LocalB-1717: un solo initiatique piquant

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Author : (Nathalie de Han)

Hé! Il est encore temps de vous parler de la pièce Local B-1717 ,  présentée dans un mini-entrepôt de la rue Beaumont, dans le Mile-Ex et jusqu’au 22 avril 2018. Ce texte de Erin Shields est monté dans une traduction de Maryse Warda et Geneviève L. Blais en signe la mise en scène. Le spectacle est une production de sa compagnie, le Théâtre à corps perdus, qui s’intéresse depuis toujours aux sujets qui provoquent des malaises et qui ont un impact sur le corps – des sujets dont il est difficile de parler à table, comme aime dire la metteure en scène. La comédienne et auteure Marie-Ève Milot, dont on entend beaucoup parler, défend le solo dans sa version française et Laurence Dauphinais assure la version anglaise d’un spectacle qui n’accueille que vingt spectateurs à chacune de ses représentations; il y a donc un roulement entre les deux talentueuses actrices.

 

L’histoire est plutôt décousue,  effilochée comme un souvenir qui se défait au vent: le jour de sa soutenance de thèse de doctorat, une jeune femme se rend à son entrepôt, sur la rue Beaumont, question de jeter un dernier coup d’œil sur les possessions qu’elle a accumulées au fil des années, avant de se débarrasser de tout. Un camion de l’Armée du Salut doit d’ailleurs passer plus tard. Mais en s’approchant de l’entrepôt désert, un pressentiment inquiétant l’envahit; elle se croit suivie, entend des voix… Et elle dérape, comme aspirée par un trou noir.

Avant de réserver ma place, j’avais lu, vu et entendu l’avertissement de l’équipe de production: Les personnes épileptiques, claustrophobes ou ayant peur du noir pourraient éprouver de l’inconfort. Mais, coutumière des coups de feu et autres effets stroboscopiques qui ponctuent nos scènes, je n’ai pas pris ledit avertissement au sérieux. J’ai sous-estimé le pouvoir d’évocation du théâtre. Grossière erreur. Parce que nous suivons une anti-héroïne qui a peur. Inquiète, submergée par ses souvenirs, elle arrive, une clé à la main. Et nous entrons à sa suite. Les personnes claustrophobes ou ayant peur du noir pourraient éprouver de l’inconfort… Je n’avais pas compris que j’allais être enfermée seule dans un petit locker et qu’on allait claquer la porte juste derrière moi, d’un grand coup sec. Ouf. Fichtre. Cette frayeur m’a presque fait manquer le vrai propos du spectacle. Parce que c’est d’une errance psychologique dont il est ici question, la jeune femme d’abord a peur d’elle-même… Comme le spectateur qui, lui ou elle, n’a peur que de rester enfermé seul dans le noir, pendant 20 minutes.

Avec LocalB-1717, le Théâtre à corps perdus amorce un nouveau cycle in situ intitulé Nocturnales, où la metteure en scène Geneviève L. Blais propose de fouiller les peurs et les désirs qui nous agitent, au travers de personnages féminins. L’efficacité de ce premier spectacle s’appuie d’abord sur l’originalité de la proposition. Le public déambule dans l’entrepôt du Mile-Ex, agrémenté d’installations. L’isolement du spectateur, cette situation à déstabilisante mais terriblement familière provoquent un flot d’émotions chez le regardeur. La jeune femme que nous suivons et écoutons est comme on dit, à la croisée des chemins. Que va-t-elle faire de sa vie? Doit-elle se débarrasser des objets qu’elle a accumulés dans son locker, se trouver une job ou poursuivre ses études au long cours? Cette valse-hésitation, elle est angoissante car elle nous va à tous comme un gant…

LocalB-1717: un solo initiatique, une manière de thriller psychologique, un miroir bien conçu – pour les amateurs d’aventures théâtrales qui n’ont pas froid aux yeux !

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