allégorique jésuite de Zelenka, Via Laureata. Comme on sait peu de choses sur la vie antérieure de Zelenka, la date de l’événement signifie l’arrivée de Zelenka sur la scène musicale et, pour Luks, de l’une des ­personnalités les plus influentes du 18e siècle.

Au cours des dernières années, l’ensemble s’est consacré plus intensément à l’œuvre de Zelenka. Luks affirme que la motivation n’est pas simplement guidée par le patriotisme, mais par ce qu’il appelle le style de composition « original » de Zelenka. « Absolument ­audacieux dans le vrai sens du terme, moderne, incroyablement passionné et sensuel presque au point de l’extase, dit Luks. D’une manière unique, Zelenka combine la tradition italienne de la musique vocale avec le ­sentiment allemand de contrepoint. Il est ­parfois appelé le Bach tchèque, mais une telle comparaison est totalement trompeuse. ­Zelenka est absolument différent dans la ­mesure où sa musique est fermement ancrée dans la tradition catholique italienne, tandis que celle de Bach s’inscrit dans l’esthétique ­luthérienne allemande. »

Collegium 1704 élargit constamment son répertoire de Bach et Zelenka pour inclure la musique de Monteverdi jusqu’au début du ­romantisme. Au cours des dernières années, l’ensemble s’est également tourné vers le ­répertoire de l’opéra. Il a connu de récents succès, dont son Rinaldo de Haendel dirigé par Louise Moaty en 2009. Luks trouve que l’opéra est un nouveau domaine « de plus en plus attrayant » pour son ensemble. Il planifie actuellement une coproduction internationale de Don Giovanni de Mozart.

Collegium 1704 fonctionne comme un ­ensemble indépendant. « Il y a un certain nombre d’inconvénients ainsi que certains avantages, confie Luks. Par nature, notre ­travail est beaucoup plus varié et changeant que celui d’un orchestre traditionnel, où les musiciens ont des contrats à temps plein et sont des “employés”. Ainsi, nous ne jouons pas seulement une gamme de musique incroyablement variée, de la fin de la Renaissance au début du romantisme, mais notre travail est aussi semblable à un chemin de découverte. C’est peut-être pour cette raison que cette ­musique attire des artistes qui ne veulent pas tomber dans la routine et qui ont envie de ­découvrir du nouveau et de l’inconnu, au point qu’ils n’hésitent pas à sacrifier leur confort personnel et leur niveau de vie. »

Le parcours de découverte se fera aussi ­sentir lorsque les plus de soixante-dix membres de l’ensemble instrumental, du chœur et du chef ambitieux voyageront vers Montréal. « Je sais que Montréal est l’une des villes les plus belles et les plus anciennes de l’Amérique du Nord, dit Luks. La ville a une atmosphère européenne et le français y est parlé. Et parce que le hockey sur glace est aussi populaire dans mon pays qu’au Canada, nous, les Tchèques, savons aussi que la ville est la maison du Canadien de Montréal. »

L’invitation de Luks et du Collegium 1704 au Festival Bach 2017 reflète sa vision érudite. « La puissance non seulement de la musique de Bach, mais en réalité de toute grande œuvre d’art réside dans son efficacité en dehors de son contexte historique et social. Tout comme un visiteur admirant une peinture baroque dans une galerie ou une église n’a pas besoin de comprendre chaque détail pour être ­captivé par la beauté de l’image, un auditeur qui entend la Messe en si mineur n’a pas besoin de comprendre le contrepoint pour être profondément touché par la beauté de la musique de Bach. »

Le Collegium 1704 au Festival Bach Montréal 2017, 17 novembre, Maison symphonique de Montréal. www.festivalbachmontreal.com

Traduit par Mélissa Brien

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A propos de l'auteur

Xenia Hanusiak is a cultural journalist and critic, essayist, poet, writer for stage, and festival curator whose work is published and performed across the globe. Informed by her practice as an opera singer and scholar, Xenia has given the world and country premieres of some of the most influential composers of our time including Kaija Saariaho, John Harbison, Elena Kats-Chernin and Zhang Xiaofu for some of the world’s leading festivals including the Next Wave Festival, (New York), Kennedy Center (Washington), Singapore Arts Festival, Gruppo Aperto Musica Oggi (Florence) and Beijing Music Festival. She holds a PhD in Creative Writing & Literature and, is a visiting scholar at Columbia University (New York), Peking University and Kookmin University (Korea). Her works for the stage include: the play Ward B; Un_labelled (Elena Kats-Chernin, Young Peoples’ Chorus of New York City); the libretto A thousand doors, a thousand windows (Melbourne International Arts Festival, Singapore Arts Festival); Earth Songs (Homart Theatre) and the dramatic monologue, The MsTaken Identity (Adelaide Festival of Arts/Australian String Quartet). Recent journalism publications include contributions on Laurie Anderson, Marina Abramovic, Anri Sala, Philippe Parreno, singers Dawn Upshaw, Kiri Te Kanawa, Leonard Cohen, composers Tan Dun, Nikko Mulhy, Lisa Gerrard and writers Clarice Lispector and Rita Dove.

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