Ensemble Contemporain de Montreal : Plus de 30 Ans d’Innovation

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« La vision que j’ai eue de l’ECM+ il y a trente ans est restée pratiquement intacte », constate Véronique Lacroix, directrice artistique de l’Ensemble contemporain de Montréal. En 1987, alors finissante en direction au conservatoire, elle fonde son ensemble. Trente ans plus tard, elle le dirige avec la même fougue et la même vision. « Notre mandat s’est précisé en 1990 : présenter des créations multidisciplinaires, faire connaître les compositeurs canadiens d’aujourd’hui au grand public et développer un ensemble spécialiste en musique contemporaine. On le fait encore textuellement, année après année. »

C’est une admiration pour « l’art total » pratiqué par Wagner qui pousse Véronique Lacroix vers la multidisciplinarité, première assise de l’ECM+. Cette idée de penser le concert dans son intégralité, mais aussi de le voir comme une convergence artistique, la fascine. Elle présente chaque année un concert thématique multidisciplinaire qui « ouvre l’espace et permet de sortir du cadre habituel », dit-elle. « Un autre art (danse, théâtre, peinture, cirque) donne une référence supplémentaire à partir de laquelle l’auditeur peut amorcer son écoute. »

Tradition et modernité

Mme Lacroix a fait sa formation au conservatoire, menant de front répertoire classique et musique contemporaine, sans y voir de frontières. « Je souhaitais relier les deux parce que je sentais dans ma propre pratique musicale qu’il y avait un fort lien entre la tradition et la découverte de nouveaux langages. Ça me semblait être le point de départ parfait pour aborder une musique encore jamais entendue. »

Les débuts de l’ECM+ sont bien modestes. À mi-chemin entre un ensemble étudiant et professionnel, la jeune chef et ses collègues interprètent les grands classiques et les œuvres des compositeurs de l’école. Leur premier concert propose une Sérénade de Mozart pour octuor d’instruments à vents et deux créations avec la même instrumentation. « À l’époque, ça ne se faisait pas vraiment. Le compositeur Gilles Tremblay, mon professeur d’analyse d’alors, m’avait confrontée au fait d’utiliser une instrumentation qu’il considérait comme dépassée. Je lui avais répondu que si Mozart avait réussi à faire quelque chose avec un tel ensemble, pourquoi un compositeur d’aujourd’hui ne le pourrait pas ? »

La directrice artistique admire les compositeurs depuis son adolescence. Lorsqu’un collègue lui suggère d’organiser des ateliers pour allouer aux compositeurs une période de recherche et d’exploration avant la livraison finale des œuvres, elle sait qu’elle vient de trouver le deuxième angle de son ensemble. « Je me suis dit : voilà, c’est la suite logique de ma quête où la parole rationnelle du cerveau gauche répond à la créativité du droit. »

Génération

C’est ainsi que le projet Génération prend forme en 1994. Son but : offrir un tremplin et un laboratoire d’expérimentation aux jeunes compositeurs canadiens. Tous les deux ans, quatre compositeurs sont sélectionnés parmi plus de soixante-dix demandes reçues par un jury canadien. Durant la première année, l’ECM+ organise des ateliers ouverts au public où les créateurs peuvent entendre, explorer, tester, avant de finaliser l’écriture de leur œuvre. « Le public a ainsi accès à tout ce qui fourmille dans la tête des compositeurs », ajoute Mme Lacroix.

La deuxième année est consacrée à une grande tournée canadienne de l’ECM+ avec les quatre compositeurs et leurs œuvres achevées. « C’est maintenant une véritable occasion de réseautage qui lance la carrière nationale de compositeurs dans la jeune trentaine. » En effet, la tournée est aussi un concours où les compositeurs peuvent gagner le Prix national du jury (5000 $ et une commande d’œuvre) ou le Prix national du public (1500 $). « C’est le point de ralliement biennal des jeunes compositeurs canadiens », dit-elle.

Lors des concerts, la partie démonstrative des ateliers de Génération est conservée. Le compositeur, en entrevue sur scène, présente certains éléments musicaux que l’ensemble joue brièvement. « Cela permet au public de reconstruire le casse-tête, note la chef d’orchestre. Cette notion de communiquer au grand public le mystère de la création, je l’ai profondément ancrée en moi. »

L’auditoire avant tout

Atteindre le public est au cœur des décisions de Véronique Lacroix. « J’ai l’aspiration depuis toujours de convier cette musique nouvelle au grand public. Si elle est parfois exigeante à l’écoute, elle peut aussi être une source d’inspiration vitale qui fait appel à ce qui a de plus vibrant en nous. »

L’ECM+ travaille fort pour rassembler son auditoire. L’équipe des communications chevronnée ne laisse rien au hasard. « On crée des bandes-annonces pour chaque production. On ne néglige pas le marketing. On dépense beaucoup d’énergie pour faire valoir une discipline malheureusement peu connue, mais aussi, disons-le, trop souvent mal aimée. On fait donc tout ce qu’on peut pour que les productions soient vues et entendues et présentées à leur meilleur », lance la chef.

L’ensemble offre aussi au public une programmation des plus variées autour de la création musicale, incluant des concerts où de jeunes interprètes, chez qui Mme Lacroix a vu un potentiel particulier, sont à l’honneur. On présente aussi des concerts uniques d’ensemble de flûtes, puisque Mme Lacroix est flûtiste, après tout. « J’affectionne cet instrument qui, avec son embouchure ouverte et son corps métallique, offre beaucoup de possibilités modernes. »

Vers l’avant

Après trente ans de créations et d’innovations, Véronique Lacroix est toujours aussi passionnée par son travail au sein de l’ECM+. « Je connais mon métier, j’ai établi un beau réseau, je suis encore dans mes belles années ! », s’exclame-t-elle, les yeux pétillants. La suite ? La présentation de l’opéra graphique Hockey noir au Canada et en Europe. Une dixième tournée du projet Génération. La reprise du spectacle d’envergure Stylus Phantasticus dans le cadre du CAM en tournée. Un nouveau CD de la musique instrumentale et vocale d’Ana Sokolović. « Et préserver ce qui a été construit », ajoute humblement Lacroix.

www.ecm.qc.ca

 

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